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Jazz à Vienne: l'Afrodeezia Tour de Marcus Miller fait escale au Théâtre Antique avec l'Orchestre National de Lyon

Marcus Miller et ses 6 musiciens, accompagnés par l'Orchestre National de Lyon en première partie, ont offert une superbe soirée au public de Jazz à Vienne. Le bassiste à l’indéboulonnable chapeau noir n'a pas failli à sa réputation, emmenant dans le sillage d'Afrodeezia, titre de son dernier album, une bande de jeunes virtuoses.
Article rédigé par Marie Herenstein
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
  (M.Herenstein)

L'ambiance fut chaude hier soir au Théâtre antique de Vienne ! Une chaleur qui est allée crescendo dans les gradins bondés alors que la température de l'air se faisait un peu moins pesante. Et c'est sans aucun doute la fin du concert de Marcus Miller et de sa bande de virtuoses dont on se souviendra avec le plus d'émotion, pour les frissons qu'elle a procurés. Un de ces moments rares, quand la chair de poule vous saisit et que la musique vous emporte, vous transporte.

  (M. Herenstein)
Seuls sur scène après une première partie avec l'Orchestre National de Lyon, Marcus Miller, Alex Han (saxophone), Brett Williams (claviers), Lee Hogans (trompette), Mino Cinelu (percussions), Adam Agati (guitare) et Louis Cato (batterie) ont entamé leur set avec "Tutu", un morceau composé pour Miles Davis. Celui qui fut le mentor de Marcus Miller et lui fit confiance malgré son jeune âge au début des années 80 n'est jamais bien loin. Vingt-quatre ans après sa disparition, il continue d'être source d'inspiration et référence. "C'est une bénédiction d'avoir joué avec lui" reconnait Marcus Miller.

Et c'est justement parce que le grand Miles lui avait donné sa chance en son temps que Marcus Miller, qui a aujourd'hui l'âge de son maître lorsqu'il l'a pris sous son aile (Marcus a fêté ses 56 ans le 14 juin), n'hésite pas à embarquer dans ses aventures musicales des musiciens jusqu'à 30 ans ses cadets, Mino Cinelu excepté (il fut lui aussi musicien de Miles Davis et n'avait pas rejoué avec Marcus Miller depuis 1982). Et quels musiciens !

Une énergie contagieuse

Si le nom d'Alex Han revient souvent lorsqu'on l'interroge sur la jeunesse de son groupe, ce n'est pas un hasard. A 27 ans, la maitrise de cette étoile montante du saxophone est bluffante. Les sons coulent avec une fluidité désarmante. Mais il n'est pas le seul. Si Marcus Miller reste le chef d'orchestre de cette formation, il ne vole jamais la vedette à ses musiciens qui enchainent les solos avec brio, donnant au concert un tempo plus ou moins jazz, rock quand Adam Agati se déchaine sur sa guitare, soul ou africain quand Mino Cinelu et Louis Cato entament un incroyable jeu de ping pong sonore . "C'est important de passer le flambeau. Et puis j'adore leur energie, leur esprit, explique-t-il. C'est aussi de ma resonsabilité de transmettre."
  (M. Herenstein)
Avant de troquer un instant sa basse pour la clarinette basse, Marcus Miller a pris la parole plus gravement pour rendre hommage aux victimes des attentats ou des crimes contre les Noirs survenus ces derniers mois: Charlie Hebdo, Fergusson, Charleston, Sousse... Une tristesse qui le renvoie à "Gorée", l'un des titres de son avant-dernier album, Renaissance, composé après sa visite dans cette île sénégalaise symbole de la traite négrière.

Un morceau mélancolique, qui commence doucement avec le piano avant de s'étoffer et vous prendre aux tripes. "Il faut garder espoir" a rappelé Marcus Miller au public. Et l'espoir renait aussi grâce à la musique, un "Blast" qui fait se lever la foule, puis un titre, symbolique là encore, le "Come together" des Beatles (qui figure sur l'album Tales) pour achever un set en apothéose devant un parterre conquis, avant un ultime retour sur scène pour un morceau en solo.
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Cette soirée de Jazz à Vienne autour de Marcus Miller avait commencé 3h30 plus tôt en compagnie de l'Orchestre National de Lyon. Une rencontre inédite et unique entre deux formations qui évoluent dans des registres a priori bien distincts. Les uns suivent assez scrupuleusement une partition quand les autres laissent libre cours à l'improvisation. Mais Marcus Miller et Damon Gupton, qui dirigeait l'ONL hier soir, se connaissent d'une précédente expérience avec le philarmonique de Monte-Carlo. Et c'est justement cette complicité qui permet de trouver le juste milieu entre deux façons de faire. 


Nous sommes tous les mêmes

"Il y a 30 ans, c'était très difficile de travailler ensemble. Il y avait un grand mur entre le classique et le jazz, souligne Marcus Miller. Aujourd'hui les musiciens sont plus disposés à faire de l'improvisation. Et quand on discute ensemble, on voit bien que nous sommes tous les mêmes." Et puis "l'orchestre de Lyon est très très bon" comme l'affirme Marcus Miller ci-dessus, et de fait, cette première partie de soirée a montré la qualité d'une collaboration qui n'avait pourtant donné lieu qu'à 3 heures de répétition.


  (M. Herenstein)
"B'S River", "Papa was a rolling stone", "Preacher's kid", "Xtraodinary", "Water dancer"... les titres d'Afrodeezia, le dernier album de Marcus Miller sorti au printemps, s'enchainent dans une belle et tranquille harmonie. Un peu trop tranquille parfois si l'on compare avec une fin de soirée plus extravertie, à l'exception de "I still believe I hear" ("Je crois entendre encore", extrait de l'opéra de Bizet Les Pêcheurs de perles). Rejoint sur le devant de la scène par le violoncelliste Edouard Sapey-Triomphe, la collaboration avec l'ONL offre alors le meilleur de cette rencontre qu'il ne fallait pas rater puisqu'elle n'était destinée qu'à une seule soirée.
Ceux qui n'avaient pas envie d'aller se coucher en sortant du théâtre auront peut être eu la chance d'assister au boeuf qui a suivi. Marcus Miller a terminé la soirée au JazzMix qui accueillait Aziz Sahmaoui et l'University of gnawa, avec notamment Harold Lopez Nussa et Hervé Samb. Les musiciens ne se sont arrêtés qu'à 3 heures du matin ! 
Alex Han, Lee Hogans, Brett Williams, Marcus Miller, Adam Agati, Louis Cato, Mino Cinelu
 (M. Herenstein)

Retrouvez Marcus Miller et l'ONL dans le Petit journal du festival

L'Afrodeezia Tour poursuit sa route tout l'été. Marcus Miller sera notamment le 16 juillet à Segré, le 17 à Saint-Julien-en-Genevois, le 18 à Antibes-Juan-les-Pins, le 19 à Sète, le 21 à Patrimonio et le 4 août à Marciac.

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