Amparo Sánchez, esprit solaire
Née à Alcalá la Real, village andalou du Sud de l’Espagne, un 4 septembre 1969, Amparo Sánchez a grandi à Grenade. Chanteuse née, elle a pris son envol en 1997 au sein du groupe Amparanoïa, encouragée par Manu Chao qui avait posé ses valises à Madrid après la séparation de la Mano Negra. Fer de lance des groupes "mestizos" qui fusionnaient plusieurs genres musicaux, Amparanoïa a connu de belles années.
En 2010, Amparo Sánchez a démarré une carrière solo avec l’album "Tucson Habana", suivi de "Alma de Cantaora" en 2012. Le troisième opus, "Espíritu del Sol" (World Village), a été écrit, enregistré et mixé dans différents coins du monde : à Roubaix, à Tucson (en Arizona, où vit son producteur, Joey Burns, du groupe Calexico), au Pays basque espagnol, au Mexique…
Différents artistes du monde hispanophone ont participé à ce disque, véritable fenêtre sur le continent sud-américain. Un univers très joyeux, lumineux et énergique. La voix grave et la personnalité exubérante de la chanteuse font merveilleuse au sein d'arrangements salsa, country, folk... Ce road-movie musical illustrerait à merveille un film d'Almodovar ou de Tarantino.
- Amparo Sánchez : Je suis une chanteuse positive, créative, active. Je me sens avant tout femme. Si j’aime chanter pour les hommes, j’aime surtout chanter pour les femmes. Quand j’écris mes textes, je pense beaucoup à elles, j’ai envie de leur donner de la force, qu’elles regardent le pouvoir qu’elles ont en elles, qu’elles sentent qu’elles peuvent faire les mêmes choses que les hommes. Or dans mon pays, comme dans la plupart des pays du monde, les femmes doivent encore travailler plus, faire davantage leurs preuves, alors qu’elles gagnent moins. Mon message principal s’adresse à elles.
- Les femmes sont en effet au centre de plusieurs chansons de votre disque qui débute par une prière aux esprits de la nature et au Soleil…
- Le soleil, c’est la vie, une nouvelle opportunité de mieux faire les choses. Il ne faut pas s'encombrer avec la culpabilité. Il faut penser que chaque jour, quand le soleil se lève, il y a une nouvelle occasion de faire "de son mieux", parce qu’on n’est pas parfait, quel que soit notre âge. Il faut être dans l’esprit de la lumière, pas de l’ombre. C’est quelque chose dont je parle beaucoup. - L’écriture et la réalisation du disque se sont échelonnées sur plusieurs pays. Cet esprit international a-t-il inspiré le recours à des genres variés : rumba, boléro, musique cubaine, road song, pop ou encore country ?
- Les choses sont vraiment venues de manière naturelle. Le mélange m’a toujours accompagnée dans ma vie musicale et personnelle. J’aime voyager, découvrir des cultures, des folklores, mais sans le côté commercial que ça peut avoir. Rencontrer des musiciens. Aller dans un petit village du Mexique, par exemple, pour travailler avec le collectif Tapacamino. Il y a deux ans, ils ont participé à une fête organisée en mon hommage. On a commencé à jouer ensemble et je leur ai dit qu’il faudrait faire quelque chose en commun pour mon prochain disque. Et la vie a fait qu’on s’est retrouvé quand je préparais l’album. On a enregistré une de leurs chansons, "Sin nombre". Je l’aime beaucoup pour son style musical, le son jarocho, mais aussi pour les paroles qui parlent des problèmes d’émigration à la frontière, de gens qui disparaissent sans que leurs familles sachent s’ils sont arrivés en Amérique du Nord, s’ils sont vivants ou pas.
- Quels autres artistes peut-on découvrir dans votre disque ? Je pense par exemple au chanteur qui vous accompagne avec une très belle voix dans "De lluvia y barro" et à cette artiste qui rape en espagnol dans "Rio Turbio".
