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Jazz à La Villette : Sarah Murcia célèbre les Sex Pistols, Magic Malik et Vic Moan

Contrebassiste, chanteuse, compositrice et arrangeuse éclectique et brillante, Sarah Murcia est à l'honneur à trois reprises cette année à Jazz à La Villette. Ce jeudi soir, avec son groupe Caroline et des invités, elle revisite l'album culte des Sex Pistols "Never Mind the Bollocks". Les 9 et 10 septembre, lors d'une carte blanche, elle invitera successivement Magic Malik et Vic Moan. Rencontre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La contrebassiste Sarah Murcia
 (Emmanuel Rioufol)

Dans le monde des musiques improvisées, du jazz et de la création musicale, Sarah Murcia est une figure familière, respectée, incontournable. C'est surtout une inlassable exploratrice, curieuse de toute rencontre artistique.

Née le 8 janvier 1976 à Boulogne-Billlancourt, cette ancienne élève du grand contrebassiste Jean-François Jenny-Clark évolue avec la même aisance dans le monde de la chanson et de la pop auprès de CharlÉlie Couture, Jacques Higelin, Fred Poulet ou Elysian Fields, que dans celui du jazz et des musiques improvisées avec des artistes comme Sylvain Cathala, Steve Coleman ou Kamilya Jubran. Elle écrit aussi pour le cinéma et la danse.

En 2001, Sarah Murcia a fondé le groupe Caroline. En février dernier, c'est avec cette formation, renforcée par le pianiste Benoît Delbecq et le danseur-chanteur Mark Tompkins, que Sarah Murcia a sorti un album audacieux et captivant, "Never Mind the Future", variation autour du célèbre "Never Mind the Bollocks" des Sex Pistols. Elle le présente jeudi soir à Paris, au Cabaret Sauvage, avant une carte blanche les 9 et 10 septembre à L'Atelier du Plateau où elle accueillera de vieux complices, le flûtiste Magic Malik et le chanteur Vic Moan.


- Culturebox : Pourquoi avoir consacré un disque au fameux album culte des Sex Pistols ?
- Sarah Murcia : Je n'étais pas fan des Sex Pistols. Quand j'étais plus jeune, j'aimais bien ce disque - et depuis que je m'y suis plongée, je l'adore - mais j'écoutais plutôt des musiques qui s'en rapprochaient, comme le psychobilly ou le rockabilly. C'est le Théâtre de la Cité internationale qui m'a proposé de reprendre un album culte de mon choix. J'ai pensé que "Never Mind the Bollocks" serait un bon sujet.

- Qu'est-ce qui vous a attirée et inspirée dans ce disque ?
- C'est très conceptuel, très serré, ça dit toujours la même chose. Je trouve Johnny Rotten extraordinaire, très intense. Personne ne chante comme ça... et personne ne chantera jamais comme ça. Ce qui m'a inspirée aussi, c'est l'histoire de ce groupe avec toutes les ambigüités, tous les paradoxes inhérents à son existence, avec d'un côté un succès commercial tout en étant antisocial.

- Avez-vous réalisé tous les arrangements ?
- Oui, à l'exception du titre "Bodies" dont Gilles Coronado (le guitariste du groupe Caroline, ndlr) a signé l'arrangement. Je ne savais pas quoi faire avec ce morceau. Il en a fait quelque chose de très bien.

- Vous avez invité Mark Tompkins, danseur et étonnant chanteur, ainsi que le fascinant pianiste Benoît Delbecq, sur ce disque...
- J'avais déjà beaucoup travaillé avec Mark. Je l'avais invité sur un disque, on a fait un duo ensemble... C'est un bon compagnon artistique et un chanteur incroyable. Il m'a semblé vraiment intéressant qu'il nous rejoigne car il incarne lui-même les paradoxes dont j'ai parlé précédemment. Il est toujours à la limite du savoir et du non-savoir et ça se voit. L'idée d'intégrer cette présence physique me plaisait. Quant à Benoît, j'avais envie de travailler avec lui depuis très longtemps. Et je me suis dit que s'il était là, avec son instrument, la musique serait forcément jouée d'une façon particulière. S'il y a du piano, on ne peut pas jouer tout le temps fort comme du punk. Ça force l'écoute et ça oriente les choix d'arrangements. C'est d'ailleurs pareil avec le saxophone. Benoît et moi, on s'est compris très vite, tout a été très facile. Les arrangements étaient écrits pour lui, en tenant compte de son langage, et de la même manière pour tous les autres musiciens. J'écris la musique pour les gens qui vont l'interpréter, pas pour des instruments.

