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Exposition Great Black Music : visite subjective
La Cité de la Musique propose jusqu'en août une exposition multimédia "en immersion" au cœur de la musique noire. Du jazz au hip hop en passant par le blues, la soul, l'afro-beat et le reggae, le visiteur équipé d'écouteurs et d'un smartphone est invité à faire sa propre expérience de parcours en explorant parmi les 11h de documents audiovisuels proposés. Quelques repères pour ne pas s'y perdre.
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Une visite subjective et fragmentée
L'exposition, qui a déjà été montrée au Sénégal, à la Réunion et en Afrique du Sud, dresse un panorama des musiques noires. Vaste programme. Par quel bout le prendre ? Marc Benaïche, fondateur de Mondomix et commissaire de cette exposition, a trouvé la solution en concevant son exposition "comme un assemblage de fragments".
Ces fragments sont pour la plupart des documents audio-visuels. Il y en a des dizaines à disposition, du petit portrait au documentaire en passant par le simple clip. Il n'y a donc pas une entrée mais des dizaines de points d'entrée dans cette exposition.
"A partir de sa propre histoire, le visiteur est amené à se questionner", confirme Marc Benaïche. "Il va saisir certains fragments pour élaborer sa construction personnelle ou densifier la conception qu'il avait de ces musiques au préalable." Chacun est donc invité à faire son marché selon ses envies.
Petit conseil : faites-vous plaisir avec ce que vous connaissez bien mais allez aussi délibérément à la découverte de ce que vous connaissez moins, c'est la seule façon de tirer véritablement parti de ce vaste panorama. Le bémol : le commissaire lui-même reconnaît qu'il faut venir à l'exposition à plusieurs reprises pour espérer faire le tour des 11h de documents proposés… Le parti pris multimédia
A l'entrée, le visiteur se voit remettre un casque relié à un smartphone tactile avec lequel il va pouvoir interagir avec les installations. Il suffit d'indiquer le numéro de la borne ou de l'écran que l'on souhaite explorer pour que l'audio démarre dans le casque. Attention, dans la première pièce de l'exposition où trônent 21 bornes différentes, l'interactivité peut avoir des ratés mais cela se calme ensuite.
Le petit plus : si un morceau vous plaît, il peut être sauvegardé via le smartphone et être mis à disposition au sein d'une playlist à réécouter chez soi sur le site internet de l'exposition.
Le petit moins : si vous venez accompagné(e), ce système d'écoute et de visite individuels rend le dialogue difficile.
De l'Amérique vers l'Afrique et non l'inverse
Que signifie le terme de "musique noire" ? Si vous pensez le savoir, vous allez peut-être découvrir des choses. D'abord, le terme de "great black music", inventé dans les années soixante par l'Art Ensemble of Chicago, regroupe aujourd'hui des dizaines de courants musicaux, une richesse inouïe sans cesse renouvelée.
Surtout la musique noire "n’est pas un héritage homogène de l’Afrique" comme on a tendance à se le figurer. Selon Emmanuel Parent, anthropologue et conseiller de l'exposition, le concept de "musique noire" est le fruit du destin commun de la diaspora noire et est parti des Amériques avant de revenir en Afrique. "Avant l'arrivée des blancs, les Africains eux-mêmes ne se définissaient pas par leur couleur de peau", relève-t-il dans Télérama. "Tout part des plantations", dit-il. "L'esclavage a détruit la culture (…) et la musique a servi de reconstruction culturelle". Avant de retourner irriguer le berceau africain, où est né l'afro-beat notamment. Le King fait partie du panthéon
Ce sera peut-être une surprise pour certains mais le rocker Elvis Presley a droit de cité dans cette exposition. On trouve en effet une borne à son nom parmi les vingt-et-une légendes de la musique noire proposées dès la première pièce de l'exposition. Pourquoi ? Parce que son rock, qui a souvent été accusé d'avoir pillé toute sa substance aux afro-américains, témoigne malgré tout de la circulation entre musique noire et blanche.
"S'il y a bien un artiste qui s'est inspiré et a assimilé les codes de la musique noire pour les intégrer lorsqu'il invente le rock, c'est Elvis Presley", justifie Marc Benaïche. A l'époque de la ségrégation raciale, il a en tout cas réussi à imposer aux Américains puis au monde une musique jusqu'alors réservée aux afro-américains. A ne pas louper
On l'a compris, à chacun de faire son parcours sur mesure, à la carte, au gré de ses envies. Mais voici trois petites activités à ne louper sous aucun prétexte :
1. Esprit es-tu là ? La salle 3 consacrée aux Rythmes et rites sacrés (dont les versions antérieures, primitives, sont sans doute à l'origine même de la musique, bien que l'expo ne le dise pas de façon explicite) est une vraie réussite. Il s'agit d'une pièce tapissée d'écrans circulaires sur lesquels défilent des images de rituels sacrés vaudous, de santéria, de maloya réunionnais et de candomblé.
