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António Zambujo de retour en France pour un concert exceptionnel à la basilique de Saint-Denis

Chanteur, guitariste et compositeur parmi les plus célèbres du Portugal, António Zambujo est de retour en France pour deux concerts, dont un rendez-vous exceptionnel mardi 22 juin associant les festivals de Saint-Denis et Métis, avec la chanteuse Ana Moura et l'Orchestre national de Bretagne. Rencontre.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
António Zambujo le 29 novembre 2016 à Londres, à l'Union Chapel (ROBIN LITTLE / REDFERNS / GETTY IMAGES)

C'est l'une des grandes voix de la chanson portugaise du XXIe siècle. Cette voix au timbre enivrant, à l'infinie palette d'émotions, s'exprime bien au-delà des frontières du fado, cette mélancolie chantée qui dévoile les profondeurs de l'âme de son pays. António Zambujo, 45 ans, puise son inspiration dans un large éventail d'influences et aime chanter dans différentes langues. Du jazz à la pop, du folklore portugais aux musiques du Brésil, sa musique délicate et raffinée, qui a franchi les mers et océans, lui vaut d'être présenté comme une figure du "néo fado", un terme dans lequel il ne se reconnaît pas forcément.

Le dernier passage en France d'António Zambujo remonte à l'hiver 2020, quand il est venu présenter son magnifique disque Do Avesso ("à l'envers"), aux mélodies captivantes. Au printemps, un nouvel enregistrement studio a été lancé au Portugal (mais il est disponible sur les plateformes), Voz e Violão, dont le titre constitue un clin d'œil à un album de João Gilberto, l'une de ses grandes influences.

Zambujo se produit mardi 22 juin 2021 à la basilique de Saint-Denis, dans une création, commande du Festival de Saint-Denis pour le festival Metis Plaine commune (22 juin-10 septembre) qui célèbre cette année la lusophonie. Il partagera la scène avec sa compatriote Ana Moura, autre grande voix du fado, ainsi que l'Orchestre national de Bretagne sous la direction de la violoniste Fiona Monbet. Dans l'album Do Avesso, déjà, António Zambujo était accompagné sur certaines chansons par un orchestre, le Sinfonietta de Lisbonne. Il chante aussi jeudi soir dans le Finistère.
Lote B (Pedro da Silva Martins / Luís José Martins), premier extrait du nouvel album d'António Zambujo, Voz e Violão


Franceinfo Culture : On vous présente parfois comme l'un des maîtres du "néo fado". Qu'est-ce que ça signifie pour vous, faire du "néo fado" ?
António Zambujo : Je ne me qualifie pas comme ça ! Je n'aime pas les étiquettes dans la musique. J'aime chanter en portugais, avec des influences, j'ai une base qui est la musique traditionnelle. Surtout celle de ma région, l'Alentejo, dans le sud du Portugal. Il y existe une grande tradition de chant polyphonique. Quant au fado, il représente mes premiers souvenirs musicaux. C'est pourquoi j'ai commencé à le chanter, à écouter des disques. Ensuite, j'ai été amoureux de João Gilberto, Chet Baker et d'autres chanteurs. La musique a commencé à se mélanger. Ce que je fais aujourd'hui, c'est le résultat de toutes ces influences. Les disques que j'écoute peuvent faire évoluer la musique que je fais, mais cette base demeure.

À propos de vos souvenirs en musique, quelles premières images, quels premiers sons, vous reviennent en mémoire ?
C'est très important parce que c'est un groupe de chant polyphonique, quarante hommes chantant ensemble. Pour moi qui étais très petit, c'était fantastique. La première fois que j'ai chanté en public, c'était dans un ensemble de même nature, j'avais six ou sept ans, ça a eu un grand impact. Les morceaux étaient très simples, avec des mélodies et des harmonies qui m'ont marqué, c'est resté un souvenir très fort. Cette influence demeure aujourd'hui, pour les arrangements et surtout la composition. Après, il y a eu les disques de fado avec la voix d'Amália Rodrigues, celle des autres chanteurs comme Max, Tony de Matos, des chanteurs classiques portugais. Mais le plus important, c'était le chant polyphonique. Ma grand-mère, dont j'étais très proche, connaissait tous les morceaux, elle me donnait les paroles pour les chanter.

Vous avez commencé par la clarinette. À quel âge vous êtes-vous orienté vers le chant ?
J'écoutais du fado mais je chantais au départ surtout pour la famille, les amis. J'avais 16 ans quand j'ai chanté pour la première fois devant un public dans une petite salle à Beja [ndlr : la ville où il a grandi]. Mais avant cela, j'apprenais la clarinette et j'étudiais dans un conservatoire. Je jouais surtout dans une philharmonie et dans un petit orchestre formé avec les étudiants du conservatoire. C'était une expérience très intéressante. Après, j'ai arrêté la clarinette et j'ai commencé à chanter.

