Le voyage d'un orchestre nord-coréen en Europe
Dans les immenses volumes de la salle Berthier, dans le nord de Paris, musiciens français et nord-coréens partagent les pupitres. Le Premier violon nord-Coréen, Mun Kyong Jin, échange un instant son Stradivarius de 1716 avec son homologue français, Svetlin Roussev. Plutôt que de mettre l'Orchestre philharmonique de Radio France d'un côté et l'orchestre Unhasu de l'autre, le maestro sud-coréen Myung-Whun Chung a choisi de réunir deux musiciens jouant du même instrument autour d'une partition.
Nul ne parlant la langue de l'autre, c'est par la musique que passe la communication. Dans l'attitude, dans le geste. De temps en temps, un doigt ou un archet souligne un point particulier de la partition. Le chef d'orchestre, donnant ses consignes alternativement en français et en coréen est là pour faire le lien.
Étrange rencontre que celle de l'orchestre philharmonique de Radio France et de l'orchestre Unhasu. Sous l'œil vigilant des membres de la délégation nord-coréenne à Paris - la France ne reconnaissant pas la Corée du nord, il n'y a pas d'ambassade - et des chefs de la délégation, de timides contacts se nouent. Les Coréens arborent à la poitrine des pin's à l'effigie de leur leader, Kim Jong-un, comme s'il veillait sur eux.
Si la première symphonie de Brahms, pièce maîtresse du concert de ce soir, réunit par-delà les frontières, c'est Ariragn qui parlera plus aux Coréens. Ce morceau traditionnel, écrit avant la partition, évoque l'âme coréenne, qu'elle soit du nord ou du sud, et sonne comme un appel à l'apaisement et à la fraternité, malgré les tensions qui restent extrêmes de part et d'autre du 38e parallèle.
Apaisement aussi peut-être à l'égard de la France, qui a refusé de présenter ses condoléances l'an dernier à la mort de Kim Jong-il. Si ce contexte de légère détente perdure, Myung-Whun Chung pourra peut-être réaliser son rêve : emmener le Philharmonique de Radio France à Pyonyang, l'an prochain, puis organiser un concert réunissant des musiciens des deux Corée. Mais les retournements de situation sont fréquents, comme l'a montré la crise nucléaire de 2006, qui a mis un terme à sa précédente tentative de rapprochement musical. Alors il marche prudemment, pas à pas. Et pour lui, le concert de ce soir n'est que le premier.
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