Festival Sónar : le rendez-vous clé de la culture électronique vu de l'intérieur
Un festival-monde
En 20 ans, le Sónar est devenu un festival-monde, une manifestation tentaculaire qui se déploie dans plusieurs lieux de Barcelone et propose un menu gargantuesque sur trois jours : 140 artistes déployés sur neuf scènes, en deux temps distincts, de jour et de nuit, l'un pour découvrir et l'autre pour danser. Il s'agit aussi du rendez-vous incontournable des mélomanes technophiles et la vitrine de toute la créativité liée à la scène et aux nouvelles technologies.Björk, Nicolas Jaar, Cerrone, Justice, Nina Kraviz, Soulwax, Damian Lazarus, Masters at Work, Moderat, Vitalic, Arca, Clams Casino, Jacques, Jon Hopkins, De La Soul, Little Dragon, Seth Troxler & Tiga, Dj Shadow, Soulwax, Optimo, Fat Freddy's Drop, Thundercat et Anderson .Paak sont quelques-uns des noms que viendront applaudir et découvrir les quelque 120.000 personnes attendues du 15 au 17 juin à Barcelone.
Comment présenteriez-vous Sónar à quelqu'un qui ne connaitrait pas le festival ?
Georgia Taglietti : Le Sónar s'est appelé ainsi parce que le sonar est une machine qui entend les sons avant qu'ils nous parviennent. C'est exactement ce que voulait être le festival dès le début : une tête chercheuse. Sonar a été créé au début de la musique électronique, celle des sons assistés par ordinateur, et à l'époque dédier un festival entièrement à ce genre était inhabituel. De 6.000 festivaliers en 1994 à 120.000 aujourd'hui, nous avons grandi en parallèle à la popularité de la musique électronique, devenue rapidement une culture à part entière, une façon de vivre avec la technologie. Parallèlement à la musique, nous avons toujours cultivé un intérêt pour les façons de faire de l'art avec les machines. C'est devenu en 2013 un congrès, le Sonar+D qui se déroule en même temps que le festival musical et en est le prolongement naturel. Il montre que les deux sont liés et que la culture ne s'exprime pas seulement avec des artistes sur scène mais aussi derrière les scènes - la production, les visuels, les light shows…
Quelle est la ligne artistique du festival, êtes-vous guidés par un esprit de découverte ?
Les propositions sont aussi éclectiques que le public mais beaucoup de gens viennent à Sonar pour vivre une expérience, pas pour voir tel ou tel artiste en particulier, et sans connaître réellement la programmation. Nous avons un public curieux, très ouvert mais qui a des références. D'ailleurs, les artistes ont toujours un peu peur, ils sont impressionnés de jouer devant un public aussi exigeant. Sans compter les très nombreux professionnels venus au Sonar signer de nouveaux talents. Pourtant, le Sónar est aussi l'endroit où les artistes prennent des risques, où ils viennent proposer de nouvelles choses et tester leurs live.
Quels sont les shows les plus attendus ou les plus novateurs cette année du point de vue technologique ?
Une scène du festival de jour est dédiée à l'innovation technologique : Sonar Complex. Mais en règle générale, Sónar tient à proposer des shows visuellement complexes. Par exemple, au Sonar Hall, l'une des scènes de jour, Arca, le collaborateur de Björk pour "Vulnicura" mais aussi de Kanye West pour "Yeezus", présentera son nouveau live show avec Jesse Kanda, un spectacle total, et ça va être fantastique (Sonar Hall, le 15 juin à 21h). Très prometteur aussi, le nouveau live du producteur britannique Evian Christ, de Warp (Sonar Hall, le 16 juin à 18h30). Mais c'est l'artiste japonais Daito Manabe, une figure de l'art digital, qui est incontournable cette année. Au Sónar de Jour, il présente une installation immersive ambitieuse, "Phosphere", créée spécialement pour l'occasion. Il présente également en synergie avec Nosaj Thing un live (Sonar Hall, le 17 juin à 18h30) mêlant design lumineux, drônes volants et images générées par algorythmes. Enfin, dans la partie nuit, on attend le nouveau show de Justice mais aussi celui du Dj Eric Prydz et celui de Soulwax.
Quels sont les artistes méconnus de cette édition à ne pas louper, selon vous ?