Le groupe Caroline et ses invités :  Mark Tompkins (chant), Benoît Delbecq (piano), Franck Vaillant (batterie), Olivier Py (saxophones), Gilles Coronado (guitare) et Sarah Murcia (contrebasse, chant)
 (Emmanuel Rioufol)

- Comment présenteriez-vous "Never mind the future" ? Est-ce une variation autour du disque des Sex Pistols ? Un vrai hommage ? Une base de travail pour permettre aux musiciens de s'exprimer ?
- C'est tout cela à la fois. J'ai pris ce répertoire comme un song book à partir duquel faire ma musique. Puis, quand on fait des reprises, cela fait appel à l'intuition collective. On s'est beaucoup éloignés des versions originales, tout en gardant des squelettes importants. On reconnaît quand même toutes les chansons et cela crée un lien avec les gens qui écoutent. "Never Mind the Future" est le cinquième disque du groupe Caroline. Sur chaque disque, il y a toujours eu au moins une chanson, on a beaucoup travaillé avec des chanteurs. Mais ce disque a resserré nos préoccupations. Il correspond vraiment au stade où l'on se situe aujourd'hui, chacun, et ensemble.

- À force de vous y immerger, qu'avez-vous appris sur le disque des Sex Pistols ?
- D'abord, j'ai compris les textes et je les trouve formidables, très bien écrits. Quand on écoute les Sex Pistols, la façon de chanter de Rotten n'engage pas à écouter les paroles, c'est difficile de tout comprendre... Le fait de reprendre les chansons à zéro, de les ralentir parfois ou de leur donner simplement un nouvel angle de vue m'a amenée à me dire que "Never Mind the Bollocks" était vraiment un bon disque.


- Parlons de votre carte blanche à L'Atelier du Plateau. Le premier soir, vous serez seule sur scène avec le flûtiste Magic Malik, que vous avez accompagné entre 2000 et 2010...
- Ces dernières années, on a repris l'habitude de jouer assez souvent ensemble, en duo. De Malik, je peux dire qu'une grande partie de ce que je pratique en musique, et de ce que je pense, vient de son enseignement. C'est quelqu'un de très pédagogue. Quand j'ai commencé à travailler avec lui, j'étais très jeune, donc je ne savais rien. Tout mon parcours à ses côtés a été extrêmement initiatique. On a arrêté de jouer ensemble. Puis, le fait de se retrouver quelques années plus tard, après tout ce que j'avais pu faire sans lui, s'est avéré très positif.

Le 9 septembre, on va donner un concert acoustique. On va jouer principalement des morceaux de Malik, mais aussi des standards. En fait, on joue ce qui vient... Et on improvise beaucoup. On se connaît bien et on a beaucoup de répertoire en commun, ça nous permet de naviguer...

- Le second soir, vous partagerez la scène avec le chanteur Vic Moan... Pouvez-vous nous dire quelques mots sur lui ?
- Vic Moan est un chanteur américain qui vit en France depuis très longtemps. Il joue aussi de la mandoline. J'aime beaucoup son sens de l'harmonie. Il a une façon très particulière d'enchaîner les accords, qui plaît beaucoup. J'ai pas mal joué avec son groupe. Il est venu aussi chanter avec Caroline. J'aime beaucoup son écriture. Quand je veux écrire une chanson, je fais souvent appel à lui. Il a écrit un recueil de poèmes qui s'appelle "Noir de Monde". L'année dernière, on l'a mis en musique. Il y a tantôt des chansons, tantôt des textes que l'on récite. C'est ce programme qu'on va jouer le 10 septembre.

- Avez-vous de nouveaux projets musicaux en chantier ?
- La semaine prochaine, j'enregistre un disque avec le groupe Habka que j'ai formé avec Kamilya Jubran (musicienne palestinienne, ndlr), Régis Huby (violon), Guillaume Roy (alto) et Atsushi Sakaï (violoncelle). Et je prépare un nouveau projet avec Benoît Delbecq, Olivier Py (saxophone, membre de Caroline) et François Thuillier (tuba).


Sarah Murcia en concert au festival Jazz à La Villette
Avec le groupe Caroline et ses invités : "Never mind the future"
Jeudi 1er septembre 2016, 20H
Cabaret Sauvage, Parc de La Villette, Paris 19e
Sarah Murcia : contrebasse, voix
Franck Vaillant : batterie
Olivier Py : saxophone
Julien Desprez : guitare (en remplacement de Gilles Coronado)
Benoit Delbecq : piano
Mark Tompkins : voix, danse
Deuxième partie du concert : Magnetic Ensemble

> Carte blanche à L'Atelier du Plateau
5, rue du Plateau, Paris 19e
Sarah Murcia & le flûtiste Magic Malik : Vendredi 9 septembre 2016, 20H
Sarah Murcia & le chanteur Vic Moan : Samedi 10 septembre 2016, 20H

> L'agenda-concert de Sarah Murcia

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