Concours Eloquentia : toute la force de la parole "A voix haute" en Seine-Saint-Denis
Pour la cinquième édition, les finalistes se sont affrontés sur le thème suivant : "Peut-on s’abonner au bonheur ?" A chacun sa technique pour convaincre le jury, composé cette année de pontes de la culture urbaine comme le slameur Grand Corps Malade ou le rappeur Youssoupha. Grand vainqueur, Grégoire Gouby a choisi l’humour pour s’exprimer.
Reportage : France 2 - A. Mayer, O. Gardette, J-M. Nouck-Nouck, S. Gripon, E. Marot, G. Georghita, L. Lavieille
Stéphane de Freitas a imaginé la Coopérative Indigo. Cette association est née de la lassitude d’entendre que les jeunes sont divisés. Pour promouvoir le vivre ensemble et briser les stéréotypes qui enferment les populations dans des catégories sociales étanches, le réalisateur a décidé de mettre en place ce programme. Lui-même a grandi en Seine-Saint-Denis avant de déménager dans l’Ouest parisien, où il est alors confronté à un décalage social qui l’oblige à s’adapter sans cesse. Avec Eloquentia, le jeune homme de trente ans offre la parole à des jeunes qui se pensaient jusqu’alors incapable de se faire entendre.
Bien parler pour mieux vivre ensemble
Six samedis durant, les étudiants s’entraînent, s’exercent et persévèrent aux côtés de professionnels de la parole. Avocats, metteurs en scène, professeurs de chant ou encore slameurs, l’équipe prépare les orateurs à affronter le jury. Si le but final est de remporter le concours, Maître Bertrand Périer, qui forme les jeunes aux méthodes du discours classique, voit cette rencontre comme un tremplin pour leur avenir : "Les aider à prendre la parole, à maîtriser les codes de la prise de parole, c’est les aider à briser les plafonds de verre." Le langage est un marqueur social, certes, mais il est aussi et surtout un moyen de reprendre une place dans l’espace public.Mais conscients des stéréotypes inhérents à la banlieue, les étudiants ont parfois du mal à se dévoiler et à s’exprimer en toute sincérité. "Quand ils arrivent ici, ils sont très timides, plutôt réservés, mais chacun a un trésor à l’intérieur de lui, et nous ce qu’on fait c’est juste leur faire prendre conscience de ça, leur donner confiance en eux." La directrice artistique Alexandra Henry dispense le cours d’expression scénique de la formation Eloquentia. Pour elle, la participation à ce concours permet de gagner en confiance en soi. Cissy Zafitiana, participante à l’édition 2017 reconnaît qu’il ne s’agit pas d’une chose facile : "On nous pousse à être sincère."
"Débattre c'est le contraire de se battre"
Avec sérieux, les étudiants de l’université de Saint Denis apprennent à jouer avec les mots, mais aussi avec leur corps, car le langage ne se compose pas que de la parole. Il faut convaincre pour faire entendre sa voix. Selon Stéphane de Freitas, le débat est le moyen de s’instruire et de s’enrichir auprès de soi, mais aussi auprès de l’autre. "Et puis il y a aussi l’idée pour moi que débattre, c’est le contraire de se battre, leur apprendre à formuler leurs pensées, à comprendre la pensée des autres, c’est aussi les aider à débattre sereinement et à faire gagner un peu la paix", rappelle Bertrand Périer. Plus qu’un simple concours, Eloquentia est un véritable outil pour prouver que l’art de la parole n’est pas la chasse gardée des beaux quartiers.L’orateur du 93
A 22 ans, Grégoire Gouby a remporté la cinquième édition d’Eloquentia. Etudiant en Arts du Spectacle, il rêve de monter sur les planches. Soutenu par ses proches et ses amis, le jeune homme a trouvé, grâce à cette initiative le courage de s’affirmer et de nourrir l'espoir de devenir un jour comédien. A l’issu du concours, c’est avec sa professeure Alexandra Henry qu’il travaillera pour monter son propre spectacle, comme le fait actuellement Eddy Moniot qui a remporté l’édition de 2015. Libérer sa sincérité et faire mentir les stéréotypes, voilà ce que lui a permis Eloquentia. "Être soi pour moi c’est vraiment difficile, et dans ce concours d’éloquence si on n’est pas un minimum soi, en fait ça ne marche pas, parce que si on joue que des rôles, le public ne suivra pas", confie le jeune homme.Bande annonce du documentaire "A Voix Haute, La Force de la parole", écrit et réalisé par Stéphane de Freitas et co-réalisé par Ladj Ly
L’initiative séduit et s’étend de plus en plus. Les universités de Nanterre, Grenoble ou encore Limoges proposent aujourd’hui à leurs étudiants de participer à ce concours. L’ampleur est telle que Stéphane de Freitas a repris la caméra pour dévoiler les coulisses de ces six semaines de préparation. Dans son documentaire "A Voix Haute, La force de la parole", il retrace le parcours des étudiants et de leurs professeurs tout au long des séances de travail.
Le réalisateur nous plonge au cœur de l’intimité de ces jeunes déterminés à faire entendre leur voix. Edifiant, convainquant, extrêmement émouvant, le documentaire "A Voix Haute" réalisé par Stéphane de Freitas et Ladj Ly, sort en salle le 12 avril. A voir absolument.
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