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INTERVIEW : Sonia Cat-Berro, le chant émouvant d'une "Lonely Siren"

La chanteuse de jazz Sonia Cat-Berro est de retour avec l'album "Lonely Siren", sept ans après "Toy Balloons". Elle a travaillé avec de formidables musiciens qui ont contribué à l'écriture du disque. Textes personnels et introspectifs, mélodies superbes, chant envoûtant, "Lonely Siren" respire la grâce. Sonia Cat-Berro et son excellent groupe jouent samedi soir à Paris, au Sunside. Rencontre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
La chanteuse Sonia Cat-Berro
 (Élodie Winter)

Sorti en mars, l'album "Lonely Siren" de Sonia Cat-Berro a été enregistré à Poitiers, au studio des Bruères que le pianiste Tony Paeleman fréquente à la fois comme musicien et ingénieur du son. Le musicien, qui partage la vie de la chanteuse, a signé plusieurs musiques du disque. D'autres musiciens ont participé à l'écriture des morceaux et des arrangements : le saxophoniste Christophe Panzani, le guitariste Pierre Perchaud et le contrebassiste Nicolas Moreaux. Tous ces musiciens, ainsi que le batteur canadien Karl Jannuska, ont l'habitude de jouer ensemble au sein de différents projets parmi lesquels The Watershed.

Outre ses huit compositions originales, "Lonely Siren" comprend quelques reprises et adaptations d'artistes aussi variés que l'icône pop anglaise Kate Bush et la légende brésilienne Paulinho da Viola. Samedi 30 juin au Sunside, Sonia Cat-Berro présente ce répertoire avec une partie de l'effectif du disque et des invités brésiliens en fin de concert...

- Culturebox : Sept années se sont écoulées entre "Toy Balloons" et "Lonely Siren", c'est beaucoup pour un(e) musicien(ne). Que s'est-il passé pendant ce septennat ?
- Sonia Cat-Berro : J'ai continué à faire de la musique, j'ai chanté du jazz en de multiples occasions, j'ai fait du spectacle jeune public. Je fais de l'enseignement, ce qui demande du temps, de l'implication et de l'investissement. Mais il me fallait retrouver l'inspiration pour faire un nouveau disque, ce qui me paraît indispensable pour une telle aventure !

- Qu'est-ce qui a déclenché le déclic ?
- Mes albums ont toujours été très espacés. Pour me lancer sur un disque, j'ai besoin d'avoir de nouvelles choses à dire, une nouvelle histoire, un nouvel univers, de nouveaux ressentis en rapport avec l'intériorité, la musique qu'on écoute... Tout est parti d'une envie d'écrire des textes. Pour mes albums précédents, j'avais travaillé en tant qu'auteure. J'ai eu envie de recommencer, de reparler de sentiments, d'histoires, de la vie. Subitement, à la fin de l'été 2016, c'était là, c'était prêt. Ça s'est cristalisé pendant un voyage en Sicile. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas posée, qui plus est dans des lieux somptueux. Ça m'a permis de ressentir de nouvelles choses que j'ai eu envie d'exprimer.

J'avais non seulement envie d'écrire mais aussi de chanter ces choses, de refaire un disque. J'adore enregistrer et j'ai l'habitude du processus de production. Je sais aussi que c'est une espèce de spirale dans laquelle on rentre, que ça peut être une essoreuse à plein de niveaux ! Sous la houlette musicale et technique de Tony Paeleman, j'ai proposé aux musiciens de faire ce projet avec moi. J'ai aussi invité Tony à composer et à jouer du piano.

Quand on avance dans la maturité, c'est assez agréable de ne plus avoir peur de s'exposer telle que l'on est, sans se censurer.


- Avez-vous écrit des textes que vous avez ensuite soumis aux musiciens ?
- Non, j'écris toujours mes textes sur de la musique. J'ai demandé des musiques à mes compères. Si j'avais déjà quelques thèmes que j'avais envie d'explorer, quelques bouts de phrases, tout s'est finalement affiné et collé à ce que les musiciens avaient eux-mêmes à dire dans leurs compositions.

