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Disclosure sort "Caracal", un second album de pop-soul tenu en laisse
Deux ans après le dévastateur "Settle" dont l'influence n'en finit plus de réveiller la house music sur la planète, les rois du dancefloor ont décidé de changer de formule et de ralentir le rythme. Sur "Caracal", les frères Lawrence proposent une pop-soul blanche sensuelle mais jamais poisseuse en compagnie d'une pleïade de stars et de nouvelles voix.
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Nouvelle formule, tempo ralenti
Les frères Howard et Guy Lawrence sont très jeunes, 21 et 24 ans, mais savent parfaitement où ils vont. Et ces deux Britanniques sont très ambitieux. Leur premier album "Settle", l'un des plus gros cartons dance de ces dernières années des deux côtés de la Manche (400.000 en GB, 70.000 en France) a aussi mis avec retard le pied dans la porte aux USA et n'est pas prêt de l'enlever – ils ont produit Mary J Blige et démarrent leur nouvelle tournée fin septembre par une salve de dates en Amérique du nord. Cela n'a apaisé ni leur ambition ni leur quête de reconnaissance.Dans cette perspective, pas question de resservir deux fois la même recette. Du coup, la formule gagnante mêlant, house, pop et UK garage de leur premier album "Settle" a été renouvelée pour "Caracal". On reconnaît instantanément la patte de Guy et Howard mais ils ont clairement ralenti le tempo sur une majorité de titres, et pris leurs distances avec le dance-floor.
Excepté sur l'étourdissant "Holding On" et le franchement UK Garage "Echoes", le résultat est une pop-soul très blanche, féline et racée, mais parfois un peu trop retenue, un peu trop glacée, pour faire grimper aux rideaux. Né pour cavaler en liberté, le magnifique félin qui donne son nom à l'album est tenu fermement en laisse à quatre mains.
Disclosure veut être notre compagnon du quotidien
Tout se passe sur "Caracal" comme si Disclosure ne voulait plus être seulement notre compagnon de fête et de clubbing. Il veut s'inviter à la maison, sous la couette, et pour tous les moments de la vie. On est cent pour cent consentants. Mais c'est donnant donnant : Guy et Howard vont devoir apprendre à se lâcher un peu. Parce qu'on souhaiterait d'eux une musique un peu moins calculée, si possible salie par quelques accidents, bousculée par des éclats de spontaneité.De la soupe alors ce second album, demandent les mauvaises langues ? Non rassurez-vous, les deux frangins restent des producteurs remarquables : la complexité des structures (le beat tordu de Willing & Able!), les arrangements d'orfèvre ainsi que les trouvailles et petits détails qui crépitent toujours sous les mélodies leur évitent cet écueil. Rien n'est "cheap" ici, tout est agréable, mais sous la façade léchée et rutilante de ce long fleuve tranquille on retrouve moins souvent la fraîcheur et la sève qui faisaient prendre la sauce de façon monstrueusement jouissive sur "Settle".
Des stars en petite forme
Quand il a posé en 2012 sa voix sur "Latch" de Disclosure, Sam Smith n'était rien encore. Depuis, et en grande partie grâce à eux et au succès mondial de ce hit dévastateur, le chanteur anglais a décroché la Lune : il a été choisi pour interpréter "Spectre", la chanson titre du prochain James Bond qui le fera connaître aux derniers réfractaires.Il revient au second round de la saga Disclosure sur "Omen" mais il souffre de la comparaison avec "Latch'. Comment ne pas entendre la différence ? "Omen" est un nouveau hit en puissance mais Smith a l'air moins habité, moins sincère.
Les autres stars invitées ne pètent pas non plus la forme: on esperait mieux de The Weeknd, trop désincarné sur "Nocturnal", Lorde n'a jamais parue aussi détachée que sur "Magnets", et Miguel est juste un peu plus impliqué sur "Good Intentions". Seul le jazzman Gregory Porter fait merveille sur "Holding On", le premier single dévoilé avant l'été, habile transition avec le précédent album dont il aurait pu faire partie.
Deux nouvelles voix prometteuses
Les méthodes de travail de Disclosure ne sont pas en cause : Guy et Howard mettent un point d'honneur à ne jamais collaborer à distance avec les chanteuses et chanteurs. Pas du genre à s'accomoder de ces associations virtuelles via le web : pour travailler avec Disclosure il faut se déplacer et respirer le même air en studio.Si les stars laissent à désirer sur ce disque, les voix en devenir tirent clairement leur épingle du jeu. Comme Sam Smith, Aluna George et Eliza Doolittle sur le premier album, Disclosure a déniché de nouveaux jeunes talents et en particulier deux futures pépites à surveiller de près : Lion Babe, une Erykah Badu en puissance (sur "Hourglass") et surtout le très prometteur chanteur londonien Kwabs, qui figure sur l'un des titres les plus brûlants de cet album, "Willing & Able".
Et puis il y a la petite surprise "Jaded" sur laquelle Howard est au micro et s'en prend contre toute attente aux producteurs musicaux vieillissants qui s'accrochent à leur gloire en ayant recours sans le dire à de petits jeunes talentueux. CQFD. Inutile de demander des noms, on n'en saura pas plus.
Un Live renouvelé
En live, les deux jeunes Londoniens promettent aussi du neuf. Normal d'avoir tiré les leçons après avoir sillonné la planète en tournée non stop depuis deux ans. Contrairement à l'écrasante majorité des artistes de musique électronique, Guy et Howard ne se planquent pas derrière leurs machines. "On essaie de jouer de plus d’instruments sur scène", explique-t-ils au magazine Tsugi qui leur consacre sa couverture ce mois-ci. "On a vraiment envie que le public voit ce que l’on fait. Qu’il entende même si on se plante. (…) Si on arrête de jouer, on veut que tout s’arrête."Avec une petite poignée de stars de la musique electronique, comme Caribou ou James Blake, Disclosure est en train de ramener doucement mais sûrement le live au premier plan. Rien que pour ça, et pour le coup de balai qu'ils sont en train de flanquer à l'EDM aux Etats-Unis, Disclosure mérite notre respect éternel.
Disclosure "Caracal" sort le 25 septembre 2015 (PMR/Barclay/Universal)
A écouter en priorité : "Willing & Able", "Hourglass", "Holding On"
Disclosure est en concert en France le 17 février 2016 à Lyon (Halle Tony Garnier), le 18 février à Strasbourg (Zénith) et le 19 février à Paris (Zénith).
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