Entre discrétion et engagement, le rappeur américain Kendrick Lamar fait la tournée des Lollapalooza

Kendrick Lamar était la grosse tête d'affiche pour terminer en beauté la 5e édition du festival Lollapalooza à Paris, le week-end dernier. Il a fait sensation auprès de ses fans, venus très nombreux, avec une scénographie sobre mais puissante. Pendant 1h15, le roi du hip-hop a accompagné ses titres avec, en arrière-plan, les immenses toiles d'Henry Taylor, un artiste peintre californien, représentant des personnages noirs.

Habillé d'une tenue simple - blouson noir, pantalon ample turquoise et lunettes noires - et accompagné de ses danseurs, le rappeur a enchaîné ses chansons : Loyalty, Humble, Money Trees ou encore Bitch Don't Kill My Vibe. Un programme millimétré sans réelle transition et interaction avec son public. Mais cette manière de fonctionner fait partie de la personnalité de Kendrick Lamar, très discret. Pour ses admirateurs, il est une référence dans le rap, son concert en France était alors une opportunité pour le voir performer. Après "son morceau préféré" , Love, les festivaliers étaient déchaînés sur son titre Alright sorti en 2015 et sautaient en levant les mains au rythme des paroles.

Pour terminer sa prestation, le rappeur a choisi Savior, écrit en collaboration avec son cousin Baby Keem, et a salué son public : "Merci Paris, je reviendrai". Cette fin brutale et précoce à 23h15 - le show devait finir à 23h30 - a déçu certains fans qui auraient aimé un final plus spectaculaire. Malgré tout, un grand nombre de festivaliers avaient les yeux remplis d'émotion en partant du Lollapalooza 2023. Une édition éclectique très réussie qui a réuni 170 000 personnes.

Retour sur 10 ans de carrière

Pourquoi à chaque concert du rappeur les foules se rassemblent-elles en masse ? Pour son esthétique unique de poète contemporain, son histoire et son engagement en faveur des droits des Noirs aux Etats-Unis. Né en 1987 dans le quartier défavorisé de Compton, berceau du gansta-rap dans la banlieue de Los Angeles, Kendrick Lamar commence sa carrière avec une première mixtape (compilations de chansons) Youngest Head Nigga In Charge en 2003 avec le nom d'artiste K-Dot. Au fil des années, ses projets sont de plus en plus remarqués jusqu'en 2011 où, sous le nom de Kendrick Lamar cette fois, il sort un premier album intitulé Section 80, qui évoque des sujets tels que le racisme et sa persistance au sein d'un pays fracturé. Puis un deuxième en 2012, Good Kid, m.A.A.d City, rapidement certifié disque de platine. En 2015, avec son album To Pimp a Butterfly et sa compilation de démos qui suit en 2016 untitled unmastered , le rappeur monte au sommet des charts. Dans un rap bien ficelé, il incorpore des éléments de funk et de jazz.

C'est dans l'album DAMN sorti en 2017 qu'apparaît le tube planétaire Humble. L’élection de Donald Trump aux États-Unis, les violences policières et le racisme ambiant ont inspiré le rappeur qui avait la vocation certaine de changer les mentalités avec ses mots. Il accueille sur cet album deux poids lourds de l'industrie musicale : Rihanna et U2. DAMN reçoit même le prix Pulitzer de la musique en 2018. C'est une première pour un artiste de hip-hop.

Après une pause de quatre années, Kendrick Lamar se produit à la mi-temps du SuperBowl en février 2022 aux côtés de Dr.Dre, Snoop Dogg, 50 Cent, Eminem, Anderson Paak et Mary J.Blige et sort son 5e album en mai :  Mr. Morale & the Big Steppers. Une des chansons de ce nouveau projet, The Heart Part 5, est accompagnée d'un clip utilisant la technique du deepfake qui permet au visage du rappeur de se métamorphoser en personnalités importantes de la culture afro-africaine comme l'acteur Will Smith, le basketteur Kobe Bryant ou le rappeur Nipsey Hussle.

Un artiste engagé

Son rap est ouvertement politique. Les textes de Kendrick Lamar font souvent référence au racisme, à l'autonomisation des Noirs et à l'injustice sociale. Le New Yorker le décrit en 2017 comme un "maître du storytelling", quand SFGate, site d'actualités basé à San Francisco, considère ses paroles comme "des lames de katana (japonaises) tranchantes à une époque où les rappeurs populaires sont plus connus pour les visuels qui accompagnent leurs raps que pour leurs raps eux-mêmes".

Kendrick Lamar est engagé dans ses textes mais il l'est aussi dans ses actions pour sa ville et sa communauté. Pour preuve, en 2015, le sénat de l'Etat de Californie lui remet le 35e Generational Icon Award pour honorer tous les dons qu'il a octroyés à Compton, la ville de son enfance. En 2016, le maire de Compton lui remet la clé de la ville. Une représentation de l'évolution de Compton, pour mettre en œuvre la nouvelle vision de la cité.

Celui qui, à 36 ans, est souvent qualifié par la critique comme le meilleur rappeur de tous les temps et qui a remporté plus de 15 Grammy Awards se produira jeudi prochain, le 3 août, au Lollapalooza, cette fois-ci à Chicago aux Etats-Unis.