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"Bons Temps Roulés" : plongée dans La Nouvelle-Orléans noire disparue

Article rédigé par Laure Narlian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
De 1979 à 1982, le photographe Bernard Hermann a arpenté La Nouvelle-Orléans. Accepté dans les cités noires les plus difficiles, il a saisi l'effervescence et la liberté débridée de la Babylone créole, ses fastueux carnavals mais aussi ses docks, sa morgue, ses séances de spiritisme. Un très beau livre, "Bons Temps Roulés", réunit ses clichés et fait revivre un temps que l'ouragan Katrina a balayé

Albin Michel

"A gauche, Downtown, la ville créole, à droite, Uptown, la ville américaine. Au milieu, le Superdome, emblématique. Une parade se débandait là où se séparaient jadis les mondes créole et yankee." 
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Dans la vieille "Reine créole", les clubs transformaient la misère ambiante en luxe et joie de vivre. Dans quelle autre ville du Sud profond un simple noir aurait-il pu rêver vivre ainsi, en seigneur ?" Pour Mardi Gras et les fêtes de printemps, c'était un déploiement de "tout ce qui était possible d'élégance et d'audace pour éblouir la terre entière, pour être les plus beaux", écrit Bernard Hermann dans le très beau texte fourmillant d'informations et d'anecdotes qui accompagne cet ouvrage.
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Dans une banlieue blanche, un char réunissait tous les vieux clichés du Sud. Le "bon nègre" cocher en haut-de-forme, le drapeau confédéré, des pastèques, et des Blancs aux visages masqués."
 ( Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Tuba Fats de l'Olympia Brassband était une figure emblématique de la ville. Depuis toujours, ces fanfares explosives y faisaient danser les foules en second lines, sorte de parades débridées."
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Le club Jolly Bunch paradait dans le 9th Ward en grand équipage. On dansait ainsi depuis toujours dans ces rues bordées de petits "cottages créoles" aux décors de bois tarabiscotés." Pour Mardi Gras et toutes les sorties, les clubs carnavalesques rivalisaient d'élégance. "Il s'agissait de s'inventer une vie où l'on puisse être occasionnellement comme on aimerait l'être toujours : libres, beaux, élégants, tous ensemble pour célébrer la vie et faire la fête corps et âme confondus."
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Cool et jazzy, la fanfare de parade du Clark High School défilait en dansant. Ces orchestres de collèges pouvaient être de précieux viviers de jeunes musiciens pour La Nouvelle-Orléans."
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Au matin du Mardi gras, cette jeune princesse Pocahonta se préparait gravement pour une journée mémorable. Elle avait si patiemment cousu son costume point après point en rêvant de cet instant…". Bernard Hermann explique la fascination des Néo-orléanais pour les Indiens peaux rouges dans les carnavals.  "A la fin du XVII e siècle, ce furent des guides peaux-rouges qui menèrent les premiers Français en ces lieux, en terre indienne. L"histoire voulait que ce soient les Indiens locaux qui leur aient conseillé de construire un fort puis le Vieux Carré à l'endroit même où se tenait alors leur poste de commerce et de troc." 
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
A la fin du XIXe siècle, "le passage en ville de Buffalo Bill et de son Wild West Show qui paradait dans les rues en grand équipage fut pour tous un évènement inoubliable", souligne encore Bernard Hermann à propos de la fascination pour la figure de l'Indien. "Tout d'abord participaient au spectacle de nombreux cow-boys noirs, du jamais vu sous ces latitudes, mais surtout pouvait-on y voir de farouches guerriers sioux mettre en pièces la cavalerie du blondinet général Custer, célèbre massacreur d'Indiens. Ainsi donc, les pires oppresseurs blancs pouvaient être défaits par leurs opprimés de "couleur". Cela devait considérablement renforcer le respect qu'éprouvaient les Noirs locaux pour les Peaux-rouges."
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)
"Benny Jones, musicien respecté et fils de musicien respecté, célébrait son anniversaire dans la cité Iberville, là même où se tenait jadis Storyville, quartier mal famé où s'épanouit le jazz." "Bons Temps Roulés" de Bernard Hermann (Albin Michel, 49 euros, format 24,2 cm x 24,2 cm).  Ce beau livre de 258 pages est accompagné d'une playlist sur-mesure de 6 heures à écouter sur Deezer. Il fait également l'objet d'une exposition itinérante qui fera halte à La Nouvelle Orléans (l'Université de Louisiane) en février 2016 à l'occasion du carnaval, puis à Vincennes (Hôtel de Ville) en septembre 2016, pour l''édition speciale Etats-Unis du Festival America.
 (Bernard Hermann, Bons temps roulés, Albin Michel 2015.)

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