- Dans "De lluvia y barrio", on entend Raly Barrionuevo, un grand chanteur folk, de musique traditionnelle du Nord de l’Argentine. Je l’ai aimé dès que je l’ai entendu. C’est comme les anges ! Sa voix, sa façon de jouer de la guitare, c’est magnifique. Il m’a accompagnée comme guitariste lors de concerts en Argentine. Comme on a eu un très bon feeling, je lui ai proposé d’enregistrer avec moi une chanson que j’ai écrite. Dans "Rio Turbio", on entend Malena d'Alessio, la chanteuse du groupe Actitud Maria Marta, un des premiers groupes de rap féminin en Amérique latine. Elle a le groove ! - Vous reprenez aussi une chanson ancienne du répertoire sud-américain, "El ultimo trago"…
- C’est en effet est une chanson mexicaine très ancienne, interprétée et rendue célèbre par Chavela Vargas. À la suite de sa mort (en 2012, ndlr), j'ai voulu lui rendre hommage.
- À la fin du disque, vous reprenez aussi "Long long nite", adaptation de "King Kong Five" de Mano Negra. Pouvez-vous nous parler de votre rencontre avec Manu Chao ?
- Ça a été quelqu’un de très spécial. On s'est rencontré à Madrid il y a 20 ans, au moment où j’y suis arrivée avec ma guitare pour tenter de vivre de la musique. J'étais très jeune, j’avais mon fils avec moi. Manu a craqué sur mes chansons, sur mon côté positif, mon énergie. Il m'a encouragée à faire un disque. Avant de le connaître, j'avais l'idée d'être une Billie Holiday à l'espagnole, de ne chanter que dans les clubs. Je ne pensais pas enregistrer. À Grenade, j'avais senti que les groupes qui commençaient à faire des disques finissaient par se fâcher entre eux, avec leur manager, leur producteur... Mais Manu a insisté : "Tu vas enregistrer un album ! Je vais être à tes côtés, je vais chanter avec toi. Tu dois partager tes chansons ! Tu dois les montrer à tout le monde !" J’ai finalement accepté. Le premier disque d'Amparanoïa, "Poder del Machin", a connu un grand succès dans mon pays. Il n'y avait pas d’autre groupe qui proposait ce mélange de salsa, d’un peu de reggae, de boléro... Je continue aujourd’hui, mais d'une autre manière. - A-t-il entendu votre reprise ?
- Je lui ai envoyé la chanson. Il m’a félicitée et m’a dit : "C'est une grande surprise, c'est un honneur que tu chantes une de mes chansons !" L’idée de cette reprise est venue de Joey Burns, qui a produit le disque. Il est très fan de la Mano Negra.
- Quelles sont vos grandes influences musicales, vos références ? Et aujourd’hui, qu’écoutez-vous ?
- J'écoute des styles de musique très différents. Nous étions trois frères et deux sœurs. Un frère écoutait Bob Marley, un autre Pink Floyd, un autre Camarón de la Isla - c’est du flamenco -, ma mère écoutait Antonio Machín - c’est du boléro -, ma sœur écoutait du folklore latino-américain... Dans la maison, dans les chambres, il y a toujours eu ce mélange. Et dans ma vie d’aujourd’hui, c'est pareil. Je me sens complètement ouverte. J'ai découvert une chanteuse anglaise, Holly Cook. Son album s'appelle "Twice", c'est du reggae, mais avec du violon, j'adore ! J’aime aussi la musique des Balkans. Mais si je sens que c'est le moment d'écouter Omar Sosa, je l'écoute, tout dépend de l’état dans lequel je suis !
(Propos recueillis par A.Y. le 1er octobre 2014)
Amparo Sánchez en concert à Paris
Jeudi 6 novembre 2014, La Boule Noire, 19h30
120, bd de Rochechouart, Paris 18e
Téléphone : 01 49 25 81 75
> L’agenda d’ Amparo Sánchez ici
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