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Médéric Collignon : un documentaire financé avec l'aide du public

« Médo(S) », c’est le titre du documentaire que Josselin Carré consacre au turbulent jazzman Médéric Collignon. Un projet au long cours mené depuis sept ans, entre entretiens, concerts et festivals. Pour en assurer la post-production, le réalisateur a sollicité l’appui des bonnes volontés par le biais du site de collecte Kiss Kiss Bank Bank. Le compte à rebours s'achève ce samedi après-midi !
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Détail de l'affiche du documentaire "Médo(s)", avec un Médéric Collignon aux multiples facettes (2013)
 (Josselin Carré)
Josselin Carré, 34 ans, réalisateur de documentaires, captations de spectacles et courts métrages, a tourné son film sur le cornettiste et vocaliste Médéric Collignon (récent lauréat d'une Victoire du Jazz) entre 2006 et 2011, avec l'appui de la société de production Oléo Films. Environ 200 heures d'images ont été filmées du Parc floral de Vincennes à Munich en passant par Marciac. Fin 2011, il a effectué un premier montage pour arriver à un film de 4h30. Puis, en ôtant des extraits musicaux, le documentaire a été réduit à 3h30. Au final, il durera autour de 70 minutes.

Comme Josselin Carré ne peut pas prendre en charge tout seul la post-production du film (montage image, montage son, mixage, étalonnage), il a appelé à la participation du public avec le site de collecte Kiss Kiss Bank Bank, auquel de nombreux artistes ont recours ces temps-ci, notamment pour financer leurs albums.

L'argent recueilli doit lui permettre de payer un mixeur, Francois Gueurce, et un monteur, Sylvain Piot, qui a également travaillé récemment sur la captation d’un spectacle d’Ibrahim Maalouf. L'objectif fixé de 8.400 euros a été atteint le 12 juillet, à huit jours de l'échéance fatidique. Josselin Carré, soulagé, espère maintenant récolter un bonus afin de payer un traducteur professionnel, ainsi qu'un encodage et un gravage professionnels du futur DVD. Il est donc encore temps d'apporter une contribution sur le site Kiss Kiss Bank Bank, jusqu'au 20 juillet. Josselin Carré a répondu à nos questions lundi lors d'un entretien téléphonique.
- Culturebox : Pourquoi avoir choisi Médéric Collignon comme sujet du documentaire ?
- Josselin Carré : J’ai rencontré Médéric en 2006. À cette époque, je faisais déjà des reportages sur le jazz. Ce qui m’a frappé chez lui, au-delà de la musique qu’il joue, et ce son qui est le sien, c’est ce personnage entre Benoît Poelvoorde et Louis de Funès. Je me suis vite dit que ce n’était pas un personnage « complexe » dans la mesure où il ne cache rien, il ne pourra pas s'empêcher de dire les choses qui lui tiennent à coeur ou le révoltent, ce qui est plutôt agréable. En même temps, il n'est pas politisé dans le sens où il n'adhère à aucun parti, il s'agit plus d'un éveil de conscience, et ses prises de parole peuvent receler une matière politique intéressante. Je voulais transmettre aux gens l’impression que j’avais eue en le découvrant. J’avais pris une grosse claque dans la figure. Il est l’un des artistes qui me surprennent le plus. Son projet King Crimson m’a surpris. Je crois bien que Médéric me surprendra éternellement.

