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Jacob Collier, l'entertainer né pour la musique

Pour sa première participation à Jazz sous les pommiers, le 24 mai dernier, le chanteur et multi-instrumentiste Jacob Collier a électrisé le Théâtre de Coutances et laissé entrevoir son incroyable potentiel. De son passage remarqué dans la capitale normande du jazz, nous avons ramené une interview et un extrait live capté lors des répétitions.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Jacob Collier à Coutances le 24 mai 2017
 (Annie Yanbékian / Culturebox)

Jacob Collier, Londonien de 22 ans repéré par ses reprises virtuoses de chansons et standards postés sur YouTube, chante divinement et joue de plusieurs instruments. Avec un atout décisif : il maîtrise tous les outils technologiques permettant de se transformer, seul sur scène, en homme-orchestre et en chœur polyphonique. Il en a fait la démonstration stupéfiante le mercredi 24 mai 2017 à Coutances, et nous y étions.

Quelques heures avant sa performance, Jacob Collier a interprété "Don't you worry 'bout a thing" de Stevie Wonder, l'artiste qu'il admire le plus, pour Culturebox :

- Culturebox : Vous souvenez-vous de votre premier contact avec la musique ?
- Jacob Collier : Dans ma famille, tout le monde a grandi avec la musique, en particulier ma mère, musicienne [Susan Collier, violoniste, enseignante et chef d'orchestre, elle-même fille d'un violoniste]. C'est comme si l'apprentissage de la parole et celui de la musique s'étaient faits simultanément. La musique était partout. Je ne pouvais pas y échapper, ce qui est merveilleux ! Quelque fût l'endroit où je posais le regard, il s'y trouvait quelque chose qui était lié à la musique. Celle-ci est devenue partie intégrante de mon langage de la même façon que savoir dire "bonjour"... Je pense que je chantais déjà avant de parler.

- Quelles sont les musiques qui vous ont bercé, inspiré ?
- Dès mon plus jeune âge, j'écoutais tout de Bach à Stravinsky, Stevie Wonder, Earth Wind and Fire, Bobby McFerrin, tant d'incroyables musiciens, sans me soucier des genres musicaux. Concernant mes artistes préférés, Stevie Wonder a toujours été le numéro un. Bobby McFerrin est également très important pour sa façon de chanter et sa compréhension incroyable de la musique, d'un point de vue vertical comme horizontal. Et en matière de song-writing, j'ai toujours admiré Sting.

- Vous jouez de nombreux instruments... Par lequel avez-vous commencé, et comment s'est fait votre apprentissage ?
- Il y a toujours eu un piano à la maison. J'aimais bien ça, on y trouvait tous les accords et c'est ce que je m'amusais à chercher. J'ai probablement commencé à pianoter dès l'âge de 2 ou 3 ans, ça créait des sons, c'était excitant. Après, je me souviens m'être passionné pour les percussions. J'en faisais partout, sur la table, sur le sol... J'ai reçu un djembé pour mon 8e anniversaire. J'en ai joué énormément, j'explorais les sons qu'il pouvait produire...

Mais d'une certaine façon, le premier instrument important pour moi a été un micro, avec un logiciel Logic [ndlr : programme de musique assistée par ordinateur]. Ce qu'il m'a donné l'occasion de faire, c'est de superposer des choses. Ma voix est devenue alors un instrument vraiment important. Je pouvais désormais jouer à la fois de la batterie, de la basse, tout en faisant la mélodie et l'harmonie. J'ai trouvé ça tellement passionnant ! Toutes les choses que j'entendais dans des enregistrements, je pouvais essayer de les reproduire, de les recréer, ça a été une expérience d'apprentissage énorme pour moi. Faisant partie d'une génération qui a grandi avec toutes ces nouvelles technologies, je me suis immergé dans ces outils de manière très naturelle. Mais dans le même temps, j'ai toujours aimé rechercher des sons acoustiques, authentiques.