Racontez-nous ces grands coups de cœur musicaux qui ont ponctué votre jeunesse et vous ont directement influencé ?
Le premier disque que j'ai écouté de João Gilberto, c'était son dernier, Voz e Violão [ndlr : sorti en 2000], où il chante seul avec sa guitare. Quand j'ai entendu cet album, ça a changé ma façon d'écouter, de penser la musique, de jouer et de chanter. Après ça, de manière compulsive, j'ai recherché tous ses disques, puis tous les disques des différents compositeurs que João Gilberto a chantés, puis ceux des chanteurs qui ont influencé João Gilberto comme Orlando Silva, Noel Rosa, Cartola. J'ai écouté Tom Jobim, Vinícius de Moraes, Chico Buarque, Caetano Veloso... J'adore les disques que Vinícius a faits avec Toquinho. J'ai écouté des chanteuses, Elizeth Cardoso, Elis Regina... Le disque le plus important pour moi en termes d'influence, c'est Elis e Tom [album d'Elis Regina et Tom Jobim sorti en 1974]. C'est pour moi le plus beau disque de l'histoire de la musique.
Madera de Deriva (Jorge Drexler), en duo avec Mon Laferte, extrait de l'album Do Avesso (sorti en France en 2020)


Le jazz compte également beaucoup pour vous...
Du côté des Nord-Américains, ceux qui m'ont changé sont surtout Chet Baker, Nat King Cole... J'aime le travail que Tony Bennett a réalisé avec Bill Evans qui est le meilleur pianiste à mes yeux. Il y a aussi Tom Waits qui est très important pour moi en termes de vision artistique : j'adore le mélange qu'il fait entre, d'un côté, des arrangements très beaux, et de l'autre, sa voix qui apporte le chaos dans sa musique et crée quelque chose d'inattendu. Il y a les disques de Nina Simone, Billie Holiday, l'American Songbook, Bob Dylan, Joni Mitchell... Chaque fois que j'écoute tous ces disques, ça change ma vision de la musique, ma façon d'écouter, ça me change aussi en tant qu'interprète.

Le Brésil est très présent dans votre discographie. l'un de vos précédents albums [Até pensei que Fosse Minha, sorti en 2016] est dédié à la musique de Chico Buarque...
C'est un hommage. Chico est peut-être le plus important homme de lettres de langue portugaise. Il a remporté en 2019 le Prémio Camões, le plus important prix de littérature dans cette langue. Quand on a fait le disque, Chico a été très présent. Pour moi, c'était fantastique, il m'a suggéré des morceaux à chanter, il est venu au studio d'enregistrement, il a fait des petites corrections sur des paroles... On a été très proches, je n'aurais jamais imaginé que je pourrais devenir un jour proche d'un musicien comme Chico...

Est-ce qu'il y a une grande relation, une grande histoire d'échange artistique, d'interaction musicale, entre le Brésil et le Portugal ?
Nous avons la même langue, c'est quelque chose d'important. Mais c'est très loin. Nous sommes dans l'Europe. Dans les années 1980, 1990, 2000, il y a eu des moments où on était plus proches du reste de l'Europe, et plus loin des pays lusophones. Maintenant, je pense que c'est un peu différent, la relation est meilleure, tout comme la connexion entre les musiciens. Il y a beaucoup de connexions entre le Brésil, le Cap-Vert, l'Angola, mais je pense qu'on peut faire davantage. Mais ça doit se faire naturellement. On ne peut pas forcer les choses.
Se Já Não Me Queres (Luísa Sobral), chanson d'ouverture de l'album Do Avesso (sorti en France en 2020)


Le dernier album que vous avez présenté à ce jour en France, Do Avesso, a marqué les esprits avec ses chroniques de la vie lisboète et sa dimension narrative puissante, presque cinématographique...
Oui. C'est le quotidien. C'est comme si j'écrivais posté à une fenêtre. Je regarde la rue, il y a des histoires qui se passent, je décris ce que je vois. Avec les musiciens et les producteurs du disque, on a écouté beaucoup de morceaux et on a beaucoup parlé de cinéma. Nous avions tous une passion, une connexion très forte avec le cinéma et les musiques de film. J'adore la façon dont des réalisateurs comme Stanley Kubrick, Quentin Tarentino, Martin Scorsese utilisent la musique. Pendant qu'on travaillait chaque morceau, on pensait : "Ce morceau doit pouvoir figurer dans un film de Tarantino, Scorsese, Almodovar ou Paul Thomas Anderson..."

António Zambujo en concert en France
Mardi 22 juin 2021 à la basilique de Saint-Denis, 20H30 : "Le fado, aujourd'hui", avec Ana Moura (chant), Fiona Monbet (violon). Création, commande du Festival de Saint-Denis pour le festival Metis Plaine commune

Jeudi 24 juin 2021 au Roudour, Saint-Martin-des-Champs, 20H (le concert était initialement prévu le 9 janvier)
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