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Tropical Jazz Trio, fusion solaire entre jazz et Caraïbe, un petit miracle de groove

Les jazzmen Patrice Caratini, Alain Jean-Marie et Roger Raspail ont uni leurs forces et leurs influences dans un disque lumineux où s'entremêlent avec délectation jazz, biguine, musiques afro-cubaine et brésilienne. En concert ce jeudi soir à Paris. Patrice Caratini nous présente cette pépite.

Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Alain Jean-Marie (piano), Roger Raspail (percussions), Patrice Caratini (contrebasse), les trois musiciens du Tropical Jazz trio. (MARION LEFLOUR
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Tropical Jazz Trio, c'est une réunion au sommet d'artistes français majeurs du jazz et des musiques improvisées de ces dernières décennies. D'abord, le contrebassiste Patrice Caratini, compositeur, arrangeur, directeur d'ensembles de grands formats. Ensuite, le pianiste guadeloupéen Alain Jean-Marie, incarnation de la fusion entre jazz et Caraïbe, et enfin le percussionniste Roger Raspail, un maître du gwoka de Guadeloupe et benjamin du trio (il a 65 ans, ses partenaires en ont 73).

Si les trois musiciens se connaissent bien, ils n'avaient jamais enregistré ensemble en trio. Cette étape a été franchie au printemps dernier avec la sortie fin mai d'un album sur un label fraîchement créé, French Paradox. Les trois artistes se sont retrouvés en studio avec un répertoire de compositions de leur cru et de reprises de Duke Ellington, Charlie Chaplin, Horace Silver, Toninho Horta ou Serge Gainsbourg... Le résultat, c'est un petit miracle de groove ensoleillé, de plaisir partagé, de simplicité et de raffinement discret. Le trio le présente ce jeudi soir à Paris, au Bal Blomet, en attendant d'autres dates...

Franceinfo Culture : Comment est né ce projet discographique associant piano, contrebasse et percussions ?
Patrice Caratini : Par hasard et affinités, comme toujours. Il y a quelques années, on devait jouer en trio au festival Au Sud du Nord, en Essonne, avec Alain Jean-Marie et le guitariste Marc Fosset avec qui j'ai partagé énormément de choses [ndlr : Caratini et Fosset ont formé un duo contrebasse-guitare]. Or Marc s'est cassé le bras. Avec Alain, on se voyait souvent avec l'orchestre [le Caratini Jazz Ensemble]. Pour remplacer Marc sur ce concert, j'ai proposé à Alain et à Roger Raspail de jouer en trio. On partageait un répertoire commun assez simple à mettre en place.

On a pris du plaisir à jouer ensemble. J'ai eu l'occasion de reformer ce trio en d'autres circonstances, jusqu'au moment où il y a eu cette proposition de faire un album, il y a deux ou trois ans. Elle est venue de l'organisateur du festival de Bandol où on s'était produit, Julien Daian, qui souhaitait monter un nouveau label.

Cette invitation vous a donc permis de concrétiser et structurer ce groupe...
Oui. Quelque part, ils nous ont obligés à travailler ! Jusque-là, on ne se réunissait que de manière occasionnelle. On a passé trois jours en studio, ils nous ont offert une vraie production et nous ont demandé d'amener des thèmes. On s'est posé la question de la musique qu'on faisait ensemble. Et cela a donné ce disque.

Comment le répertoire de l'album a-t-il été défini ?
D'une façon assez simple. On avait une formule de trio avec percussions et pas de batterie. Il y a Alain Jean-Marie dont on connaît tout le travail sur la biguine et Roger Raspail qui est un très grand connaisseur du ka, le tambour traditionnel guadeloupéen. On a choisi des biguines qu'on connaissait tous et des morceaux de jazz qui s'inscrivent dans le rapport avec l'Afrique. On a pensé tout de suite aux compositions de Dizzy Gillespie à l'époque du jazz afro-cubain des années 40, à sa rencontre avec Chano Pozo [percussionniste cubain parmi les pionniers de la fusion entre jazz et musique afro-cubaine], à Horace Silver qui était originaire du Cap-Vert... Il fallait des morceaux qui fonctionnent avec les percussions qui ne peuvent pas s'utiliser comme une batterie. Puis on a amené certaines de nos compositions. Alain Jean-Marie a proposé un ancien morceau, Latin Alley. J'ai apporté une samba que je jouais avec Marc Fosset [Sambacara, qui s'appelait initialement Carasamba]. Roger Raspail a amené un morceau qu'il avait enregistré récemment avec d'autres instruments. Et on a écrit deux ou trois compositions nouvelles.


On a traité ces musiques avec cette façon particulière inhérente à notre trio. Toute instrumentation oriente inévitablement le discours musical. On s'est pris nous-mêmes au jeu. La main frappée sur la peau, la contrebasse utilisée d'une façon assez acoustique... Tout cela donnait quelque chose d'assez intéressant, forgeait le caractère du trio.

Dans une configuration comme la nôtre, il y a toujours une absence, quelque chose qui n'est pas joué. Il y a du non-dit dans ce trio

Patrice Caratini

Vous-mêmes, comment adaptez-vous votre jeu de contrebassiste aux percussions ?
Le rapport avec la percussion m'a amené à m'interroger. Dans le son de la peau frappée avec la main, les timbres, les fréquences sont très proches de la contrebasse en pizzicato, telle qu'on la joue dans le jazz [sans archet, en pinçant les cordes avec la main droite], donc cela se mélange. Si vous jouez au même endroit que la percussion, la contrebasse disparaît, ce qui n'est pas le cas avec une cymbale de jazz. Je me suis retrouvé face à la problématique de savoir où me placer, pas pour l'accompagnement qui est quelque chose de différent, mais pour les parties où je devais m'exprimer en soliste. Il m'a fallu réfléchir à un jeu plus épuré que dans un trio traditionnel de jazz. Ensuite, je travaille sur des figures rythmiques différentes de celles du jazz.

Dans le texte du CD, vous expliquez que vous avez tous été "surpris" à l'écoute du master de l'album que vous aviez enregistré...
Alain et moi avons utilisé le même mot, "surpris". Sur scène, au fil des ans, on jouait ensemble sans trop se poser de questions. Et en studio, au moment d'enregistrer, on a dû se demander ce qu'on jouerait, comment on se répartirait les différentes parties... En écoutant le résultat, on s'est aperçu que l'ensemble du répertoire qu'on avait monté pour cet album avait un sens. Il y a un truc particulier dans ce travail de trio dont Roger parle souvent : avec la percussion telle qu'elle est utilisée par exemple dans les musiques afro-cubaines, avec les percussions cubaines mélangées au jazz, il y a toujours cinq ou six instruments de percussions, alors que la batterie les réunit tous en un seul. Dans une configuration comme la nôtre, il y a toujours une absence, des sons qui ne sont pas frappés rythmiquement, quelque chose qui n'est pas joué et qui est implicite. On avait une interrogation sur le sens de la musique, avec l'idée d'un numéro de funambule... Il y a du non-dit dans ce trio, on s'en est aperçu à l'écoute. Et en même temps, la musique fonctionnait. Ça tenait debout. En écoutant comme des auditeurs extérieurs, on a été surpris, dans le bon sens, du son de ce trio, et de ce qu'il dégageait.

Tropical Jazz Trio en concert à Paris
Le Bal Blomet, 33 rue Blomet, 15e
Jeudi 3 octobre 2019, 20H30

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