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Les candidats à la présidentielle et la culture : les propositions de Benoît Hamon
À l’heure où les grands chantiers de la culture ne semblent pas être au centre du débat politique, nous avons questionné les candidats pour connaître leur programme en matière de culture. Benoît Hamon a répondu par mail à nos questions. Le candidat du PS défend particulièrement l'éducation artistique, la liberté et la diversité de création, la valorisation du patrimoine et la redistribution.
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L’art et le patrimoine doivent être vus comme une chance pour tous, explique notamment ici Benoît Hamon, s'inscrivant dans une tradition de la gauche qui lie intimement la culture et l'éducation populaire. Pour le candidat socialiste, ardent défenseur de la notion de droit d'auteur et de l'exception culturelle française, il est temps de passer à la vitesse supérieure dans le soutien à la création et à la promotion des œuvres. Détail de ses propositions culturelles et de ses goûts notamment pour la lecture.
1- La culture pour vous, c’est quoi, à quoi ça sert ?
1- La culture pour vous, c’est quoi, à quoi ça sert ?
Nous sommes un pays fort de sa culture, de son patrimoine, de ses artistes et de son projet commun ; et dans le même temps un pays d’une diversité culturelle parmi les plus riches au monde. Cette diversité est une force pour son avenir.
Je veux donner toute leur place aux artistes, aux intellectuels et aux créateurs pour s’engager et créer dans la société. Ils sont des esprits libres, nous avons besoin d’eux pour repenser sans cesse le monde. Ils ne nous attendent pas pour imaginer et c’est tant mieux.
2 - Faut-il ou non un Ministère de la culture ?
Je proposerai un Ministère de la culture des médias et du temps libre.
Reconsidérer le travail comme vecteur d’émancipation, c’est permettre à chacun de faire des choix suivant ses propres aspirations, c’est stimuler le temps libre pour qu’il soit d’intérêt créatif et citoyen. On doit pouvoir pratiquer et apprendre la musique ou le dessin à tout âge, quel que soit son milieu ou sa situation économique. C’est pourquoi la relation entre culture et éducation populaire est une belle tradition de la gauche. Envisager ce rapprochement au sein d’un ministère me paraît dans la droite ligne de la reconnaissance des droits culturels.
3 - Quelles sont vos priorités dans le domaine de la culture ?
Regardons en face le fait que la culture fait l’objet d’une double confiscation. Par les élites d’une part, qui en jouissent tel un attribut, et par les forces économiques d’autre part qui l’utilisent comme une marchandise à forte valeur ajoutée, oubliant au passage les créateurs.
Je souhaite porter comme une exigence majeure l’art et le patrimoine comme une chance pour tous ; par l’éducation et la médiation, à l’école et tout au long de la vie, par la présence d’une offre culturelle sur tous les territoires.
Les artistes doivent être reconnus et pouvoir vivre de leur travail. Défendre les artistes c’est aussi empêcher toute forme de censure. Je serais particulièrement vigilant à ce que notre république garantisse la liberté d’expression de la création. Je défendrai la plus large diffusion de la diversité culturelle, le droit d’auteur et le financement mutualisé de la création à l’échelle française et européenne.
4 - Quelle est la mesure que vous vous engagez à mettre en œuvre dès votre arrivée au pouvoir ?
Il y en a plusieurs mais je citerai celle ci : Je ferais évoluer les nominations en vue de la parité, il n’est plus admissible que les femmes, si nombreuses dans les formations artistiques et culturelles, soient aussi sous-représentées, et de la diversité à la tête et dans les équipes des institutions culturelles. Il y a aussi enjeu concernant les moyens à la création et la promotion des œuvres. Beaucoup a été fait depuis 5 ans mais Il faut passer à la vitesse supérieure avec de réels principes d’action qui feront partie de la feuille de route du ou de la Ministre.
5 - Dans quelle proportion souhaitez-vous augmenter ou diminuer le budget de la culture ?
Je porterai l’ensemble des concours publics à la culture (Ministères, collectivités locales et recettes fiscales) à 1% du PIB. Ils passeront progressivement de 19 à 22M€ avec quatre objectifs : éducation, soutien à la création, fabriques de culture et réinvestissement territorial.
Je souhaite :
Je souhaite la promotion et le développement des systèmes collectifs de perception et de redistribution transparents et équitables dans chaque filière, livre, arts plastiques cinéma, musique… Il est en particulier indispensable de pérenniser le système de financement du cinéma et d’imaginer une maison commune pour la musique.
La présence d’un projet d’éducation artistique et culturelle dans tous les projets d’écoles et d’établissements, intégrant la notion de parcours artistique et culturel de l’enfant, doit devenir effective. Pour ce faire, une agence nationale pour la culture à l’école sera créée.
Je développerai les fabriques de culture, des lieux de création, de diffusion et de participation, associant le public et les artistes, en priorité dans les zones peu pourvues en offre culturelle.