Dès le pied mis dans cette pièce, la transe opère de façon surnaturelle, prend au cœur et aux tripes. Au milieu, des bougies virtuelles brûlent sur une vaste borne. A vous de les souffler pour modifier le cours des projections. Belle idée et résultat bluffant.
2. Le Didley Bow. Au sous-sol, dans la salle 5 consacrée aux Amériques noires, il faut absolument jouer du "Didley Bow". Attention, on le remarque à peine : il est situé sur le mur juste avant la sortie vers la Salle 6.
Cet instrument "fait maison", arrivé en Amérique via les esclaves de Guinée, est d'une simplicité à pleurer et témoigne d'une merveilleuse ingéniosité dans le dénuement le plus total : il est juste constitué d'un fil métallique tendu sur un morceau de bois. Une petite bouteille de verre pend le long d'un côté et un petit plectre de l'autre. Faites glisser la bouteille sur la corde d'une main tout en faisant glisser de l'autre le petit plectre pour la faire vibrer. Le son qui en sort est indiciblement beau.
Le "Didley bow", aux origines du blues, était, nous apprend la notice, de toutes les fêtes et réjouissances. Dans le même genre, jetez un œil sur la vitrine aux instruments dans laquelle figurent deux "Cigar box guitar", des guitares dont la caisse est constituée d'une boîte à cigare.
3. La cabine hip hop. Dans la toute dernière salle de l'exposition au sous-sol, la Global Mix, on a craqué sur la cabine hip-hop.
D'abord un cours de danse vous y attend via un prof sur l'écran. Sur un autre écran jouez à Futura 2000 : pschittez sur l'écran avec la bombe de peinture connectée pour choisir le support (rideau de fer, mur lépreux etc), la couleur et l'épaisseur de votre graffiti et lâchez vous en faisant vibrer les couleurs.
Enfin, un petit dj booth vous propose de caler sur une platine de mixage le sample original avec le morceau emblématique qui l'a repris. Par exemple "(Not Just) Knee Deep" de Funkadelic utilisé par De La Soul pour "Me Myself and I" ou "Funk Drummer" de James Brown emprunté par Public Enemy sur "Fight The Power". On voudrait pouvoir ramener l'ensemble de cette cabine hip hop à la maison pour faire joujou. Rappel du parcours en un clin d'oeil
Dans la Salle 1, vingt-et-une bornes vous accueillent. Chacune porte le nom d'une légende des musiques noires, de Billie Holiday à Celia Cruz, de Ray Charles à Youssou N' Dour, de James Brown à Michael Jackson, et de Jimi Hendrix à Gilberto Gil. Cliquez sur le bouton correspondant et un petit portrait vidéo se déclenche sur la borne tandis que l'audio démarre au casque. Le smartphone vous propose également plusieurs morceaux emblématiques de l'artiste.
Dans la Salle 2, cinq écrans géants explorent les musiques africaines contemporaines, qui témoignent d'un brassage continu avec les influences venues de la diaspora. Chacun son écran : Afrique australe, de l'Est, Centrale, de l'Ouest et du Nord.
Dans la Salle 3 : des écrans circulaires pour la salle consacrée aux rythmes et rites sacrés (voir ci-dessus A ne pas louper)
Dans la Salle 4 : un fil chronologique court sur le mur dans lequel faits historiques et inventions musicales sont mis en relation
On descend au sous-sol. Dans une pièce de transition sont exposées des photos de musiciens de la Nouvelle Orléans après l'ouragan Katrina signées Lewis Watts. Quatre ordinateurs permettent aussi d'écouter les différents instruments africains et les différents styles musicaux du continent, de la Highlife au Soukouss, en passant par le Mballax et la Rumba congolaise.
Dans la Salle 5 : une dizaine d'écrans présente une sélection de films et d'extraits de concerts témoignant des musiques des Amériques noires, du jazz au rythm'n blues en passant par les musiques latines, cubaines et carribéennes
Dans la Salle 6 : le parcours se termine sur les derniers développements musicaux sortis de la cuisse de la Great black music : dancehall, hip hop… Des cabines dédiées au hip hop, à la salsa et au disco permettent de danser avec un prof sur l'écran.
