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Intelligence artificielle : l'industrie musicale entre peur et intérêt face au développement de la technologie

"Peur" de la star belge Angèle, "intéressant" pour la légende Paul McCartney : les programmes d'intelligence artificielle (IA) qui recréent des voix d'artistes bousculent l'industrie musicale, consciente qu'elle devra faire avec.
Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le développement de l'intelligence artificielle dans le domaine de la musique pose question en matière de propriété intellectuelle. (C.J. BURTON / CORBIS RF STILLS)

C'est le sujet du moment. La voix de crooner de Frank Sinatra, disparu en 1998, se retrouve dans une version du tube Gangsta's Paradise de Coolio. Et Angèle a eu la surprise de s'entendre reprendre Saiyan, titre des rappeurs français Heuss L'Enfoiré et Gazo. La vidéo a été vue plus de 1,8 million de fois sur YouTube. "Je sais pas quoi penser de l'intelligence artificielle. J'trouve c'est une dinguerie mais en même temps j'ai peur pour mon métier", écrit la Belge sur ses réseaux.

"Démoniaque"

"L'IA est absolument partout, tout le temps, que ce soit dans les réflexions de l'industrie musicale ou dans l'artistique, c'est plus visible qu'avant parce que la technologie se démocratise", synthétise pour l'AFP Alexandre Lasch, du Syndicat national de l'édition phonographique en France (Snep). "À mesure que les applications se développent, la régulation se discute au niveau européen, aux Etats-Unis, un des nerfs de la guerre est la transparence autour des outils de l'IA, car le plus important demeure le respect de l'artiste et de la création", ajoute ce responsable.

"L'IA, c'est démoniaque", tranche le rappeur californien Ice Cube dans le podcast Full Send. "L'IA, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase" déplore sur ses réseaux le rappeur canadien Drake. La mégastar est particulièrement visée par ces procédés calquant un timbre de voix. Que ce soit pour une version à s'y méprendre de Munch, titre de la rappeuse américaine Ice Spice, ou Heart On My Sleeve, faux duo créé entre lui et un autre poids-lourd canadien, The Weeknd, écouté plus 10 millions de fois sur TikTok en quelques heures.

La propriété intellectuelle est questionnée. "Ce que vous protégez avec le droit d'auteur, c'est l'expression d'une idée, et la voix n'est pas vraiment cela" estimait au printemps auprès de l'AFP Andres Guadamuz, enseignant en droit de propriété intellectuelle à l'université britannique du Sussex.

L'IA pour récréer la voix de John Lennon

Un album entier d'Oasis, séparé depuis 2009, rebaptisé AIsis (AI en anglais pour intelligence artificielle), est même apparu. "J'ai écouté un titre, mieux que d'autres trucs entendus ces temps-ci", commente sur ses réseaux le chanteur Liam Gallagher.

Et Paul McCartney qualifie sur BBC Radio 4 le phénomène "très intéressant" : "C'est quelque chose que nous sommes tous en train d'appréhender en ce moment". La légende de la pop évoque un cas un peu différent : une chanson inédite des Beatles va être enregistrée en utilisant l'IA pour recréer la voix de John Lennon, sous contrôle des ayant droit. Rien d'une appropriation sauvage.

Un porte-parole de la plateforme de streaming reine indique à l'AFP que Spotify "mène des discussions approfondies sur la manière de gérer le puissant potentiel des technologies d'IA". Qui précise que "la boussole" de Spotify demeure "aider les artistes à se connecter avec le public, à monétiser leur art et à bâtir leur carrière".

La plateforme française Deezer indiquait en juin avoir mis au point une technologie, qui lui permet d'identifier les chansons clonant les voix de stars de la musique via l'IA. "Notre objectif est d'éliminer les contenus illégaux et frauduleux, d'accroître la transparence et de développer un nouveau système de rémunération où les artistes professionnels sont récompensés pour la création de contenus de valeur", stipulait un communiqué.

Comme le révèle le Financial Times, Universal Music demande depuis avril aux plateformes comme Spotify ou Apple Music d'interdire l'accès à son catalogue à ceux qui souhaitent s'en servir pour enrichir des programmes d'IA. Google et Universal Music sont par ailleurs en pourparlers autour d'éventuelles licences pour les mélodies et voix d'artistes générées par l'IA, dévoile aussi le Financial Times. Le but est de définir des outils pour rémunérer les ayant droit quand des fans créeraient des morceaux de leurs idoles avec des programmes d'IA.

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