Je veux renouveler la conception de la culture dans l’espace public. Je porterai l’objectif d’innovation de la commande publique et du développement du 1%, pour des œuvres pérennes mais aussi des projets temporaires, en lien avec la population, ou encore l’aménagement d’espaces permettant des offres de culture (arts de la rue, espaces de création…).
Je porterai des dispositifs de soutien à la revitalisation des commerces culturels de proximité. Je favoriserai une politique du patrimoine qui permette la revitalisation des centres urbains et des centres de villages. Je proposerai une journée annuelle « rue libre pour la culture » lors de laquelle les institutions et acteurs culturels proposeront de construire avec les habitants des programmations hors les murs.
6 - Êtes-vous favorable au maintien de l’"exception culturelle française" ?
L’exception culturelle portée par la France depuis le front populaire et qui a permis le développement de la création et de la diffusion comme aucun pays au monde n’y est parvenu n’est pas un principe dépassé. C’est tout simplement considérer qu’en matière de culture, la loi du plus fort, du plus rentable, du plus mainstream ne peut garantir la création, le temps long et la non rentabilité qu’elle implique, la sauvegarde du patrimoine. Au contraire, les gros doivent financer les petits, les succès déjà acquis les projets à venir.
Les acteurs numériques et économiques existants - Telco, GAFAN…- ou qui émergeront demain, dont une large part du succès vient du partage ou de la diffusion d’œuvres, doivent comprendre qu’ils devront rétrocéder une part de la richesse aux créateurs et qu’on leur demandera de contribuer à la création de demain et à la diversité par la taxation. Et c’est d’ailleurs à long terme leur intérêt. La culture a été le premier secteur ubérisé sans qu’on s’en rende compte, avec des géants de la diffusion et une atomisation de la création. Penser la redistribution de la valeur est fondamental. Ce qu’on portera sur la culture peut être précurseur de chaînes de valeur équitables dans d’autres domaines.
Les acteurs numériques et économiques existants - Telco, GAFAN…- ou qui émergeront demain, dont une large part du succès vient du partage ou de la diffusion d’œuvres, doivent comprendre qu’ils devront rétrocéder une part de la richesse aux créateurs et qu’on leur demandera de contribuer à la création de demain et à la diversité par la taxation. Et c’est d’ailleurs à long terme leur intérêt. La culture a été le premier secteur ubérisé sans qu’on s’en rende compte, avec des géants de la diffusion et une atomisation de la création. Penser la redistribution de la valeur est fondamental. Ce qu’on portera sur la culture peut être précurseur de chaînes de valeur équitables dans d’autres domaines.
Je souhaite :
- Porter la taxation des nouveaux acteurs du numérique qui dégagent de la richesse comme n’importe quelle entreprise
- Qu’une partie de cette taxation revienne au financement de la culture
- Que le piratage soit combattu et les auteurs justement rémunérés
- Favoriser l’émergence de nouveaux acteurs de l’économie numérique qui fondent leur modèle sur le partage des valeurs créées (coopérativisme de plateforme).
Je porterai le principe du respect du droit d’auteur et m’opposerai au niveau européen à la généralisation du principe du pays d’origine pour le remplacer par celui du pays où les oeuvres sont vues pour qu’on n’applique pas la règle du moins disant pour la rémunération des auteurs.
Je porterai le principe du respect du droit d’auteur et m’opposerai au niveau européen à la généralisation du principe du pays d’origine pour le remplacer par celui du pays où les oeuvres sont vues pour qu’on n’applique pas la règle du moins disant pour la rémunération des auteurs.
Je souhaite la promotion et le développement des systèmes collectifs de perception et de redistribution transparents et équitables dans chaque filière, livre, arts plastiques cinéma, musique… Il est en particulier indispensable de pérenniser le système de financement du cinéma et d’imaginer une maison commune pour la musique.
7 - Que proposez-vous pour favoriser l’accès à la culture pour tous ?
Je ferai de l’éducation artistique et culturelle une priorité. Il faut toucher les enfants de manière continue, pour construire le désir, déclencher le regard critique et la familiarité avec les arts. L’éducation artistique doit rentrer dans la logique des programmes.
Les pratiques musicales collectives, la lecture et la littérature, avec l’inscription et l’accompagnement physique de tous les enfants de CP dans les bibliothèques publiques, la formation à la culture numérique, l’éducation à l’image et le cinéma mais aussi le patrimoine de proximité sont des priorités.
La présence d’un projet d’éducation artistique et culturelle dans tous les projets d’écoles et d’établissements, intégrant la notion de parcours artistique et culturel de l’enfant, doit devenir effective. Pour ce faire, une agence nationale pour la culture à l’école sera créée.
Je développerai les fabriques de culture, des lieux de création, de diffusion et de participation, associant le public et les artistes, en priorité dans les zones peu pourvues en offre culturelle.
