F Communications fête ses 25 ans : le label de Laurent Garnier en cinq questions
Le label phare des premières heures de la techno made in France souffle ses 25 bougies avec la réédition de 25 maxis. L'occasion de revenir sur l'histoire de ce label mythique aux goûts éclectiques, chez qui ont éclos St Germain, Mr Oizo, Shazz ou Frédéric Galliano.
Le label pionnier de la musique électronique made in France est né en avril 1994. Fondé par deux passionnés, le directeur artistique Eric Morand et le DJ-producteur Laurent Garnier, F Communications a défendu durant une quinzaine d’années une musique électronique plurielle et sans œillères qui fit le lit de la French Touch et rayonna largement à l'étranger.
L’esprit de ce laboratoire expérimental reposait sur la diversité, l’ouverture d’esprit, la rigueur et l’intégrité. Maison mère notamment de St Germain, Mr Oizo, Alexkid, Frédéric Galliano et bien sûr Laurent Garnier, F Com travaillait au développement des artistes, toujours au coup de cœur mais sans jamais chercher le "coup" comme les majors. Il ne joua d’ailleurs jamais le jeu de la mode, celle de la house filtrée popularisée par Daft Punk et Cassius.
En mode veille depuis 2007, le label mythique sort de son sommeil pour célébrer ses 25 ans avec une série de sorties en vinyles et digital étalées jusqu’à la fin septembre en cinq vagues de cinq mini albums (5 X 5 = 25). Dans la réédition de ces 25 maxis emblématiques remastérisés, on trouve des raretés, notamment French Traxx de St Germain et le projet Dune de Laurent Garnier. L’occasion pour les jeunes générations de découvrir ce précieux leg.
1D'où vient le nom F Communications ?
Un jour de 1993, Eric Morand accompagne son ami DJ Laurent Garnier qui doit jouer à l’Eclipse de Coventry, "un des clubs les plus sauvages d’Angleterre où tout pouvait arriver" et où les DJ étaient protégés du public par une cabine grillagée. Là, sur le dancefloor, ils remarquent "un type surexcité " et visiblement défoncé à l’ecstasy affichant avec fierté sur son T-shirt un énorme E. Un type "totalement représentatif de ce qu’était devenu le mouvement rave en Angleterre", "une course à la drogue" où la musique n’était plus qu’un prétexte, regrette Laurent Garnier dans son autobiographie Electrochoc, parue en 2003 (et rééditée en 2013). Ce genre de personnage abîmait tous les efforts des défenseurs de la techno qui se battaient alors pour démontrer que le mouvement ne se résumait pas à la drogue et qu’il s’agissait d’une culture à part entière. "Je l’ai fixé pendant plusieurs minutes en ruminant dans ma barbe, puis j’ai dit à Eric : On devrait faire des T-shirts siglés F. parce que après E vient F". Résultat, lorsque F Communications voit le jour en avril 1994, son slogan est "After E comes F".
Laurent Garnier interprète son hit The Man With The Red Face à l'Elysée Montmartre en septembre 2000 avec Philippe Nadeau au saxophone.
2Comment est né le label ?
Composée avec des ordinateurs, par des "non musiciens" (en tout cas sans instruments classiques), la techno a été longtemps mal considérée, méprisée. Au début des années 90, on ne disait d’ailleurs même pas encore techno, ni même électro, mais "dance" pour définir le genre. Eric Morand travaillait alors pour Fnac Music Dance Division (1991-1994), un sous label de Fnac Music. Là il sortait en France les premiers disques Warp (LFO notamment), des maxis de hip-hop (De La Soul, Naughty By Nature) ainsi que les premiers maxis des Français Laurent Garnier, Shazz, Scan X et St Germain. Lassé d'être tributaire des décisions budgétaires de Fnac Music qui ne comprenait rien à la musique électronique, Eric Morand quitte le navire Fnac Music en février 1994. Il fonde dans la foulée avec Laurent Garnier F Communications, né officiellement le 24 avril 1994. "On est arrivés avec l'idée d'un label indépendant français qui exporte à l'étranger : on nous a pris pour des fous furieux", se souvient Eric Morand aujourd’hui. Des fous que tous les artistes français pré-cités vont suivre néanmoins sans attendre dans cette nouvelle aventure.