- L'album a une couleur générale assez introspective, mélancolique. Les climats des musiques ont donc contribué à inspirer vos textes.
- C'est complètement ça. Dans les musiques qui m'ont été confiées, il y a de la nostalgie, du romantisme moderne, de la mélancolie aussi. Alors, j'ai aussi raconté ces histoires, je me suis laissée inspirer par la sensibilité musicale des membres du groupe. Cela tombait bien car je me trouvais moi-même dans un climat plus intériorisé qu'avant. On s'est complètement rejoints sur cet aspect. Si les musiciens m'avaient proposé autre chose, cela aurait peut-être éclairé une autre facette. Parfois, la rencontre avec les compositeurs fait que certaines histoires vous échappent et d'autres s'imposent. Cet album éclaire une facette que je n'avais pas autant montrée avant, étant d'un caractère plutôt dynamique, festif. Il y a aussi des facettes en demi-teinte. C'est assez nouveau pour moi de les explorer, les dévoiler, mais j'aime bien ! Quand on avance dans la maturité, c'est assez agréable de ne plus avoir peur de s'exposer telle que l'on est, sans se censurer.
- Y a-t-il des thèmes récurrents dans vos nouvelles chansons ?
- Ça parle de retour, de nouveau départ après avoir exploré des moments plus sombres ou des facettes plus nostalgiques, de la vie qui finit toujours par revenir, de la roue qui finit par tourner. Le thème du renouveau se retrouve sur "The Return", la reprise que j'ai faite d'une chanson chantée en capverdien par Mayra Andrade sur une musique d'Idan Raichel. Ce morceau m'a jeté un sort. Des paroles me sont venues, elles ont tourné dans ma tête au point de me réveiller la nuit pour les enregistrer sur mon téléphone. "The Return" n'est pas une adaptation, c'est une toute nouvelle histoire.

- Écrivez-vous toujours vos textes directement en anglais ?
- Oui. Ça fait tellement longtemps que je chante, que je regarde des films dans cette langue.... Je pense en anglais. J'ai pour deuxième langue maternelle l'allemand, ma mère étant allemande, donc j'ai déjà l'habitude de penser dans une autre langue. Il ne faut pas le dire à ma mère, mais l'anglais a supplanté l'allemand comme deuxième langue...

- Parlez-moi de ce groupe de musiciens avec lesquels vous avez enregistré pour la première fois.
- C'est un peu la famille. Je les vois tout le temps, c'est le collectif de musiciens de Shed Music, ils jouent tous dans les groupes des uns et des autres. C'était important pour moi de faire ce disque avec des gens avec qui je partage des sensibilités, des esthétiques et une amitié. J'avais adoré tous leurs derniers disques. Je me délectais à l'idée de me fondre dans leurs univers musicaux. Un certain nombre de morceaux de l'album ont vraiment été écrits pour moi, comme "The Tattoo" de Tony Paeleman. C'était du sur-mesure. Je peux dire que j'ai vraiment une tendresse particulière pour ce disque.

Sonia Cat-Berro en concert à Paris dans le cadre du 2e Festival Vocal du Sunside
Samedi 30 juin 2018, Sunside, 21H30
60, rue des Lombards 75001
Tél : 01 40 26 46 60
Sonia Cat-Berro : chant
Tony Paeleman : piano
Paul Jarret : guitare
Nicolas Moreaux : contrebasse
Karl Jannuska : batterie
Invités (3e set) : Fernando Del Papa (cavaquinho), Esteban Pinto Gondim (saxophone)

Deux reprises : Kate Bush et Paulinho da Viola

- À propos de la reprise de "Babooshka" de Kate Bush
"J'ai constaté récemment sur les réseaux sociaux que le fait de reprendre des chansons pop des années 80 suscitait des discussions chez certains jazzmen. Pour ma part, je suis coutumière du fait. Je l'ai fait aussi dans mon disque précédent [ndlr : elle a repris "Still Loving You" des Scorpions]. Pour moi, les années 80 sont de grandes années musicales. J'écoutais aussi bien Monk, Charlie Parker et Ella Fitzgerald que Talk Talk, Kate Bush, A-Ha et Police, avec la même intensité. Certaines chansons de cette époque sont des chansons de ma vie. Dès que j'entends l'intro de "Babooshka", je suis en transe. Ces reprises sont aussi un moyen de fédérer l'attention du public qui est déjà très sympa d'écouter des choses qu'on crée de toutes pièces ! C'est agréable de se présenter avec une version très personnelle de chansons populaires, qu'ils connaissent déjà."

- À propos de la reprise de "Dança da Solidão" de Paulinho da Viola
"Cela fait très longtemps que j'écoute de la musique brésilienne, mais ça fait assez peu de temps que j'ose me dire que je vais pouvoir en chanter. Depuis l'été 2016, j'ai beaucoup fréquenté la "Roda de Samba" organisée chaque dernier dimanche du mois au Studio de l'Ermitage, à Paris. Cette découverte de cette fête de la samba, où on chante et danse ce répertoire, avec la transe de ce moment partagé, c'est la beauté de la vie. Au bout d'un moment, je me suis lancée, avec cette chanson de Paulinho da Viola que je chantais déjà depuis longtemps. La musique du Brésil fait partie des choses qui provoquent beaucoup d'intensité pour moi. Je ne prétends pas faire de la samba, j'apporte juste mes modestes propositions sur cette musique extraordinaire."
 


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