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Carmen Souza, voix solaire du Cap-Vert

Native de Lisbonne, installée à Londres, Carmen Souza ensoleille de sa voix les rythmes et la langue du Cap-Vert, qu'elle unit au jazz et à d'autres influences. Vocaliste ébouriffante, jouant du piano et de la guitare, cette artiste pétillante est en tournée en France, avec un passage samedi à Paris, à l'Alhambra, dans le cadre du festival Au Fil des Voix. Nous l'avons rencontrée.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Carmen Souza
 (Jazzpilon)

Née à Lisbonne le 20 mai 1981, Carmen Souza baigne depuis l'enfance dans la musique du Cap-Vert, l'archipel dont ses parents sont originaires. Enfant, douée d'une excellente oreille, elle chantait, reproduisait à la guitare (son père en jouait) ou au piano (celui de l'église où on l'emmenait le dimanche) les musiques qu'elle entendait.

Musicienne autodidacte, Carmen Souza a fait une rencontre artistique capitale à 18 ans : celle du bassiste et producteur portugais Theo Pascal. Ils ont démarré un solide partenariat musical qui dure jusqu'à aujourd'hui. Entre-temps, il lui a fait connaître le jazz et ses standards, un apport décisif dans la musique qu'ils allaient créer en commun. Il y a un ou deux ans, la jeune femme s'est d'ailleurs offert une formation musicale intensive, de trois mois, à l'école de musique de Berklee.

Le 28 janvier, Carmen Souza a sorti en France son premier "live", un beau concert (CD enrichi d'un DVD) enregistré au festival de jazz de Lagny en octobre dernier.

La rencontre
Mercredi 29 janvier 2014, dans les studios d'une grande radio de l'audiovisuel public. Rencontre avec Carmen Souza, gilet vert pomme et longue jupe. Un visage doux et souriant, un rire radieux qui ponctue ses réponses, comme pour souligner qu'elle ne se prend pas au sérieux. Une personne adorable, passionnée de langues étrangères, qui, Londonienne depuis cinq ans, s'exprime dans un parfait anglais et rêve d'apprendre le français.
- Culturebox : Votre précédent album studio, "Kachupada", évoquait un plat capverdien. Imaginez que vous deviez présenter la recette de votre musique et ses ingrédients à des gens qui ne vous connaissent pas encore...
- Carmen Souza : La base, c’est les rythmes capverdiens - funana, batuke, coladeira (Cesaria Evora en chantait beaucoup) - dans une version plus groove, swing. Il y a aussi toute l’influence lusophone, les Portugais ayant colonisé différents pays. Au Portugal, vous trouvez un peu de Brésil, d’Angola, de Mozambique, de Cap-Vert et vous grandissez en entendant toutes ces influences. Je peux dire qu’il y a aussi un peu de Brésil et d’Angola dans certains rythmes. Puis il y a l’improvisation, un grand champ dans lequel on peut glisser tellement de choses différentes, ça dépend des jours ! Parfois, mon inspiration m’emmène vers l’Afrique du nord ! Ça dépend beaucoup de ce qui me passe par les oreilles. Parfois, je ne peux même pas définir d’où cela provient, c’est juste un son auquel je sens que je dois obéir… Alors je le transpose dans mes instruments, dans mon message, dans le créole. Voilà les ingrédients de ma musique !
- Quelle est votre langue de prédilection pour chanter ?
- Le créole du Cap-Vert, qui intègre énormément de mots portugais du fait de la colonisation de l’archipel. Si l’accent change d’une île à l’autre, l’essence de la langue reste la même. Si vous connaissez un peu le portugais, il se peut que celui que vous comprendrez le mieux soit celui que l’on entend quand je chante dans le créole de Santo Antão, l’île d’où mes parents sont originaires, ou celui de São Vicente qui possède une "vibe" plus brésilienne. Si vous allez plutôt du côté de la capitale, Praia, sur l’île de São Tiago, le créole est encore différent, plus staccato, agressif. Je peux utiliser différents genres de créole dans mes chansons.

