Al Jarreau, une grande voix du jazz s'éteint
Sur son site internet, un communiqué annonçait dimanche soir : "Al Jarreau est décédé aujourd'hui, 12 février 2017. Il va nous manquer." Dans le long texte qui suivait (et qui a été remplacé depuis), reposté plus tard sur Twitter, l'auteur de l'hommage décrivait la personnalité généreuse du chanteur dont les grandes "priorités" étaient la musique et son prochain, avec le grand désir de "réconforter ceux qui se trouvaient dans la souffrance".
Le 8 février dernier, l'équipe d'Al Jarreau avait révélé qu'il devait renoncer à la scène, victime d'épuisement. L'artiste avait suspendu sa tournée dès la fin du mois de janvier. Il souffrait depuis longtemps de problèmes respiratoires, mais ces derniers ne l'avaient pas empêché de continuer de chanter tant que ses forces le lui permettraient. Ces dernières années, lors de ses apparitions sur scène, Al Jarreau chantait le plus souvent assis, mais il n'avait rien perdu de sa générosité, de son élégance et de sa joie contagieuse d'être sur scène.
Al Jarreau, c'est un demi-siècle de carrière, de virtuosité vocale, de fantaisie éblouissante et de rayonnement - sans frontières musicales - sur le jazz, la soul, le funk, la pop, mais aussi le latin jazz, la musique brésilienne. Une carrière couronnée par sept Grammy Awards, dans trois catégories différentes (jazz, R&B, pop), ce qui fait de lui une exception dans le monde de la musique.
Al Jarreau, de son nom complet Alwyn Lopez Jarreau, est né le 12 mars 1940 à Milwaukee, dans le Wisconsin. S'il commence à chanter dès l'âge de 4 ans à l'église, étant fils d'un pasteur et d'une pianiste d'église, il ne deviendra chanteur professionnel que bien plus tard, après des études de psychologie. À partir de 1968, Al Jarreau se consacre désormais au jazz. Il joue en duo avec le guitariste Julio Martinez. Il se met à se produire à Los Angeles où il s'installe bientôt.
À partir de 1975, alors qu'il travaille avec le pianiste Tom Canning, il est repéré dans un club d'Hollywood par la firme discographique Warner. La même année, il sort son premier album, "We Got By" chez Reprise, label distribué par Warner, et ce premier disque lui vaut d'emblée une notoriété internationale.
Mais c'est en 1981 qu'il sortira son plus grand succès discographique, l'album "Breakin' Away". On y trouve la ballade éponyme mais aussi de superbes morceaux au groove irrésistible comme "Roof Garden".
Dans ce disque, Al Jarreau démontre notamment son habileté à reprendre et adapter, en y ajoutant des paroles, des standards de jazz comme le célèbre "Blue Rondo à la Turk" de Dave Brubeck.
En 1985, il chante et signe les paroles de la chanson "Moonlighting", qui sert de générique à la série à succès "Clair de Lune" qui révèlera Bruce Willis. Cette chanson lui vaut une nomination aux Grammy Awards.
Dans les années 90, Al Jarreau fait une pause discographique, tout en poursuivant les tournées, en participant à des projets symphoniques et en travaillant avec des musiciens de jazz. Depuis des années, ses collaborations musicales l'ont amené à côtoyer de grands artistes comme le trompettiste Miles Davis, le pianiste Chick Corea, le pianiste Joe Sample ou le chanteur-guitariste George Benson.
Ses adaptations de standards de jazz entrent dans la légende
Si Al Jarreau a interprété et co-signé beaucoup de chansons dans les domaines du pop, de la soul et de la funk music, chanté un grand nombre de ballades aux fortunes diverses, l'une des plus belles étant "Mornin'" (1983), c'est probablement en tant que chanteur de jazz qu'il aura le plus marqué la musique. Ses adaptations virtuoses et ébouriffantes de grands standards de jazz ou de bossa, ponctuées sur scène de longues séquences, vertigineuses, de scats ébouriffants et de percussions vocales, sont entrées dans la légende.En 1980, dans l'album "This Time", il proposait notamment une adaptation d'anthologie, avec des paroles, du standard "Spain" de Chick Corea, ce fameux morceau de jazz qui s'ouvre sur une citation du Concerto d'Aranjuez de Joaquin Rodrigo.
Au cours de sa carrière, Al Jarreau a travaillé avec les plus grands artistes de son temps, dans le jazz, le funk, la soul ou la pop, du pianiste et arrangeur de jazz George Duke à Michael Jackson (il chanta sur le célèbre "We are the World" de USA for Africa en 1985), en passant par le pianiste, compositeur et arrangeur brésilien Eumir Deodato qui l'invita sur son album "The Crossing" en 2010.
Le dernier album studio d'Al Jarreau, sorti en 2014, a été dédié à son vieux complice George Duke, disparu un an plus tôt. Il était intitulé "My old friend : Celebrating George Duke". Initialement, ils auraient dû réaliser ce disque ensemble.
"Al vous demande une faveur", écrit son équipe
Sur la page Facebook d'Al Jarreau, son staff a indiqué dimanche soir que le chanteur avait passé les derniers moments de sa vie de manière paisible, entouré de sa femme, son fils et quelques autres membres de sa famille et amis. Il s'est éteint dimanche à 6h du matin à l'hôpital de Los Angeles où il avait été admis plusieurs jours plus tôt.
Un peu plus tard, l''équipe du chanteur disparu a adressé un message émouvant adressé, entre autres, à tous les fans et admirateurs d'Al Jarreau :
"Pour tous ceux qui ont assisté à ses concerts, qui ont écouté ses disques : il avait besoin de vous. Et vous avez toujours été là pour lui, pendant plus de 50 ans. Il en était reconnaissant chaque jour, et il fit de son mieux pour le manifester auprès de chacun d'entre vous. (...) Pour tous les jeunes musiciens, Al vous demande une faveur : s'il vous plaît, trouvez n'importe quelle activité artistique que vous pourriez pratiquer avec passion, et faites-le. Avec de l'art dans votre vie, vous serez un meilleur membre au sein de votre famille, un meilleur voisin, ami, et citoyen."
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