Je veux renouveler la conception de la culture dans l’espace public. Je porterai l’objectif d’innovation de la commande publique et du développement du 1%, pour des œuvres pérennes mais aussi des projets temporaires, en lien avec la population, ou encore l’aménagement d’espaces permettant des offres de culture (arts de la rue, espaces de création…).
Je porterai des dispositifs de soutien à la revitalisation des commerces culturels de proximité. Je favoriserai une politique du patrimoine qui permette la revitalisation des centres urbains et des centres de villages. Je proposerai une journée annuelle « rue libre pour la culture » lors de laquelle les institutions et acteurs culturels proposeront de construire avec les habitants des programmations hors les murs.
8 - Êtes-vous favorable à la préservation du statut des intermittents ?
Il faut évidemment pérenniser le système de l’intermittence. Mais tous les artistes n’y ont pas accès. 70 % des artistes plasticiens et des auteurs vivent sous le seuil de pauvreté, la moyenne de rémunération des auteurs écrivains est de 600€/mois, le début de carrière représente une très grande fragilité pour les artistes, qui abandonnent trop souvent, non faute de talent mais faute de moyens pour vivre. La première étape du RUE répond à cette question fondamentale.
Je donnerai corps à un statut de l’artiste. Il nous faut répondre à la précarité et soutenir le travail de ceux qui n’entrent pas dans le champ de l’intermittence : auteurs, scénaristes, plasticiens, photographes, designers, compositeurs.
Je donnerai corps à un statut de l’artiste. Il nous faut répondre à la précarité et soutenir le travail de ceux qui n’entrent pas dans le champ de l’intermittence : auteurs, scénaristes, plasticiens, photographes, designers, compositeurs.
Pour cela, je souhaite agir dans trois directions. D’abord soutenir la position d’artiste et de créateur en sécurisant les parcours : les sorties d’écoles, les moyens de création, en développant les ateliers logements. Ensuite favoriser la rémunération du travail artistique dans ses différentes dimensions : les ventes d’œuvres, mais aussi les phases de création et de recherche, les expositions, avec l’application effective du droit d’exposition dans les centres d’art labellisés, l’action culturelle en intégrant « les revenus accessoires », y compris pour les intermittents. Enfin améliorer la protection sociale liée à l’ensemble des activités et des carrières : retraite complémentaire, accidents du travail, et revenir sur la dichotomie entre affiliés et assujettis avec une caisse unique de protection sociale.
9 – Quelles mesures pour la préservation du patrimoine ?
Je renforcerai le processus déjà engagé, notamment par de grandes institutions comme la Bibliothèque nationale de France avec son portail Gallica, de numérisation et de mise en ligne des collections publiques afin d’amplifier l’appropriation de notre patrimoine commun.
Je souhaite la promotion du patrimoine monumental et populaire, notamment pour participer à la revitalisation des centres bourg, la reconnaissance du patrimoine immatériel et des langues et des cultures régionales.
Je souhaite que soient valorisés tous les métiers du Patrimoine dont la France peut s’enorgueillir : filières professionnelles et scientifiques, formation continue, services publics du patrimoine.
10 - Comment accompagner le développement de la numérisation de la culture ?
Je veux une nouvelle loi anti-concentration pour les médias, la législation actuelle datant d’avant l’émergence de la diffusion de contenus sur Internet. Je créerai un statut de média indépendant à but non lucratif et mettrai en place une branche média au sein de la Banque publique d’investissement. C’est ainsi que pourra régresser la défiance croissante de nos concitoyens à l’égard des médias en général et du traitement de l’information en particulier.
Je veux une nouvelle gouvernance pour l’audiovisuel public, c’est-à-dire que les conseils d’administration des trois sociétés concernées aient un rôle stratégique et décisionnaire et choisissent leurs président(e)s. En ce qui concerne son financement, j’ouvrirai un débat sur l’éventuelle suppression des recettes publicitaires en journée sur France Télévisions et sur l’élargissement de l’assiette de la redevance audiovisuelle. Je veux réaffirmer la télévision et la radio publiques comme vecteur d'information, d'éducation et de culture, un service public à l’image de la diversité de la France, soutien à la création, moteur de l’innovation citoyenne. Leurs versions numériques notamment doivent être pleinement investies de ces missions.
Face à la précarisation croissante ces dernières années du métier de journaliste, je lancerai dès mon élection des États généraux du journalisme afin d’aborder toutes les questions sociales qui concernent cette profession. Je ferai voter très rapidement une loi visant à protéger les sources des journalistes.
11 - Pour finir, quels sont vos goûts en matière de culture ? La dernière œuvre qui vous a touché ?
Je lis beaucoup, des romans, comme Céline Minard, des essais comme Francois Jullien. J’écoute beaucoup de musique, Keith Jarrett par exemple. Je regarde des séries aussi, comme the Bridge ou The Young Pope, une des œuvres les plus intéressantes que j’ai découverte ces derniers temps. Et je tente de garder du temps pour voir des expositions, j’ai été très touché par The Color Line à Branly.
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