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Muddy Monk, la pépite de "synth pop" francophone aux mille et une machines

A quelques semaines de la sortie de son deuxième album,"Ultra Dramatic Kids", on vous présente Muddy Monk, un artiste suisse de synth pop qui a le don de nous faire naviguer entre rêve et réalité. Rencontre. 

Article rédigé par franceinfo Culture - Nisrine Manai
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Muddy Monk, artiste de pop suisse. (Half Awake)

"J’aimerais rester connecté à mon âme d’enfant et je pense que souvent je ne le suis pas. Et en musique, il y a des moments où je vais la rechercher". Invité pour assurer la première partie du concert de Sébastien Tellier organisé par le Pitchfork Festival, l'éternel nostalgique Muddy Monk ne s'était pas produit à Paris depuis 2019. L'occasion pour nous de vous présenter cet artiste de synth pop francophone à la patte si singulière.

Attablé dans le patio d’un café du 9e arrondissement, Muddy Monk sirote timidement son verre de soda. Il l’avoue, l’interview n’est pas l’exercice qu’il préfère. La scène non plus. Et pourtant son concert organisé la veille à la Salle Pleyel ne laissait rien paraître. A peu de choses près. 

Sur scène, Guillaume Dietrich de son vrai nom, a pris place entre trois écrans pensés spécialement par Alien le studio, une société reconnue pour ses scénographies hors du commun. Une sorte de cabine lumineuse dans laquelle ce grand timide est entré pour enfiler le costume de Muddy Monk, poète romantique qui marie sa voix cristalline au son vintage des synthés. A contre-jour, sa silhouette se devine à peine au-dessus des animations qui défilent sur l’installation. Parfois, il tourne le dos à la salle et admire la vue virtuelle qui s’offre à lui.

Les yeux fermés, il s’engouffre dans le son et, au passage, emporte avec lui le public. “La scène m’angoisse, je pense que les yeux fermés j’arrive à mieux incarner ma musique”, avoue-t-il le lendemain.

Bricolage

Dans la pénombre de la salle ce soir-là, il réussit tout de même à croiser le regard de ses parents venus spécialement de Suisse pour l’occasion. Une consécration pour ces mélomanes qui ont planté la graine de la créativité dans l’esprit de leurs enfants dès le plus jeune âge. “Quand j’étais petit, mon père jouait de la guitare, on chantait des chansons à la maison, on écoutait de la musique aussi. Mes parents nous ont toujours encouragé à apprendre à jouer d’un instrument”, se remémore Muddy Monk.

Enfant, cet élève peu assidu des cours de piano préférait se bricoler des batteries avec des casseroles. Un rapport "fait maison" à la musique qu’il entretiendra longtemps avant de se tourner à 16 ans vers la production en home studio, une autre forme de bricolage. Soudain il se rappelle : “Un ami à moi, Shady, m’avait présenté les programmes de production sur ordinateurs. J’ai trouvé ça génial”. 

Pilote de grosses machines

Les années passent, et cet amoureux des instruments électroniques accumule toujours plus de machines, de synthés, “à ne plus savoir quoi en faire”. Une passion qu'il explique avec son âme d'enfant : “C’est comme une grosse machine qu’on pilote et qui nous permet de faire ce que l’on veut. C’est vraiment physique ces appareils, on peut les câbler entre eux, les faire travailler ensemble. Ces machines ouvrent le champ des possibles”.  

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A l’époque, il se lance dans la musique avec son ami Shady. Ils commencent par sampler de vieux vinyles pour en faire des instrus de hip-hop. Muddy Monk se met à accumuler frénétiquement les disques, “même des mauvais disques, dans l'espoir de trouver le bon sample”, lâche-t-il avec du recul. “A partir de mon album Longue Ride, je n’ai plus utilisé de samples. J’ai découvert les synthés, instruments efficaces qui permettent d’avoir une matière suffisamment solide pour ne plus sampler".

Créateur solitaire

Longue Ride, son premier album, est sorti en 2018. Sur ce disque, Muddy Monk enfourche sa moto et nous conduit sur une route sinueuse. Dans l’air, un parfum enivrant, alliant douceur, mélancolie, romantisme et solitude. Sa voix séraphique nous guide dans un voyage onirique où le songe caresse la réalité. Sur les synthés viennent s’allonger des textes poétiques, parfois quasi surréalistes. Lui qui nous avait scotché avec son couplet et ses larmes dans Le Code de son ami Myth Syzer, décide de faire cavalier seul. Sur la tracklist de son premier album ne figurait aucun invité. “J’aime bien faire ça seul. En travaillant à plusieurs, je dois lâcher prise sur plusieurs choses”, confie-t-il. 

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Un choix qui fait sens tant la musique de Muddy Monk est le fruit d’une introspection. Alors quand il crée, Guillaume s’isole dans son univers, entouré de câbles, de super synthés disposés dans un pièce confortable et chaleureuse. “J’estime qu’il est important de trouver du plaisir à être dans sa bulle et à créer des choses. Je pense que l’émotion naît aussi de ce confort. C'est pour ça que je ne veux pas travailler avec d’autres personnes, ça me sortirait de ma bulle”. Et son projet Ultra Tape ne déroge pas à cette règle d’or. Sorti un an après Longue ride, les cinq titres sont plus bruts. Et une fois de plus, Muddy Monk nous envoie dans les nuages, entre ombre et lumière. 

Ultra Dramatic Kids

C'est à un tout autre type de voyage que nous conviait Muddy Monk le 21 novembre sur la scène de la salle Pleyel. Là, donnant la primeur de son prochain album, Ultra Dramatic Kids, prévu pour début 2022, il a offert un show captivant qui a fait entrer le public dans une autre dimension. 

Durant une trentaine de minutes, que l’on aurait bien aimé prolonger, Muddy Monk a hypnotisé l’assemblée. Sa voix lente et lancinante résonnait dans la salle qui, métamorphosée par une scénographie spectaculaire, n’était plus soumise à la loi de la gravité. Par moments, le temps semblait suspendu. Acidulées et chimériques, les illustrations taillées sur mesure pour chaque chanson étaient conçues par son ami Dexter Maurer, illustrateur rétrofuturiste, a qui l’on doit la pochette d’Ultra Tape et plus récemment de TR, morceau du prochain album.

Muddy Monk au centre d'une installation lumineuse, créée par Alien le studio, lors du Pitchfork Festival, en novembre 2021. (Alien le studio)

Et d’un seul coup, les sonorités changent, la voix aussi. Elle se fait plus grave, les synthés plus froids. Une sorte de cocktail doux-amer qui finit par nous enivrer. Sur ce projet, Muddy Monk propose à son public une facette mordante, inédite chez lui. La voix est plus énergique et moins éthérée. Et sur le fond ? “Un album dramatique, un peu violent, mais ça reste moi donc ça n’est jamais très violent”, conclut le Suisse par-dessus un rire. 

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