Exposition Great Black Music
Cité de la Musique (Parc de La Villette, Paris)
Du 11 mars au 24 août 2014
L'exposition, qui a déjà été montrée au Sénégal, à la Réunion et en Afrique du Sud, dresse un panorama des musiques noires. Vaste programme. Par quel bout le prendre ? Marc Benaïche, fondateur de Mondomix et commissaire de cette exposition, a trouvé la solution en concevant son exposition "comme un assemblage de fragments".
Ces fragments sont pour la plupart des documents audio-visuels. Il y en a des dizaines à disposition, du petit portrait au documentaire en passant par le simple clip. Il n'y a donc pas une entrée mais des dizaines de points d'entrée dans cette exposition.
"A partir de sa propre histoire, le visiteur est amené à se questionner", confirme Marc Benaïche. "Il va saisir certains fragments pour élaborer sa construction personnelle ou densifier la conception qu'il avait de ces musiques au préalable." Chacun est donc invité à faire son marché selon ses envies.
Petit conseil : faites-vous plaisir avec ce que vous connaissez bien mais allez aussi délibérément à la découverte de ce que vous connaissez moins, c'est la seule façon de tirer véritablement parti de ce vaste panorama. Le bémol : le commissaire lui-même reconnaît qu'il faut venir à l'exposition à plusieurs reprises pour espérer faire le tour des 11h de documents proposés… Le parti pris multimédia
A l'entrée, le visiteur se voit remettre un casque relié à un smartphone tactile avec lequel il va pouvoir interagir avec les installations. Il suffit d'indiquer le numéro de la borne ou de l'écran que l'on souhaite explorer pour que l'audio démarre dans le casque. Attention, dans la première pièce de l'exposition où trônent 21 bornes différentes, l'interactivité peut avoir des ratés mais cela se calme ensuite.
Le petit plus : si un morceau vous plaît, il peut être sauvegardé via le smartphone et être mis à disposition au sein d'une playlist à réécouter chez soi sur le site internet de l'exposition.
Le petit moins : si vous venez accompagné(e), ce système d'écoute et de visite individuels rend le dialogue difficile.
De l'Amérique vers l'Afrique et non l'inverse
Que signifie le terme de "musique noire" ? Si vous pensez le savoir, vous allez peut-être découvrir des choses. D'abord, le terme de "great black music", inventé dans les années soixante par l'Art Ensemble of Chicago, regroupe aujourd'hui des dizaines de courants musicaux, une richesse inouïe sans cesse renouvelée.
Surtout la musique noire "n’est pas un héritage homogène de l’Afrique" comme on a tendance à se le figurer. Selon Emmanuel Parent, anthropologue et conseiller de l'exposition, le concept de "musique noire" est le fruit du destin commun de la diaspora noire et est parti des Amériques avant de revenir en Afrique. "Avant l'arrivée des blancs, les Africains eux-mêmes ne se définissaient pas par leur couleur de peau", relève-t-il dans Télérama. "Tout part des plantations", dit-il. "L'esclavage a détruit la culture (…) et la musique a servi de reconstruction culturelle". Avant de retourner irriguer le berceau africain, où est né l'afro-beat notamment. Le King fait partie du panthéon
Ce sera peut-être une surprise pour certains mais le rocker Elvis Presley a droit de cité dans cette exposition. On trouve en effet une borne à son nom parmi les vingt-et-une légendes de la musique noire proposées dès la première pièce de l'exposition. Pourquoi ? Parce que son rock, qui a souvent été accusé d'avoir pillé toute sa substance aux afro-américains, témoigne malgré tout de la circulation entre musique noire et blanche.
"S'il y a bien un artiste qui s'est inspiré et a assimilé les codes de la musique noire pour les intégrer lorsqu'il invente le rock, c'est Elvis Presley", justifie Marc Benaïche. A l'époque de la ségrégation raciale, il a en tout cas réussi à imposer aux Américains puis au monde une musique jusqu'alors réservée aux afro-américains. A ne pas louper
On l'a compris, à chacun de faire son parcours sur mesure, à la carte, au gré de ses envies. Mais voici trois petites activités à ne louper sous aucun prétexte :
1. Esprit es-tu là ? La salle 3 consacrée aux Rythmes et rites sacrés (dont les versions antérieures, primitives, sont sans doute à l'origine même de la musique, bien que l'expo ne le dise pas de façon explicite) est une vraie réussite. Il s'agit d'une pièce tapissée d'écrans circulaires sur lesquels défilent des images de rituels sacrés vaudous, de santéria, de maloya réunionnais et de candomblé.
