A 79 ans, Joan Baez a estimé qu'il était temps pour elle de quitter la scène. Et pourtant, ce "Farewell tour" prouve qu'elle chante encore merveilleusement bien et surtout qu'elle n'a rien perdu de ses convictions et de ses engagements. Le concert de dimanche au théâtre antique de Vienne a témoigné d’une carrière bien remplie pour cette sommité de la chanson folk et même de la musique en général.Une musique actuelle et chargée d’histoireEn première partie, le jeune Kiol, surnommé par certains medias le "Ed Sheeran italien", a ouvert la soirée dans un style tout à fait en phase avec la tête d’affiche. Âgé de seulement 22 ans, il a démontré que la génération née en 1997 sait aussi s’inspirer des grandes références du genre. Il a d’ailleurs repris Redemption Song de Bob Marley, avant de laisser la place à la très attendue Joan Baez.La madone de la folk fait son entrée seule, sous des applaudissements nourris, et débute le concert uniquement accompagnée de sa guitare, avec Dona Dona. La setlist offre un dosage équilibré entre morceaux incontournables et nouvelles chansons extraites de son album Whistle on the Wind, sorti en 2018. Elle prend le temps entre chaque titre d’en expliquer la signification, parfois même en français. Après Last Leaf (écrit et composé par Tom Waits) et Farewell Angelina, une première reprise de Bob Dylan, Don’t Think Twice It’s Alright, accueille ses deux musiciens : le multi-instrumentiste Dirk Powell à l’aise aussi bien à la guitare, au piano, au banjo, au violon ou à la contrebasse, et le fils de la chanteuse, Gabriel Harris, aux percussions. Dirk Powell, Joan Baez et Gabriel Harris, à Vienne le 21 juillet 2019 (Jean-François Convert) Un peu plus tard, la chanteuse Grace Stumberg vient apporter une deuxième voix sur le cultissime Diamonds and rust ou le gospelisant Oh Freedom. Dirk Powell, Joan Baez, Grace Stumberg, et Gabriel Harris, à Vienne le 21 juillet 2019 (Jean-François Convert) La poésie de la révolteLes chansons alternent entre poèmes amoureux et défense des droits, que ce soit des migrants ou des femmes. Joan Baez explique ainsi en introduction de Silver Blade que "si aujourd’hui les femmes n’ont plus à tuer les hommes violents et dominateurs, elles doivent juste dire non" (la chanson raconte l'histoire d'une jeune fille abusée par un chevalier et qui se venge en le poignardant avec une "lame d'argent"). La chanteuse rappelle aussi que Deportee est "une chanson pour tous les réfugiés dans le monde" . Joan Baez à Vienne le 21 juillet 2019 (Jean-François Convert) Ce n’est pas le moment de construire des mursJoan BaezPlus de 50 ans après les grandes marches pour les droits civiques, ses convictions restent inébranlables. Que ce soit la prise de conscience écologique avec Another World, "nous avons besoin d’un autre monde,celui-ci est presque foutu", le souvenir du syndicaliste Joe Hill, exécuté en 1915, ou l'hommage d'Obama aux victimes de la tuerie raciste de Charleston en 2015, à travers le poignant The President Sang Amazing Grace. Compagnon de route de ces combats, Dylan, présenté comme "l’un des plus grands poètes", est omniprésent. Notamment par Diamonds and Rust, la chanson de la rupture, ou It Ain’t Me Baby qui bénéficie de superbes arrangements. Les magnifiques arpèges mêlés des deux guitares subliment la chanson. Le troubadour-rockeur sera à nouveau à l’honneur pour les rappels avec Blowin' in the Wind, et son dernier refrain chanté en français, comme jadis par Hugues Aufray.Une relation forte avec le public françaisEt pas moins de trois rappels sont offerts au public de Vienne ! Comme elle l’a toujours fait depuis les années 1960, Joan Baez a repris des grands standards. Outre ceux du répertoire dylanien, le set comprenait, entre autres : Suzanne de Leonard Cohen, Catch the Wind de Donovan, Imagine de John Lennon, The Boxer de Simon & Garfunkel, ou encore le classique House of the Rising Sun et le traditionnel Turn Me Around.Le morceau de l'ex-Beatle, ainsi que le célèbre Here’s to You, co-composé avec Ennio Morricone pour le film Sacco et Vanzetti, ont embrasé les gradins du théâtre antique. Le public du théâtre antique de Vienne, le 21 juillet 2019 (Jean-François Convert) Le public, qui connaissait les paroles de nombreuses chansons, a d’ailleurs repris en chœur la plupart d’entre elles. Et la chanteuse américaine a rappelé son attachement particulier à la France en reprenant Chanson pour l’Auvergnat de Georges Brassens.La France m’a beaucoup donné, j’essaie de redonner à la FranceJoan BaezElle s’est encore adressée en français par un vers dans la dernière chanson : "Adieu mes amis". Après son dernier concert français à Perpignan ce lundi 22 juillet, elle fera ses adieux à l’Europe le 28 à Madrid. Dirk Powell, Joan Baez et Gabriel Harris, à Vienne le 21 juillet 2019 (Jean-François Convert) Fidèle à son histoire et aux forces qui l’ont animée durant tout sa carrière, Joan Baez a, une fois encore, incarné cette dualité qui la caractérise : une musique et une voix touchées par la grâce et des textes qui allient poésie et engagement. Et même si le chant ne monte plus aussi haut que par le passé, notamment sur Forever Young, la grande dame du folk n’a rien perdu de sa superbe et a tiré sa révérence comme une reine. Dirk Powell, Joan Baez, Gabriel Harris, et Grace Stumberg à Vienne le 21 juillet 2019 (Jean-François Convert) La Setlist du 21 juillet à Vienne : 1. Dona Dona 2. Last Leaf 3. Farewell Angelina 4. Don’t Think Twice it’s Alright 5. Whistle on the Wind 6. Silver Blade 7. It Ain’t Me Babe 8. Deportee 9. Diamonds and Rust10. Catch the Wind11. No More Auction Block / Oh Freedom12. Chanson pour l’auvergnat13. Another World14. The President Sang Amazing Grace15. Suzanne16. Joe Hill17. The House of the Rising Sun18. Ain't Gonna Let Nobody Turn Me Around19. Gracias a la vidaPremier Rappel20. Forever Young21. ImagineDeuxième Rappel22. Here’s to You23. Blowin’ in the Wind24. The BoxerTroisième Rappel25. Dink’s Song (Fare thee well)