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Le tandem électronique The Blaze triomphe au Pitchfork Festival
The Blaze a d'abord conquis les coeurs grâce à ses clips. Deux vidéos seulement, mais deux oeuvres majeures par leur puissance évocatrice, cousues main pour la musique. L'onde de choc des images a déteint sur les sons, à moins que ce ne soit l'inverse. Restait à transposer sur scène la magie de ce trouble esthétique et émotionnel. Mission accomplie samedi soir.
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"Territory", un clip en majesté
C’est un clip choc. Assurément le clip de l’année. Et peut-être même de la décennie. Dans "Territory", un garçon rentre au pays, en Algérie. On le suit depuis le bateau, lorsqu’il débarque, retrouve ses proches et son quartier après une longue absence.Regardez-le. Il y a dans ces 5 minutes 37 une densité inouïe d’émotions, plus d’invention narrative et cinématographique que dans la majorité des longs métrages. C’est d’ailleurs ce qui nous a estomaqué la première fois et ne cesse de nous éblouir depuis : cette impression d’avoir visionné un long métrage et non pas un vidéo clip.
La musique vient tout de suite après. Electronique. Minimaliste. Une longue montée hypnotique au refrain obsédant porté par une voix masculine trafiquée (vocoder, autotune, effets ?) mais surtout pas pour la lisser, plutôt pour la déformer, troubler sa rectitude et plomber sa fragilité.
Musique et images intimement liées
Longtemps, on a pensé que la musique se passait d’images. Que les vidéos étaient superfétatoires, que les images surlignaient, voire banalisaient, écrasaient, tuaient les notes et les chansons. Avec The Blaze on en vient à penser tout le contraire. Pire, on avoue être incapable de discernement concernant la musique après s’être pris le choc des images.Car c’est une autre particularité de The Blaze : les vidéos accompagnent à ce point sur mesure les morceaux qu’ils s’ajustent l’un l’autre, les sons étant modifiés, retravaillés, pour coller à l’image et vice versa. Et cela change tout. Pour la première fois, on admet avoir sans doute aimé le morceau à cause de la vidéo. Avec effet instantané, dès la première fois. Comme un envoûtement, chaque fois qu’on entend le morceau, une ivresse intérieure nous saisit, celle de la vision de la vidéo, immédiatement réactivée. Quelle est cette diablerie ?
Puis on découvre la vidéo précédente du duo, "Virile". Presque aussi saisissante. Un grand ensemble, de nuit. La lumière éclaire certaines fenêtres des barres d’immeubles. A l’intérieur d’un appartement presque vide, deux jeunes garçons dansent et flirtent subtilement autour d’une platine et d’un joint. Une bromance tendue de désir, si virilement tendre et si charnelle, bien que tout en retenue, qu’elle fait chavirer aussi le cœur des filles. Les acteurs (si ce sont des acteurs) sont géniaux de naturel. La caméra les filme sublimement. La même ivresse nous saisit. Images et musique indissociables à jamais tatouées dans notre inconscient.
Transposer cette réussite sur scène, une gageure
Qui se cache derrière The Blaze ? Un tandem qui cultive le mystère et la rareté et reste très avare d’interviews. Il s’agit de deux cousins désormais basés à Paris: Jonathan Alric, 28 ans, et Guillaume Alric, 34 ans. Le premier sort d’une école de cinéma bruxelloise, le second a participé à différents projets musicaux avant de se plonger il y a trois-quatre ans dans la musique électronique.Retranscrire sur scène la magie de The Blaze n’a pas dû être une mince affaire. Sur le papier c’est presque mission impossible. Au festival Fnac Live où ils se produisaient début juillet, pour la troisième fois de leur vie sous ce nom, nous avions tremblé pour eux. A raison. Le set était encore balbutiant, mal construit, les morceaux tardaient à démarrer, les climax se retrouvaient presque éteints, noyés. Quatre mois plus tard, les deux chamanes ont enfin trouvé leur rythme live. Au Pitchfork festival samedi soir ils étaient en place, carrés mais suffisamment troublants, fin prêts à conquérir le monde : l'extase du public sur certains titres en disait long.
Le dispositif scénique est à la fois simple, innovant et remarquable. On sent bien ici à l’œuvre le même esprit que dans les clips. Deux écrans joints, disposés en pointe sur la scène, diffusent des images durant les premières minutes. Bel effet. Puis les écrans se disjoignent et laissent apparaître en ombre chinoise le duo et ses machines, nichés au cœur de la flèche. Jamais on ne verra d’images des clips précités. Trop facile. Des images douces d'échographie d'embryon en intro. Des paysages arides filmés caméra à l'épaule. Des voitures en flammes, superbes esthétiquement. Un laser rose horizontal sur fond bleu, graphique et efficace.
Musicalement, sur des montées hypnotiques de toute beauté, la voix trafiquée ressemble à la plainte étouffée d’un minotaure retenu prisonnier. Ce phrasé faussement monstrueux brutalise et salit idéalement la grâce et le lyrisme des mélodies.
Le set est construit de façon à entrer plus rapidement dans le vif du sujet, tout en faisant monter la sauce doucement vers la poignée de hits de The Blaze. Car toute cette folie, toute cette intensité, ne reposent pour l’heure que sur deux clips et un simple EP sorti en mars. Le premier album arrive, il est promis pour le printemps. En attendant, c'est le prochain clip que l’on attend le plus fébrilement. En principe, nous devrions pouvoir le savourer avant le nouvel an.
The Blaze EP "Territory" (Animal 63/Believe)
The Blaze est en Live à Lausanne (Suisse) le 10 novembre, le 18 novembre à Bruxelles et le 16 décembre au festival I Love Techno de Montpellier
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