Dès le pied mis dans cette pièce, la transe opère de façon surnaturelle, prend au cœur et aux tripes. Au milieu, des bougies virtuelles brûlent sur une vaste borne. A vous de les souffler pour modifier le cours des projections. Belle idée et résultat bluffant.
2. Le Didley Bow. Au sous-sol, dans la salle 5 consacrée aux Amériques noires, il faut absolument jouer du "Didley Bow". Attention, on le remarque à peine : il est situé sur le mur juste avant la sortie vers la Salle 6.
Cet instrument "fait maison", arrivé en Amérique via les esclaves de Guinée, est d'une simplicité à pleurer et témoigne d'une merveilleuse ingéniosité dans le dénuement le plus total : il est juste constitué d'un fil métallique tendu sur un morceau de bois. Une petite bouteille de verre pend le long d'un côté et un petit plectre de l'autre. Faites glisser la bouteille sur la corde d'une main tout en faisant glisser de l'autre le petit plectre pour la faire vibrer. Le son qui en sort est indiciblement beau.
Le "Didley bow", aux origines du blues, était, nous apprend la notice, de toutes les fêtes et réjouissances. Dans le même genre, jetez un œil sur la vitrine aux instruments dans laquelle figurent deux "Cigar box guitar", des guitares dont la caisse est constituée d'une boîte à cigare.
3. La cabine hip hop. Dans la toute dernière salle de l'exposition au sous-sol, la Global Mix, on a craqué sur la cabine hip-hop.
D'abord un cours de danse vous y attend via un prof sur l'écran. Sur un autre écran jouez à Futura 2000 : pschittez sur l'écran avec la bombe de peinture connectée pour choisir le support (rideau de fer, mur lépreux etc), la couleur et l'épaisseur de votre graffiti et lâchez vous en faisant vibrer les couleurs.
Enfin, un petit dj booth vous propose de caler sur une platine de mixage le sample original avec le morceau emblématique qui l'a repris. Par exemple "(Not Just) Knee Deep" de Funkadelic utilisé par De La Soul pour "Me Myself and I" ou "Funk Drummer" de James Brown emprunté par Public Enemy sur "Fight The Power". On voudrait pouvoir ramener l'ensemble de cette cabine hip hop à la maison pour faire joujou. Rappel du parcours en un clin d'oeil
Dans la Salle 1, vingt-et-une bornes vous accueillent. Chacune porte le nom d'une légende des musiques noires, de Billie Holiday à Celia Cruz, de Ray Charles à Youssou N' Dour, de James Brown à Michael Jackson, et de Jimi Hendrix à Gilberto Gil. Cliquez sur le bouton correspondant et un petit portrait vidéo se déclenche sur la borne tandis que l'audio démarre au casque. Le smartphone vous propose également plusieurs morceaux emblématiques de l'artiste.
Dans la Salle 2, cinq écrans géants explorent les musiques africaines contemporaines, qui témoignent d'un brassage continu avec les influences venues de la diaspora. Chacun son écran : Afrique australe, de l'Est, Centrale, de l'Ouest et du Nord.
Dans la Salle 3 : des écrans circulaires pour la salle consacrée aux rythmes et rites sacrés (voir ci-dessus A ne pas louper)
Dans la Salle 4 : un fil chronologique court sur le mur dans lequel faits historiques et inventions musicales sont mis en relation
On descend au sous-sol. Dans une pièce de transition sont exposées des photos de musiciens de la Nouvelle Orléans après l'ouragan Katrina signées Lewis Watts. Quatre ordinateurs permettent aussi d'écouter les différents instruments africains et les différents styles musicaux du continent, de la Highlife au Soukouss, en passant par le Mballax et la Rumba congolaise.
Dans la Salle 5 : une dizaine d'écrans présente une sélection de films et d'extraits de concerts témoignant des musiques des Amériques noires, du jazz au rythm'n blues en passant par les musiques latines, cubaines et carribéennes
Dans la Salle 6 : le parcours se termine sur les derniers développements musicaux sortis de la cuisse de la Great black music : dancehall, hip hop… Des cabines dédiées au hip hop, à la salsa et au disco permettent de danser avec un prof sur l'écran.
Exposition Great Black Music
Cité de la Musique (Parc de La Villette, Paris)
Du 11 mars au 24 août 2014
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