Mort de Patrick Juvet : "C'était une grandiloquence et du lyrisme", selon le journaliste Bertrand Dicale
Le chanteur suisse Patrick Juvet, devenu célèbre dans les années 1970 pour son tube disco "Où sont les femmes ?", est mort à l'âge de 70 ans.
Patrick Juvet, "c'était à la fois une grandiloquence et du lyrisme", a raconté jeudi 1er avril sur franceinfo le journaliste Bertrand Dicale, spécialiste musique sur franceinfo, après la mort du chanteur suisse à l'âge de 70 ans. Le corps de l'artiste a été retrouvé jeudi dans un appartement à Barcelone. Patrick Juvet était un artiste "très charpenté" culturellement qui a émergé à une époque où il y avait "une euphorie du marché de la musique" et un "optimisme complètement fou."
franceinfo : Patrick Juvet fait partie de cette nouvelle génération débarquée dans les années 1970 qui bouscule ce qui est en place et se met au disco...
Bertrand Dicale : Ce n'est pas que le disco, c'était à la fois une grandiloquence et du lyrisme. Evidemment, avec sa voix de tête suraiguë, c'était vraiment relativement facile pour lui. Mais c'est aussi l'époque de Ziggy Stardust, du glam rock britannique, de David Bowie et de ses postures et ses costumes extravagants. Il y a ces années 1970 qui sont traversées par un mélange à la fois de lyrisme, de romantisme et de liberté complètement folle. C'est un moment où le public est capable d'absorber des fantaisies, des extravagances qui, paradoxalement, n'étaient pas possible dans les années 1960. Il incarne ce moment de folie.
Il avait une folie vestimentaire, une folie dans l'apparence, le maquillage. On se permet tout à cette époque-là ?
On se permet tout parce qu'on a des bons modèles, parce qu'on a une liberté complète, parce qu'il y a une espèce d'euphorie du marché de la musique, avant que la crise des années 1970 atteigne la musique et la transforme en quelque chose d'un peu sombre, le punk en 1977. Il y a ce moment d'optimisme complètement fou, une fois que les années 1960 ont ouvert la voie. On a droit au sexe, on a droit à la liberté et on a le droit de dire ce qu'on veut. On a le droit de parler d'amour libre sans que cela ne choque personne. Patrick Juvet, par ailleurs, est bien accompagné. Il fait de très bonnes rencontres. Il travaille avec Jean-Michel Jarre : le titre Où sont les femmes est une de ses compositions. Il travaille pour Claude François, Le lundi au Soleil. Il va rencontrer aux Etats-Unis Jacques Morali et Henri Belolo, ces producteurs français absolument géniaux, qui sont les inventeurs notamment de Village People. Avec eux, il fait I love America en 1978. C'est vraiment quelqu'un qui est un excellent catalyseur. Il est très cultivé, il a fait des années de conservatoire de piano, les arts décoratifs. Il a une très grande culture, très vaste, une passion pour l'opéra.
"Il est, culturellement, artistiquement, très charpenté avant de se lancer dans les variétés pour lesquelles il est très bien armé."
Bertrand Dicale, spécialiste musiqueà franceinfo
Il a composé Le lundi au soleil pour Claude François. Il fait partie de cette génération qui compose de nouveaux morceaux qui n'ont pas forcément été créés aux Etats-Unis ?
Absolument. C'est la grosse différence avec les yéyés, qui, à quelques exceptions près, comme Ronnie Bird ou Eddy Mitchell, n'étaient pas eux-mêmes les créateurs de leurs chansons. Patrick Juvet, c'est quelqu'un qui crée. Il faut imaginer Le lundi au Soleil chanté Patrick Juvet. Cela aurait sans doute été mieux, parce qu'il y a cette espèce de lyrisme, cette espèce de liberté de la mélodie. Et on pense qu'il aurait chanté une octave plus haut que Claude François, et cela aurait certainement été très spectaculaire.
Il a aussi participé à l'émergence de Daniel Balavoine ?
Daniel Balavoine a été un de ses choristes. Patrick Juvet a fait un geste exceptionnel, magnifique, sublime : il a offert à Balavoine de chanter une chanson sur son album. Ce n'était pas un guest artiste pendant un concert à qui on propose de chanter une chanson, c'était carrément sur un 33 tours. Il lui a offert la possibilité de chanter une chanson. Ce n'est pas sa première, mais c'est la première chanson très visible de Daniel Balavoine dans le show-business français.
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