La France chante (un peu) en anglais à l'Eurovision : "Cela nous donne une modernité supplémentaire"
L'ancien secrétaire d'Etat chargé de la Francophonie, André Vallini, s'est dit "désolé" de ce choix. Franceinfo a interrogé Edoardo Grassi, le patron de la délégation française à l'Eurovision.
André Vallini n'est pas content. Lundi 13 mars, l'ancien secrétaire d'État chargé de la Francophonie s'est indigné sur Twitter de l'apparition de quelques lignes d'anglais dans la chanson Requiem d'Alma, qui représentera la France lors de la finale de la 62e édition de l'Eurovision, le 13 mai.
Celui qui occupe désormais le portefeuille des Relations avec le Parlement explique vouloir se dresser contre "l'anglicisation" au nom de "la diversité culturelle". Ce n'est pas la première fois qu'il pousse ainsi un coup de gueule : il s'était déjà indigné, l'année passée, contre la version franco-anglaise de J'ai cherché, le titre chanté par Amir, candidat lors de l'édition 2016 du concours.
@LGDM_Officiel Chère Julie,cher Thomas, la France ne rayonne jamais autant qu'avec sa langue, y compris face à l'hégémonisme anglo-saxon
— André VALLINI (@VALLINIAndre) 13 mars 2017
Ces propos ont irrité Edoardo Grassi. Interrogé par franceinfo, le chef de la délégation tricolore à l'Eurovision défend un choix "malin" effectué au nom de la "modernité".
Franceinfo : Comment a été prise la décision d'incorporer quelques phrases d'anglais dans le refrain de Requiem ?
Edoardo Grassi : Nous avons fait ce choix en nous nourrissant de l'expérience de l'an dernier, quand Amir avait interprété le refrain de J'ai cherché en partie en anglais [et avait terminé 6e, meilleur classement français depuis 2002]. Je suis un grand partisan de l'exportation de la francophonie à l'étranger de façon intelligente.
Interpréter une chanson uniquement en français est compliqué, car on attire plus difficilement l'attention du public étranger. Intégrer quelques éléments d'anglais permet à ce public de retenir beaucoup plus facilement le refrain, et finalement de chantonner Requiem. Je pense également que cela donne une modernité supplémentaire à la chanson.
Cette question a-t-elle fait l'objet d'un débat dans la délégation ?
Non. Nous avons très vite décidé d'intégrer de l'anglais au refrain, mais seulement si le résultat nous convenait. Alma a écrit cette nouvelle version, nous avons unanimement trouvé le résultat très fort, et on a décidé de le garder. Je pense par ailleurs que le refrain original de Requiem est assez compliqué à chanter, même pour un francophone. En faisant ce choix, on a voulu rendre le morceau plus facilement assimilable par tous.
Et ça a l'air de fonctionner : le clip de la nouvelle version a été posté il y a 36 heures sur le compte YouTube de l'Eurovision, et a été vu plus de 200 000 fois depuis ! Certains clips sont en ligne depuis presque deux semaines et ont été beaucoup moins regardés. Je prends cela comme une preuve de l'engouement autour de Requiem.
Vous comprenez les arguments d'André Vallini, qui estime que défendre la France à l'Eurovision passe par défendre le français ?
Je constate avec plaisir qu'André Vallini s'intéresse de près à cette question depuis l'an dernier ! Je lui ai d'ailleurs directement répondu.
Bonjour @VALLINIAndre, on est très fier de cette chanson et cette ouverture vers l'Europe qui fait la force de notre délégation. https://t.co/PrecrTZWMD
— Edoardo Grassi (@EdwardoGrassi) 13 mars 2017
Il faut savoir que lorsque l'Empire romain est parti à la conquête de l'Europe, il l'a fait de manière très maligne. Plutôt que d'imposer leurs coutumes par la force, ils respectaient les usages locaux avant de s'imposer. C'est ce que nous essayons de faire cette année : respecter la culture française, tout en s'adaptant au contexte de l'Eurovision.
Je fais également remarquer à André Vallini que pratiquement tous les pays représentés cette année ne chantent qu'en anglais. Nous sommes l'un des seuls à proposer un titre à 90% dans notre langue.
Que certains soient pour cette modification et d'autres contre, finalement, peu importe : l'important, c'est de parler de Requiem et de le faire connaître !
Difficile pourtant de contredire André Vallini quand il fait valoir que les cinq chansons qui ont permis à la France de remporter l'Eurovision étaient en français...
Oui, mais à l'époque, seulement 12 pays votaient ! Ils sont aujourd'hui 43, et ne parlent majoritairement pas notre langue. Qu'on le veuille ou non, nous sommes sortis de l'hégémonie de la France sur la scène de l'Eurovision, dommage que certains aient du mal à s'en remettre.
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