Muddy Monk, la pépite de "synth pop" francophone aux mille et une machines
A quelques semaines de la sortie de son deuxième album,"Ultra Dramatic Kids", on vous présente Muddy Monk, un artiste suisse de synth pop qui a le don de nous faire naviguer entre rêve et réalité. Rencontre.
"J’aimerais rester connecté à mon âme d’enfant et je pense que souvent je ne le suis pas. Et en musique, il y a des moments où je vais la rechercher". Invité pour assurer la première partie du concert de Sébastien Tellier organisé par le Pitchfork Festival, l'éternel nostalgique Muddy Monk ne s'était pas produit à Paris depuis 2019. L'occasion pour nous de vous présenter cet artiste de synth pop francophone à la patte si singulière.
AttablĂ© dans le patio d’un cafĂ© du 9e arrondissement, Muddy Monk sirote timidement son verre de soda. Il l’avoue, l’interview n’est pas l’exercice qu’il prĂ©fère. La scène non plus. Et pourtant son concert organisĂ© la veille Ă la Salle Pleyel ne laissait rien paraĂ®tre. A peu de choses près.Â
Sur scène, Guillaume Dietrich de son vrai nom, a pris place entre trois écrans pensés spécialement par Alien le studio, une société reconnue pour ses scénographies hors du commun. Une sorte de cabine lumineuse dans laquelle ce grand timide est entré pour enfiler le costume de Muddy Monk, poète romantique qui marie sa voix cristalline au son vintage des synthés. A contre-jour, sa silhouette se devine à peine au-dessus des animations qui défilent sur l’installation. Parfois, il tourne le dos à la salle et admire la vue virtuelle qui s’offre à lui.
Les yeux fermés, il s’engouffre dans le son et, au passage, emporte avec lui le public. “La scène m’angoisse, je pense que les yeux fermés j’arrive à mieux incarner ma musique”, avoue-t-il le lendemain.
Bricolage
Dans la pénombre de la salle ce soir-là , il réussit tout de même à croiser le regard de ses parents venus spécialement de Suisse pour l’occasion. Une consécration pour ces mélomanes qui ont planté la graine de la créativité dans l’esprit de leurs enfants dès le plus jeune âge. “Quand j’étais petit, mon père jouait de la guitare, on chantait des chansons à la maison, on écoutait de la musique aussi. Mes parents nous ont toujours encouragé à apprendre à jouer d’un instrument”, se remémore Muddy Monk.
Enfant, cet Ă©lève peu assidu des cours de piano prĂ©fĂ©rait se bricoler des batteries avec des casseroles. Un rapport "fait maison" Ă la musique qu’il entretiendra longtemps avant de se tourner Ă 16 ans vers la production en home studio, une autre forme de bricolage. Soudain il se rappelle : “Un ami Ă moi, Shady, m’avait prĂ©sentĂ© les programmes de production sur ordinateurs. J’ai trouvĂ© ça gĂ©nial”.Â
Pilote de grosses machines
Les annĂ©es passent, et cet amoureux des instruments Ă©lectroniques accumule toujours plus de machines, de synthĂ©s, “à ne plus savoir quoi en faire”. Une passion qu'il explique avec son âme d'enfant : “C’est comme une grosse machine qu’on pilote et qui nous permet de faire ce que l’on veut. C’est vraiment physique ces appareils, on peut les câbler entre eux, les faire travailler ensemble. Ces machines ouvrent le champ des possibles”. Â
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A l’époque, il se lance dans la musique avec son ami Shady. Ils commencent par sampler de vieux vinyles pour en faire des instrus de hip-hop. Muddy Monk se met à accumuler frénétiquement les disques, “même des mauvais disques, dans l'espoir de trouver le bon sample”, lâche-t-il avec du recul. “A partir de mon album Longue Ride, je n’ai plus utilisé de samples. J’ai découvert les synthés, instruments efficaces qui permettent d’avoir une matière suffisamment solide pour ne plus sampler".
Créateur solitaire
Longue Ride, son premier album, est sorti en 2018. Sur ce disque, Muddy Monk enfourche sa moto et nous conduit sur une route sinueuse. Dans l’air, un parfum enivrant, alliant douceur, mĂ©lancolie, romantisme et solitude. Sa voix sĂ©raphique nous guide dans un voyage onirique oĂą le songe caresse la rĂ©alitĂ©. Sur les synthĂ©s viennent s’allonger des textes poĂ©tiques, parfois quasi surrĂ©alistes. Lui qui nous avait scotchĂ© avec son couplet et ses larmes dans Le Code de son ami Myth Syzer, dĂ©cide de faire cavalier seul. Sur la tracklist de son premier album ne figurait aucun invitĂ©. “J’aime bien faire ça seul. En travaillant Ă plusieurs, je dois lâcher prise sur plusieurs choses”, confie-t-il.Â
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Un choix qui fait sens tant la musique de Muddy Monk est le fruit d’une introspection. Alors quand il crĂ©e, Guillaume s’isole dans son univers, entourĂ© de câbles, de super synthĂ©s disposĂ©s dans un pièce confortable et chaleureuse. “J’estime qu’il est important de trouver du plaisir Ă ĂŞtre dans sa bulle et Ă crĂ©er des choses. Je pense que l’émotion naĂ®t aussi de ce confort. C'est pour ça que je ne veux pas travailler avec d’autres personnes, ça me sortirait de ma bulle”. Et son projet Ultra Tape ne dĂ©roge pas Ă cette règle d’or. Sorti un an après Longue ride, les cinq titres sont plus bruts. Et une fois de plus, Muddy Monk nous envoie dans les nuages, entre ombre et lumière.Â
Ultra Dramatic Kids
C'est Ă un tout autre type de voyage que nous conviait Muddy Monk le 21 novembre sur la scène de la salle Pleyel. LĂ , donnant la primeur de son prochain album, Ultra Dramatic Kids, prĂ©vu pour dĂ©but 2022, il a offert un show captivant qui a fait entrer le public dans une autre dimension.Â
Durant une trentaine de minutes, que l’on aurait bien aimé prolonger, Muddy Monk a hypnotisé l’assemblée. Sa voix lente et lancinante résonnait dans la salle qui, métamorphosée par une scénographie spectaculaire, n’était plus soumise à la loi de la gravité. Par moments, le temps semblait suspendu. Acidulées et chimériques, les illustrations taillées sur mesure pour chaque chanson étaient conçues par son ami Dexter Maurer, illustrateur rétrofuturiste, a qui l’on doit la pochette d’Ultra Tape et plus récemment de TR, morceau du prochain album.
Et d’un seul coup, les sonoritĂ©s changent, la voix aussi. Elle se fait plus grave, les synthĂ©s plus froids. Une sorte de cocktail doux-amer qui finit par nous enivrer. Sur ce projet, Muddy Monk propose Ă son public une facette mordante, inĂ©dite chez lui. La voix est plus énergique et moins Ă©thĂ©rĂ©e. Et sur le fond ? “Un album dramatique, un peu violent, mais ça reste moi donc ça n’est jamais très violent”, conclut le Suisse par-dessus un rire.Â
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