Enquêtes après la publication sur internet de fiches de police de rappeurs
Comment obtenir de la police des informations censées rester confidentielles ? Simple comme un coup de fil. En se faisant
passer pour des policiers, des usurpateurs (qui se font appeler "Violvocal")
sont parvenus à obtenir des informations sur cinq rappeurs, dont les plus
connus Booba, La Fouine, Rohff. C'est le site PC Inpact qui a révélé l'affaire.
Les parquets de Paris,
Créteil, Bobigny et Nanterre ont ouvert des enquêtes (pour usurpation de la
fonction de policier, collecte frauduleuse de données sensibles et divulgation
de données à caractère personnel).
"Bonjour collègue, on vient de procéder à une interpellation, on voudrait que tu nous sortes un casier"
Les usurpateurs ont
semble-t-il juste décroché leur téléphone et appelé des commissariats sur le
mode "Bonjour collègue, on vient de procéder à une interpellation, on
voudrait que tu nous sortes un casier ". Sauf que les plaisantins commettent une méprise dans cette histoire : ils confondent le casier judiciaire et le
Système de traitement des infractions constatées (Stic). Le Stic regroupe les informations relatives aux personnes
mises en cause et aux victimes. Il n'a rien à voir avec le casier, qui ne
concerne que les condamnations.
Mais il n'empêche, les petits malins parviennent à
obtenir de nombreuses informations, avec une facilité déconcertante, à partir
du vrai nom et de la date de naissance des rappeurs (informations très
faciles à obtenir sur Internet). L'enregistrement des informations obtenues
a ensuite été diffusé sur Youtube. La vidéo initiale a été retirée. Mais une autre toujours accessible (pour l'instant ?) contient l'enregistrement d'une
partie des canulars (concernant Rohff et Booba).
Dans cet enregistrement, on entend notamment les usurpateurs demander des informations sur Elie Yaffa (le vrai nom du rappeur Booba). La conversation commence avec un simple "*Allo collègue, c'est la brigade routière de Paris, on vient de procéder à une interpellation, un gros délit de fuite, et on voudrait le casier judiciaire du mec * " :
L'agent de police au bout du fil lit alors le fichier à ses interlocuteurs, déroulant les faits figurant sur le dossier du rappeur (informations que nous ne citons pas ici, par respect de la loi).
Dans l'enregistrement concernant le rappeur Rohff, l'agent de police demande le nom de l'usurpateur, mais il suffit à celui-ci de hausser le ton pour obtenir les informations : "Vous n'avez pas à me demander ça, je suis plus haut placé que vous à la police. Donnez-moi tout de suite le casier où j'en
réfère à votre supérieur ! " Et cela marche.
Le rappeur Cortex, lui aussi concerné par la divulgation d'information, a réagi sur internet, pas fâché et même plutôt
content de faire le buzz (même si lui aussi confond le Stic et le casier judiciaire) :
Est-ce si facile d'obtenir des informations du Stic ?
Un rapport de la
Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) de 2009 (lire le rapport ici) soulignait les problèmes de rigueur du fichier informatique Stic qui inclut 6,5
millions de mis en cause. La Cnil recommandait déjà à l'époque de "garantir
une meilleure confidentialité des données contenues dans le fichier en limitant
au strict nécessaire le nombre d'agents autorisés à le consulter ".
"Vu
l'enjeu pour les citoyens ", indique le site de la Cnil, la Commission a souhaité
inscrire au programme
annuel des contrôles de l'année 2012 une
nouvelle série de vérifications.
Du côté de la police, on se défend. "Pour accéder à une fiche Stic il faut rentrer son matricule, tout est contrôlé, rentrer un code secret individuel pour chaque policier qui y a accès, en sachant qu'il y a différents degrés d'accessibilité. Donc il y a inévitablement une traçabilité, contrairement a ce qui est souvent dit ", assure Yannick Danio du syndicat de police Unité SGP.
Mais alors comment est-ce possible ? "On prend cette affaire très au sérieux ", réagissait-on jeudi à la préfecture de police de Paris. Des appels auraient aussi eu lieu dans d'autres départements. L'Inspection générale des services (IGS, police des polices parisienne) a été saisie afin de déterminer si des faits pouvaient être reprochés aux policiers victimes du canular.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.