Cette année il y a beaucoup de femmes. D'abord il y a l'Américaine D△WN le jeudi au SonarVillage, c’est un grand talent (elle chante, produit et conçoit ses shows), très audacieuse, qu’il faut absolument voir en live. C'est une future déesse, une diva du R&B. J'aime beaucoup la Canadienne Marie Davidson, chanteuse (souvent en français), musicienne entourée de synthétiseurs.
Le jour, il ne faut pas louper le live de Matmos et celui de Gaika. On m'a recommandé le dj espagnol Bawrut mais moi personnellement j'attends Evian Christ, Damian Lazarus et Optimo. Pour la nuit, on me trouvera à The Black Madonna, et devant Seth Troxler et Tiga qui jouent durant 6 heures à quatre mains.
De mémoire, quel est le plus gros triomphe du festival ?
Laurent Garnier, sans hésiter. Il vient depuis le début. J’ai assisté à tous ses "closing sets" et c’était toujours fou. Les gens dansaient à 6h du matin en brandissant des cartes disant "je voudrais que tu sois mon père" ou "je t’aime depuis le commencement du monde". Je me souviens aussi de la venue de Lana Del Rey, à l’époque du premier album. Pour ce concert, je faisais le contrôle des photographes et j'étais donc dans le pit (l'espace entre la scène et le public). Et bien là, je n’ai jamais vu autant de filles et de jeunes mecs en pleurs. Ils ne dansaient pas, ils ne criaient pas mais ils chialaient dès qu'elle tendait la main.
Autre triomphe, celui de Chic la seconde fois qu'ils sont venus au festival, en 2014 – la première fois on avait été un peu critiqués parce que c’était passéiste mais tout le monde a booké Chic après. En 2014, le succès était tel que tous les artistes qu’on connaissait bien, des artistes techno et électro plutôt pointus, étaient soit sur scène avec Nile Rodgers en train de danser, soit dans le public complètement fous. Même le booking management était sur scène !
C'est vrai que Chic et Lana Del Rey, ce n'est pas exactement de la musique électronique. Pourquoi programmez-vous régulièrement des artistes pop ou hip hop ?
Sónar représente l'évolution d'un genre qui a contaminé la pop et le hip hop. Surtout, l‘idée du festival ce n’est pas d’exclure mais d’inclure des publics. C’est de dire "vous êtes les bienvenus ici". Les artistes que nous programmons ont une proposition qui peut se retrouver dans la musique électronique. Par exemple proposer Chic c’était clair pour nous à l’époque, mais ça ne l’était pas du tout pour notre public. Après, Nile Rodgers a travaillé avec Daft Punk et c'est devenu évident pour tout le monde. On a toujours fait beaucoup de hip hop parce qu'il y a une forte influence de la musique électronique sur les nouveaux sous genres de hip hop. Nous avons d'ailleurs une nouvelle scène cette année, Sonar XS, dédiée à la "trap music", qui devrait générer beaucoup de surprises et un nouveau public.
Dans l'idéal, comment sera le Sónar dans dix ans ?
Je lui souhaite de continuer à s'adapter à la réalité technologique. Nous n'en avons jamais eu peur et nous l'avons toujours embrassée, accompagnée. D'ici dix ans, on pourra sans doute vivre l'expérience festivalière de différentes manières, notamment pour les personnes géographiquement éloignées. Nous y travaillons activement. Nous allons devoir trouver comment transférer l'expérience festivalière dans une autre dimension. Il faudra parvenir à un équilibre entre l'expérience sur place et l'expérience virtuelle. Mais le cœur de tout ça restera la programmation. Car ce qui compte ce n'est pas où tu es mais le contenu artistique que tu proposes. C'est cette cohérence qui assurera la pérennité de l'évènement.
Le festival Sónar se déroule du 15 au 17 juin 2017 à Barcelone
Culturebox vous propose de suivre une quarantaine de concerts et dj sets en direct et en replay, dont Vitalic, Jacques, Cerrone, Nosaj Thing et Daito Manabe, Gaïka, Nina Kraviz, The Black Madonna, Joe Goddard, Evian Christ, Derrick Carter, Clara 3000, Prins Thomas, Princess Nokia, Dawn, Fat Freddy's Drop.
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