- C'est au festival Lagny Jazz, près de Paris, que vous avez enregistré en octobre ce "live" qui vient de sortir. Racontez-nous.
- Nous étions en tournée à travers le monde depuis près d’un an, à roder notre répertoire. Nous nous sommes dit que c’était le bon moment pour enregistrer ce spectacle et en faire un disque. Ceci est simplement le son de "ce que nous étions en train de faire en 2013" ! Comme ça, nous nous en souviendrons dans cinquante ans ! Je trouve ça formidable. Tous les disques ont ce rôle. Vous enregistrez ce que vous vivez, et ils représentent des chapitres. Et ceci est un nouveau chapitre. Et il y en a d’autres à venir. Ce sera formidable, plus tard, de pouvoir regarder en arrière et se dire : "Wow ! Toutes ces choses intéressantes qu’on faisait, et que l’on n’est plus capable de faire aujourd’hui !" Quand vous enregistrez un disque, entre le mixage et le mastering en studio, vous devez écouter tout ça une bonne centaine de fois par jour. Et quand c’est terminé, vous le laissez de côté ! Vous partez jouer la musique en live, mais ce n’est pas la même chose. Et quand vous réécoutez le disque, vous réalisez que vous aviez oublié certaines choses, vous vous redécouvrez !
- Comment le public français réagit-il à votre voix et votre façon de chanter les standards de jazz ?
- C’est quelque chose de formidable. On en parlait justement avec Theo Pascal, aujourd’hui. J’adore jouer en France. Je pense qu’en France, vous êtes tellement habitués à écouter ce mélange (en français, ndlr) d’afro, de jazz.... Vous êtes si ouverts à ça. Je suis si bien reçue ici. On peut le voir dans le DVD. C’était une telle surprise de voir comment les gens réagissaient, chantaient, tapaient des mains. Vous êtes un public très chaleureux !

- Vous écrivez plutôt les paroles, tandis que Theo Pascal écrit la musique. Comment s'effectue ce travail commun ?
- Il n’y a pas de règle. Ça peut venir d’une conversation commune, après laquelle des paroles peuvent être écrites en cinq minutes, et sur lesquelles nous mettons ensuite de la musique. Ça peut aussi venir d’une phrase de Theo à la basse, d’où émane une mélodie, sur laquelle un texte surgit… C’est le bon côté de notre collaboration de douze ans. Cet aspect naturel, spontané de notre composition, s’est renforcé au fil des années.

- Quelles sont les sources d’inspiration de vos textes ?
- Ça peut être plein de choses. Parfois, quand je travaille avec Theo, la mélodie vient en premier. Je commence alors à la chanter, et cette mélodie me vient avec des mots, je commence alors à les écrire. C’est comme si la mélodie "me parlait" déjà, avec un message. Parfois je chante, un oiseau chante aussi pendant ce temps et je me dis : "Oh, intéressant !" Ça peut aussi être un enfant qui joue et rit, ou bien la nature, ou des expériences de la vie. Ou le bienfait que m’apporte chaque jour le sentiment d’être vivante et de faire ce que j’adore.
- Comment sont nées vos versions très personnelles des standards de jazz "My Favorite Things", "Song for my Father" et "Donna Lee" ?
- Ça vient essentiellement de Theo et moi. C’est toujours un travail collectif. Et nous souhaitons que ce soit ainsi. Quand vous êtes un artiste, c’est vraiment bien d’avoir quelqu’un qui travaille avec vous, avec qui vous pouvez partager et développer la musique. C’est la chose principale. Je suis très heureuse d’avoir Theo, et qu’il m’ait, lui aussi ! Avec lui, c’est tellement facile ! Nous sommes toujours en train de développer, créer de nouvelles choses. Nos versions des standards sont venues comme ça. Pour "Song for my Father", on s’est dit : "Imaginons que Horace Silver ait débarqué dans une taverne du Cap-Vert et qu’il se soit mis à jouer ce titre !" On visualise une scène, c’est comme un scénario… "Amenons les jam sessions du Village Vanguard de New York au Cap-Vert !" Et à partir de là, vous déroulez le scénario et vous vous envolez !

(Propos recueillis par A.Y.)

En concert samedi 1er février 2014 à l'Alhambra, à Paris
à l'affiche avec la chanteuse marocaine Oum
Dans le cadre du festival Au Fil des Voix

Et en tournée en France
Tous les concerts de Carmen Souza sur son site

Carmen Souza (voix, claviers, guitare)
Theo Pascal (basse, contrebasse)
Benjamin Burrell (piano)
Elias Kacomanolis (batterie)
 

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