Shazz Hold Me (1994)
3Dans quel contexte le label a-t-il vu le jour ?
"F Com arrivait (en 1994 donc) dans un climat propice au développement du marché techno en Europe", raconte Laurent Garnier dans Electrochoc. La musique techno, avec ses différentes chapelles musicales (house, techno, hardcore, trance, etc), commençait à s’imposer en France. Les raves se multipliaient face à la demande grandissante d’un public enthousiaste. Même la fière Angleterre s’intéressait d’un peu plus près à ce qui se passait sous nos cieux et une certaine reconnaissance se faisait jour pour les artistes house et techno français. "Alors que restait-il ? Se faire plaisir sans faire de concession. Et observer la scène techno française de manière à anticiper ses bouleversements", écrit Laurent Garnier. Il aura toutefois fallu attendre la fin des années 90, avec la sortie du premier album de Daft Punk (Homework en 1997), la première Techno Parade en 1998 et le premier Olympia de Laurent Garnier la même année, pour assister enfin à un début de reconnaissance des musiques électroniques en France.
Mr Oizo Flat Beat (1999)
4Que défend F Com comme musique ?
Dès sa création, F Com reçoit beaucoup de démos de jeunes artistes d’electronique qui ont hâte d’éclore. Rien qu’en 1994, le label sort une vingtaine de maxis. Leurs premiers tubes ? Le EP Mezzotinto de St Germain-en-Laye (St Germain à ses débuts) et le morceau trance Milky Way de Aurora Borealis (alias Shazz). Dans un marché de niche dédié aux maxis, le label publie coup sur coup deux albums : le premier de Laurent Garnier Shot in the Dark en octobre 1994, de la techno pur jus, et Boulevard de St Germain début 1995, de la deep-house jazzy. Deux succès qui achèvent de mettre F Com sur orbite. Le label reste cependant le fidèle reflet des goûts de ses deux fondateurs. Or Laurent Garnier et Eric Morand ont des goûts particulièrement éclectiques, ce qui peut dérouter.
Pour résumer ce label aux idées larges impossible à circonscrire, on dira qu’il mélange à parts égales techno mélodique, house élégante, et expérimentations sans œillères. Bref, une musique de passionnés, sans compromis commercial. La grande famille d’amis que constitue le label au départ n’est pas facile à réduire ni à homogénéiser, malgré la belle unité visuelle des pochettes longtemps signées Geneviève Gauckler. "On était éclectiques, ce n'était pas juste de la techno. On nous disait d'ailleurs : on n'arrive pas à vous marketer", en rit aujourd’hui Eric Morand.
A l’aube des années 2000, la famille s’élargit avec des artistes de sensibilités très différentes tels que Mr Oizo (électro dingo), Frédéric Galliano (afro house), Avril (électro rock) ou Maxence Cirin (piano solo). Une ouverture du catalogue de plus en plus éloignée du dance-floor, qui donne l’impression à certains que F Com a perdu non pas son identité mais sa boussole. Dans un contexte difficile pour l’économie du disque, les ventes vont décliner, Garnier et Morand s’éloigner. Depuis 2007, le label est en stand by. Eric Morand est devenu psychothérapeute à Bordeaux, Laurent Garnier continue de faire le DJ, quand il n’écrit pas ses mémoires, qu’il ne sonorise pas des films et des ballets, ou ne tourne pas le film de sa vie. Seul l'anniversaire de ses 25 ans a réussi à tirer de son sommeil le (la)bel endormi F Com avec quelques sorties.
5Quels sont les titres emblématiques de F Communications ?
Reflet de l'éclectisme du label, voici une sélection toute personnelle, entre hits certifiés et nostalgie maison, classée par ordre chronologique de sorties. Elle inclut les morceaux disséminés plus haut dans cet article.
St Germain Alabama Blues - Todd Edwards Remix (1995)
Nova Nova D.J.G.G. (1995)
Laurent Garnier Crispy Bacon (1997)
A Reminiscent Drive alias Jay Alanski Two Sides to Every Story (1998)
Llorca My Precious Thing (2001)
Fréderic Galliano avec Hadja Kouyaté Alla Cassi Magni (2002)
Alexkid Come With Me (2003)
Avril Be-Yourself (2004)
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