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Fred Pallem dans le monde merveilleux de François de Roubaix

Fred Pallem et le Sacre du Tympan, l'orchestre qu'il dirige, célèbrent François de Roubaix, compositeur de musiques de films disparu en 1975. De "Boulevard du Rhum" à "La Scoumoune", ce disque envoûtant, entre jazz et électro, nous plonge dans les années 70. Rencontre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Pour rendre hommage à François de Roubaix, Fred Pallem s'est immergé dans ses souvenirs des années 70...
 (Sylvain Gripoix)

Né le 1er février 1973 à Houilles, compositeur multi-instrumentiste et arrangeur, Fred Pallem a fondé en 1998 le Sacre du Tympan, un orchestre composé essentiellement de musiciens de jazz et dont la configuration varie en fonction du projet.

Mi-octobre, la formation a sorti un album consacré à François de Roubaix, compositeur de musiques de films et de séries au son novateur, disparu à 36 ans, il y a bientôt quarante ans, le 21 novembre 1975, nous laissant de nombreux thèmes devenus cultes. Thèmes instrumentaux, mais aussi thèmes chantés, d'où la présence de chanteurs parmi lesquels Philippe Katerine, Alice Lewis ou Barbara Carlotti. Le concert de sortie du disque se tient jeudi soir au New Morning, à quelques stations de métro du Bataclan endeuillé. 


- Culturebox : Pour commencer, une question inévitable pour l'acteur du spectacle musical vivant que vous représentez. Comment vous sentez-vous depuis les attentats de vendredi soir ?
- Fred Pallem : Mal. Je me sens très mal. Mais je n'ai pas peur. Et je ne dis pas ça pour essayer de conjurer la peur. Et je vais jouer jeudi au New Morning. On va jouer avec le maximum de conviction, d'intensité. C'est la seule chose que j'ai trouvée à faire.

- Comment vont les musiciens du Sacre du Tympan ?
- Ils sont tous choqués, à différents niveaux. Le batteur du groupe Vincent Taeger et moi avons un ami commun, Nicolas Classeau, qui est décédé lors de l'attentat du Bataclan. Il était le directeur de l'IUT de Marne-la-Vallée. Évidemment, on est secoués. Mais on ne va pas interdire les spectacles, les restaurants en terrasse et le porno, quoi ! Maintenant, je suis un peu fatigué d'entendre : "Nous sommes en guerre." Ça m'énerve. C'est leur guerre, c'est nos morts. Puis, j'essaye de réfléchir aux événements, à leurs causes, à la cause des causes... Une fois qu'on a analysé tout ça, que fait-on concrètement ? C'est ce qu'il y a de plus difficile. Pour moi, la haine engendre la haine, la guerre engendre la guerre.

- Parlons de votre disque sur François de Roubaix. À quand remontent vos premiers souvenirs de ses musiques ?
- Ça remonte à mon enfance, quand on faisait des trajets en voiture sur la route des vacances. Mon père avait toujours des cassettes dans la voiture. Sur l'une d'elles, il y avait des musiques de François de Roubaix. Cette cassette était l'une de mes préférées. Pour moi, cela symbolisait le voyage. Ces musiques me faisaient voyager et ça me faisait du bien. Je retenais très facilement les mélodies. Dans mon lit, je fredonnais "La Scoumoune" pour éloigner les mauvais rêves ou conjurer l'angoisse de retourner à l'école le lendemain, ainsi que "Mon nom est Personne" (d'Ennio Morricone, ndlr). Ces airs sont ancrés dans mon imaginaire depuis toujours, bien avant que je devienne musicien. Forcément, ces musiques sont ressorties par la suite.


- Et bien avant ce disque, vous avez fait appel à des musiques de François de Roubaix durant vos études...
- Oui, il m'est arrivé d'apporter ses musiques au conservatoire, quand on nous demandait de proposer des morceaux à travailler en orchestre. Au départ, ma culture, c'est toutes ces musiques, ainsi que le rock. Le jazz est venu plus tard et m'a énormément apporté. D'ailleurs, François de Roubaix vient du jazz, comme toutes ses harmonies. Il est très influencé par cette musique ainsi que par la chanson.

- En 2008, vous avez organisé un concert autour de sa musique à Jazz à La Villette...
- En effet, la Villette avait un programme autour du cinéma. On m'a suggéré de faire quelque chose sur un compositeur. Quand on me propose ce genre de chose, j'essaye de choisir quelqu'un qui n'est pas très connu, c'était le cas de François de Roubaix. J'ai d'ailleurs mis un extrait de ce concert sur le CD, le thème de "La Scoumoune". Si aujourd'hui, pas mal de musiciens de la nouvelle génération le connaissent, François de Roubaix demeure assez confidentiel. Il mérite d'être plus connu.