- Pouvez-vous nous décrire certains aspects du personnage qui vous ont le plus frappé ?
- Médéric est toujours dans l’immédiat, dans l’urgence, il est très accessible, il donne trop. Il est nourri de ses influences, dont Bernard Lubat fait partie. Mais en même temps, il trace sa route, il n'est pas enfermé dans une case, en plus de la musique, il travaille aussi dans le théâtre, la danse, le slam... Et c'est un personnage de cartoon ! Il joue trop fort, trop vite, j'ai eu l'impression qu'avec lui, ça passe ou ça casse, ce qui fait qu'il ne peut pas jouer avec tout le monde, il prend beaucoup de place sur scène. Mais je l'ai vu aussi faire preuve d'énormément de douceur, de rigueur et de malléabilité. Médéric a cette capacité incroyable de se déconcentrer et se reconcentrer d'un coup, de passer du coq à l'âne si vite que cela peut en désarçonner certains.
Quand "Médo" fait son show en pleine rue, à Marciac en 2008...
 (Josselin Carré)
- Quelque 200 heures de rush ont été gravées entre 2006 et 2011… Difficile de réduire une telle matière à 70 minutes…
- C’est la première fois que je me retrouve avec un film avec autant de possibilités… Il peut être monté de 10.000 façons ! J’avais tenté un premier dérushage (première sélection de séquences en vue du montage, ndlr), mais il y avait un risque d’effet « catalogue de performances » qui pouvait annuler la force du film. Au final, le documentaire présentera un portrait de Médéric, l’aspect biographique sera un peu traité mais le parti pris chronologique va sauter. Un contrepoint sera proposé par le biais de séquences d'une pièce de théâtre de David Lescot, "L'Instrument à pression" (mise en scène par Véronique Bellegarde), dans laquelle Médéric joue avec Jacques Bonnaffé. Les gens vont adorer ce film, d'autres vont le détester, ce sera à l'image du personnage !

- Pouvez-vous nous confier certaines difficultés rencontrées lors du tournage ou dans la conception du documentaire ?
- J'avais par exemple un problème avec le rapport de Médéric à Miles Davis, qu'il admire éperdument, et dont il parle beaucoup à certains moments. J'avais peur de le dépeindre un peu trop enfermé dans cet univers. Mais entre-temps, il est déjà parti sur autre chose, ce qui a constitué finalement un soulagement ! Par ailleurs, je ne suis pas très satisfait de certaines séquences que je n'ai pas pu filmer dans de bonnes conditions avec les musiciens Andy Emler et Claude Barthélémy. Je vais refaire ces entretiens.

- Avez-vous des souvenirs de moments particulièrement forts ?
- Il y a cette séquence lors de laquelle Médéric fait écouter un de ses disques à sa mère… Il y a ces moments où Médéric joue le personnage de Médéric, à Marciac, sur le parvis de La Défense avec le chorégraphe Boris Charmatz, ou à Porquerolles lors d’une master-class avec une colonie de vacances… J’adore aussi l’évolution que l’on perçoit, entre deux concerts, de l’un des projets animés par Médéric, Septik (dédié aux musiques d’Ennio Morricone), entre Marciac 2008 et une représentation en 2010 à Grenoble.
- La Victoire du Jazz remportée fin juin par Médéric Collignon pour son album sur King Crimson implique-t-elle l’ajout de nouvelles images ?
- Je peux dire que la Victoire a été bénéfique pour la collecte Kiss Kiss Bank Bank. Pour vous répondre, on est très heureux car Mezzo va acheter une captation du spectacle autour du projet King Crimson qui aura lieu le 30 août lors des Rendez-vous de l’Erdre, à Nantes. La chaîne avait pris cette décision avant l’annonce du palmarès des Victoires. Je glisserai certaines images de ce live dans le documentaire.

- Quand peut-on espérer voir ce documentaire ?
- L’ajout des images du concert du 30 août repousse la sortie à fin décembre. Quand le documentaire sera terminé, il sera proposé à des chaînes de télévision. Des festivals qui lui ont apporté un soutien financier l’ont préacheté pour en proposer des projections, comme le Paris Jazz Festival (pour l’édition 2014), Jazz Us à Reims ou le festival Artdanthé qui a lieu au théâtre de Vanves. Et bien sûr, le documentaire fera l’objet d’un DVD.

- Un rêve ou un regret, à l’issue de ces années de travail autour de Médéric Collignon ?
- Mon rêve aurait été de filmer Médéric en virée à New York, ce qui mériterait un documentaire en soi ! Je n’exclus pas de pouvoir le réaliser un jour…

(propos recueillis par A.Y. le 15 juillet 2013)

> La collecte "Médo(s)" sur le site Kiss Kiss Bank Bank (jusqu'au 20 juillet)

> Revoir les Victoires de la musique sur Pluzz (à peu près jusqu'au 20 juillet minuit)

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