- À quel moment avez-vous eu l'idée de poster vos expériences musicales sur des plateformes de partage ?
- J'ai toujours fait de la musique. J'ai commencé à en enregistrer à 6 ou 7 ans. Un jour, quelqu'un m'a suggéré d'essayer de faire une vidéo, soulignant que ça pourrait m'ouvrir des horizons. J'ai bien aimé cette idée, alors je m'y suis mis. On m'a alors suggéré de poster ce travail sur YouTube. Je crois que la première chanson que j'ai postée était une composition personnelle. J'avais 16 ou 17 ans. J'ai commencé à arranger des morceaux de jazz. Quand j'ai repris "Isn't she lovely" de Stevie Wonder, ça a commencé à plaire à pas mal de gens. J'adore ce processus qui consiste à reconstruire, réagencer, réharmoniser des chansons.


Tout ce travail, je le faisais déjà chez moi. Et YouTube m'a donné cette espèce de carte d'entrée, cet accès libre, selon un concept que j'adore et qui stipule tout simplement : "Faites tout ce que vous voulez !" Aujourd'hui encore, c'est quelque chose de très important pour moi. Il me suffisait de presser sur un bouton pour que la vidéo soit en ligne... Et, dès lors que quelqu'un le partageait, quelque part dans le monde, parfois cela faisait boule de neige, parfois c'était fou... Je me souviens qu'en une nuit, 100.000 personnes avaient visionné "Don't you worry 'bout a thing"... C'était très étrange.

L'état d'esprit, c'est le plaisir, l'amusement

- Vous souvenez-vous à quel moment vous vous êtes dit que la musique serait plus qu'une passion, un hobby, un jeu, et qu'elle serait désormais votre métier, votre carrière ?
- En fait, je ne me le suis toujours pas dit, d'une certaine façon ! Je pense que j'ai toujours su que c'était ce que je voulais faire. Depuis toujours, je ne fais que de la musique. J'en faisais après l'école, le soir, pendant les vacances d'été... Je créais des choses dans ma chambre. Bien sûr, c'est à la musique que je vais consacrer toute ma vie professionnelle, mais l'état d'esprit, c'est le plaisir, l'amusement. Je ne veux pas appréhender tout cela comme un "professionnel".

- Vous jouez aujourd'hui d'une dizaine d'instruments... Vous avez bien dû prendre quelques cours ?
- Je suis autodidacte. J'apprends par moi-même. Ça a été particulièrement le cas pour la basse et la batterie. J'ai eu aussi quelques professeurs qui m'ont enseigné les choses importantes à savoir. J'ai pris quelques cours de piano pour le jazz, par exemple. J'ai puisé dans ces enseignements et je me suis construit mon propre univers d'apprentissage.

- Quel regard portez-vous aujourd'hui sur le petit garçon de 6 ou 7 ans qui a commencé à enregistrer ses premières musiques ?
- Je suppose qu'aujourd'hui, je me concentre pour faire des choses de manière plus ciblée, j'ai des objectifs précis. Plus jeune, j'étais plus sage. Plus on vieillit, moins on est sage. Tout ce que vous apprenez apporte un poids supplémentaire à porter sur votre dos. Quand vous êtes enfant, vous savez peu de choses, mais en vérité, vous en savez bien plus parce qu'il y a tellement plus de possibilités ! Aussi, je regarde le Jacob enfant et j'essaye de me reconnecter avec son état d'esprit, à l'époque de cette sensation merveilleuse selon laquelle tout était possible. Je pense déjà à mon deuxième album, à la prochaine tournée, mais j'espère garder la même spontanéité que quand j'étais enfant.

L'évolution naturelle consiste à jouer maintenant avec d'autres musiciens

- Quels sont vos projets pour votre deuxième album ? Est-ce qu'on y trouvera, comme dans le premier, "In my room", ce mélange de jazz, de pop, de funk ?
- Je pense que ce mélange sera encore plus accentué dans le prochain album ! Si j'ai enregistré le premier disque complètement en solo, je compte avoir des invités spéciaux pour le prochain enregistrement. Pour moi, l'évolution naturelle consiste à jouer avec d'autres musiciens. J'ai déjà une liste d'invités en tête, chanteurs et instrumentistes, des gens de tous les univers, du hip-hop à l'orchestre... Mais je n'ai pas encore contacté tout le monde, car je suis encore en train d'écrire la musique... Ça va être passionnant pour moi.

> Notre chronique du concert de Jacob Collier, le 24 mai 2017 à Coutances
> L'agenda-concert de Jacob Collier

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