- Quelques années plus tard, la sortie de ce disque vous permet-elle en quelque sorte de boucler la boucle ?
- Tout à fait. Le Sacre du Tympan ne joue pas que ma musique. L'une de ses vocations consiste à proposer des programmes autour d'autres compositeurs.

- Comment avez-vous choisi les morceaux ?
- On les a choisis en fonction de ce qu'on arriverait à en faire en live, car c'est à la scène qu'on destine les musiques qu'on enregistre. Notre objectif est de nous amuser avec les morceaux, d'y amener une couleur un peu nouvelle. Ce disque n'est donc pas un best-of car fatalement, certaines musiques sont passées à la trappe, comme "Le Vieux fusil", par exemple.

- J'ai lu que si vous aviez renoncé au "Vieux fusil", c'était aussi dû à la charge émotionnelle intense de ce film...
- Oui, il y a énormément d'émotion. Ça représente un peu la fin de l'enfance, pour moi. Quand j'étais gamin, je voulais le voir mais c'était interdit, il faisait partie de ces films avec le carré blanc qu'on n'avait pas le droit de regarder. Un jour, vers l'âge de 13 ou 14 ans, j'ai pu le voir en entier. Et ça m'a énormément marqué. Je connaissais la musique depuis toujours mais je ne savais pas dans quel contexte elle était utilisée. Ce film m'a fait comprendre pas mal de choses. Par la suite, j'ai fait beaucoup de recherches sur cette période (la Seconde guerre mondiale, le nazisme, ndlr). J'ai lu tous les livres possibles, j'ai visité les camps de concentration. Les guerres du XXe siècle m'intéressent énormément.

"Boulevard du Rhum", avec la voix de Barbara Carlotti

- Quelles sont vos musiques préférées de François de Roubaix ?
- En premier, je dirais "La Scoumoune". Pour les autres... il y en a tellement ! J'ajouterais "Adieu l'ami".

- Quels sont, selon vous, les héritiers de François de Roubaix, ou encore Cosma et Morricone, parmi les compositeurs de musiques de films d'aujourd'hui ?
- Il n'y en a pas, tout simplement parce que la musique de film a complètement changé, vu que la façon de filmer a changé. Donc on n'écrit plus la musique de la même façon. Avant, le réalisateur venait voir un compositeur. Pour le film, il voulait un thème d'amour, de rupture, etc... Le film n'était même pas tourné qu'il voulait déjà entendre le thème. La musique était très souvent enregistrée en amont, ce qui permettait de la diffuser sur le lieu de tournage. Aujourd'hui, c'est l'inverse. La musique est composée quasiment en dernier. Or, on peut retoucher les images, faire le montage, à l'infini, ce qui n'était pas le cas auparavant. Les paramètres ne sont plus les mêmes.

- Après François de Roubaix, quels sont vos prochains projets ?
- Pour rester dans le cinéma, j'ai composé la musique du film "Dieumerci" de Lucien Jean-Baptiste qui sortira le 16 mars 2016. Par ailleurs, je prépare un nouveau programme de musiques originales, avec mes propres compositions, mais il n'y a pas de thématique précise. Ce ne sera pas un "concept-album" ! Je fais toujours le contrepied de ce que j'ai fait auparavant. Néanmoins, je vais continuer d'explorer les sonorités électro. Mais il y aura plus de formes longues et d'improvisations.

Fred Pallem et le Sacre du Tympan en concert
Jeudi 19 novembre 2015 au New Morning, 20h30
7 & 9, rue des Petites-Écuries
Paris 10e
> L'agenda-concert de Fred Pallem et du Sacre du Tympan sur son site

Le Sacre du Tympan
Fred Pallem : direction musicale, basse, guitares
Vinz Taeger : batterie, percussions
Rémi Sciuto : saxophone, clarinettes, flûtes, ocarina
Arnaud Roulin : synthés, clavinet
Vincent Taurelle : piano, Fender Rhodes, synthés
Fabrice Martinez : trompette
Daniel Zimmerman : trombone

Les invités du New Morning
Barbara Carlotti, Alice Lewis, Juliette Paquereau, Alexandre Chatelard : chant
Joce Mienniel : flûte

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