On y était : Rock en Seine, le grand cirque du vendredi
Dès le milieu de l’après-midi, alors que la pelouse de Saint-Cloud n’avait pas encore fait le plein, la magicienne Grimes réussissait à envoûter les premiers festivaliers de sa voix mutine, même si les sortilèges électro-pop de cette Canadienne auraient été plus à leur place sous un ciel étoilé.
Au Même moment, Citizens !, le groupe repéré et produit par Alex Kapranos de Franz Ferdinand, faisait résonner sa pop calibrée anglaise (on pense à Pulp et à Franz Ferdinand justement) sur la scène de la Cascade. Le quatuor de dandys londoniens, dont un batteur moustachu très Freddie Mercury, délivrent des pop-songs qui sonnent comme autant de tubes instantanés.
La pluie, à ce moment là, commence à faire tomber son rideau d’humidité sur les spectateurs et la pelouse de Saint Cloud se transforme en champ de parapluies de toutes les couleurs. Les moins prévoyants restent embusqués sous les arbres ou se coiffent de tout ce qui passe à leur portée. Ils assistent cependant nombreux au drôle de tandem qui réunit le groupe de pop allemade Get Well Soon et l’Orchestre National d’ïle de France. Cette fusion majestueuse tient bien la route.
Pour s’ébrouer de la douce torpeur méditative dans laquelle ils nous ont plongé, direction Dionysos, dont l’appel impérieux (la petite musique de Dark Vador) résonne à l’autre bout du site, sur la grande scène. « Les trois petits soleils » (les choristes toutes de rouge vêtues) de la formation, comme les appelle son leader Mathias Malzieu, ont réussi à chasser l’orage.
Dionysos va profiter de cette accalmie et faire son numéro pour le plus grand bonheur du public : le lutin Malzieu enfile son costume Bird and Roll (leur dernier album très rock) et invite le public à venir se déhancher sur scène, quand il ne prend pas son traditionnel bain de foule à l’horizontale, allongé sur la cîme d’une forêt de mains amies. Un show euphorique qui reprend Nirvana, taquine la perçeuse comme un scratcheur ses platines (le guitariste Miky Biky) et quitte la scène sur le «Last Goobye» de The Kills.
Place à Bloc Party, de retour aux affaires à l’issue d’une pause de trois ans. Les Anglais, qui étaient l’une des formations les plus attendues de la journée, n’en ont pas profité pour défendre aggressivement leur nouvel album, « Four », aux accents plus rock metal et encore méconnu du public. Ils ont opté largement pour un best-off de leur répertoire légèrement relifté rock dans un registre plus musclé. Cela n’a pas suffit à convaincre leurs fans les plus ardents, qui affichaient des mines dépitées, certains se montrant même dubitatifs à l'issue du concert quant au futur du groupe de Kele Okereke.
En route pour l’électronique débridée et énergique de Para One, remplaçant au pied levé de Franck Ocean sur la scène plus modeste de la Cascade. Les beats destructurés de l’ancien producteur du collectif hip-hop alternatif parisien TTC attirent une foule de très jeunes festivaliers, et un pogo est vite improvisé au premier rang. On sent ici une volonté des corps de se lâcher et ils seront comblés.
Juste en face, Sigur Ros réussit la gageure de transformer la scène de la Cascade en cathédrale. Le velours nocturne tombe à point nommé pour accompagner la féérie délicate des Islandais. Les miaulements de Jonsi semblent appeler les elfes et les fées de la fûtaie alentours. Le public est soit subjugué, en communion totale, soit tombe en léthargie et réclame son lit.
Inutile de tenter de se réveiller avec Placebo, la tête d’affiche de la journée. Le groupe anglais dont la popularité ne s’est jamais démentie en France, a fourni une prestation honnête mais sans grand relief. Brian Molko et les siens ont assuré le minimum syndical devant une foule dense qui a avait déjà sérieusement commencé à se clairsemer lorsqu’a résonné au rappel une reprise plutôt bien menée du tube de Kate Bush « Runnin up that hill ».
Ceux tentés de rejoindre la sortie en cours de route sont tombés avec un peu de chance sur le live de Gesaffelstein, étoile montante de la techno française. Là le jeune Grenoblois s’est imposé comme le meilleur élève de son mentor The Hacker : il dépasse maintenant son maître. Son style est tout simplement captivant. Cet astre noir sait raconter une histoire sans paroles : montées, descentes, brutalité, délicatesse, accalmies et silences rythment son live hyper maîtrisé, parfois oppressant mais toujours délicieusement mystérieux.
Brodinski, qui a signé ses derniers morceaux sur son nouveau label Bromance, a enchaîné avec brio un set plus festif et moins mental, où figuraient en bonne place ses derniers hits de house poisseuse aux relents hip-hop. Dommage qu’il ait dû affronter un exode malheureux du public parti rejoindre la scène Cascade où débutait au même moment le show des platinistes C2C.
Nouveaux chouchous des festivals, portés par leur tube « Down The Road », les quatre terreurs des platines C2C n’auront eu aucun mal à emballer une foule conquise d’avance. Il faut dire que les deux ex-Beat Torrent et les deux ex-Hocus Pocus sont de sacrés entertainers. Leur show rondement mené, rythmé par des battles internes et de nombreuses interventions au micro, met beaucoup le public à contribution. Ce qui leur vaut régulièrement des ovations. A quelques jours de la sortie de leur premier album, ils resteront une des sensations de ce vendredi.
Samedi, Deus, Noel Gallagher et The Black Keys feront-ils mieux ?
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