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Daft Punk : nos premières impressions sur "Random Access Memories"
Alors, que vaut ce nouvel album de Daft Punk ? En compagnie d'une poignée d'autres, nous avons été conviés lundi chez Sony à écouter (une fois, une seule) le nouvel album de Daft Punk "Random Access Memories", un 13 titres long de quelque 72 minutes. Voici nos impressions à chaud sur ce disque attendu comme le Messie pour le 20 mai.
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De nos fantasmes...à la réalité
On le sait, Daft Punk a voulu une nouvelle fois avec cet album jouer avec le passé. Après avoir revisité la house de Chicago avec "Homework" et la pop des années 80 avec "Discovery", "Random Access Memories" promettait de relifter l'époque disco funky en vogue à la charnière des années 70 et 80. Et de réhabiliter les vrais instruments dans la dance music.
Du coup, avouons-le, nous avions espéré un album groovy, à la fois poisseux et rutilant, un grand écart magique dont un pied aurait plongé dans le funky rétro et l'autre dans la modernité électro. Nous avions rêvé tout haut d'un truc puissant et inédit, absolument irrésistible pour les hanches, qui nous vengerait de la morosité ambiante, de la crise et d'un printemps tardif sapeur d'énergie.
Forcément, on n'a pas été exaucés. On avait placé la barre trop haut. On avait cru au Père Noël. La faute aux fantasmes alimentés par une campagne de pub alléchante et une liste d'invités à faire pâlir d'envie tout authentique fan de party music. Notons que l'écoute de ce festin pantagruélique de 72 minutes en une seule fois et d'une seule traite ne nous a pas facilité la tâche. Car des surprises et des cadeaux nous attendent sans doute à la réécoute, plus tard.
Plus expérimental que révolutionnaire
En attendant, allons droit au but : durant cette séance d'écoute nous avons été éblouis par un titre ("Doin' it Right" avec Panda Bear), enthousiasmés par une poignée d'autres ("Lose yourself to dance" avec Pharrell Williams, "Giorgio by Moroder" avec Moroder, "Fragments of Time" avec Todd Edwards), émus et envoûtés par "Within", surpris et amusés par "Motherhoad", et estomaqués par le dernier titre "Contact". Mais peu convaincus, voire déçus, par presque tout le reste. Manque d'inspiration, de souffle, de mélodies, de direction.
Car il y a un autre malentendu : si Thomas Bangalter et Guy-Man de Homem Christo déplorent dans leurs rares et récentes interviews (ici et là) la stagnation de la musique électronique et disent avoir voulu faire la "musique du futur", leur disque n'est pas pour autant révolutionnaire.
En revanche il marque une révolution chez Daft Punk. Pour ces intouchables de l'électronique mondiale, il s'agit en effet du premier album réalisé en studio (c'est eux qui le disent) et avec de vrais musiciens, et pas des moindres, en lieu et place des machines. Daft Punk tente courageusement des choses sur ce disque, c'est indéniable. Plutôt que révolutionnaire, pensez donc expérimental, vous serez davantage dans le vrai. D'expérimental à expérience, il n'y a qu'un pas. De fait, écouter "Random Access Memories" est une expérience.
Un début en demi-teinte...
Selon nous, ce disque se termine beaucoup mieux qu'il ne démarre. Certes, il ouvre avec le souriant "Give Life Back", qui nous téléporte effectivement d'emblée dans le passé, à la grande époque du Palace et du Club 54, vocoder et basse slappée incluse. Mais il ne brille pas par son originalité.
Suit un étonnant slow tire-larmes, "The Game of Love", avec voix plaintive au vocoder - "You're breaking my heart/When you decided to walk away/When I wanted you to stay"- niveau La Boum. Bon. Apparemment, les robots ont aussi un petit coeur qui bat. Mais on n'imaginait pas ça.
Heureusement, "Giorgio by Moroder" arrive à temps pour nous sauver de la déprime. Il s'agit d'un morceau épique, extrêmement dense, bourré de clins d'oeil et de couches, un tourbillon de cordes, de claviers et de batterie, articulé autour de la voix de Moroder racontant son parcours. Un morceau de bravoure pas facile à digérer.
Puis déboule le piano nu de "Within", derrière lequel on reconnaît la touche Chilly Gonzales, sur lequel vient se poser un chant au vocoder, la complainte du cyborg qui ne sait plus qui il est ni comment il s'appelle. La mélodie est efficace, le titre est court, le son est chaud et le climat envoûtant. On en redemande.
"Instant Crush" avec Julian Casablancas casse l'ambiance et nous laisse de marbre. Pourquoi avoir aussi trafiqué la voix du chanteur des Strokes ? Et pourquoi lui faire donner du "hé ho" sur une chanson qui fait du surplace ?
"Lose yourself to dance", l'autre morceau avec Pharrell Wiliams (après l'efficace "Get Lucky" auquel personne n'a pu échapper depuis trois semaines), respecte totalement le postulat de départ : simple et funky avec plein de "Come on, come on, come on", réjouissant prétexte à faire la fête.
...et un final en apothéose
Puis viennent "Touch", un capharnaüm onirique dominé par la voix patinée de Paul Williams et le message "love is the answer", le menaçant "Motherboard", gros délire expérimental avec ses notes liquides et ses arpèges à la Midnight Express, et l'ensoleillé "Fragments of Time", tout droit sorti d'un disque californien des seventies, genre Steely Dan avec une pointe de Wings, dont vous refuseriez de croire aujourd'hui qu'il est signé Daft Punk.
Et là, par surprise, à l'avant dernier titre, survient le Graal. "Doin it right" avec Panda Bear de Animal Collective dont les harmonies vocales à la Beach Boys se mêlent divinement au vocoder et à la patte Daft Punk. Une cathédrale moderne, musclée, charnelle, inédite. Le morceau qu'on voudrait ne jamais voir finir. Une merveille à l'issue de laquelle on a failli crier bravo devant une dizaine d'inconnus.
Mais le final ne déçoit pas. "Contact" nous installe à bord de la cabine spatiale des deux robots. Nous voici au coeur de l'action, devant des écrans clignotants, ceinture bouclée, captant un dialogue avec Cap Canaveral. Puis c'est le départ, la centrifugeuse musicale met les gazs et nous envoie direct dans les étoiles, en orbite dans l'espace. C'est le morceau qu'il faudra envoyer dans la capsule aux confins de notre galaxie à l'attention des formes de vie extra-terrestres. Ils comprendront sans doute le langage crypté des Daft mieux que nous, pauvres humains après tout...
On le sait, Daft Punk a voulu une nouvelle fois avec cet album jouer avec le passé. Après avoir revisité la house de Chicago avec "Homework" et la pop des années 80 avec "Discovery", "Random Access Memories" promettait de relifter l'époque disco funky en vogue à la charnière des années 70 et 80. Et de réhabiliter les vrais instruments dans la dance music.
Du coup, avouons-le, nous avions espéré un album groovy, à la fois poisseux et rutilant, un grand écart magique dont un pied aurait plongé dans le funky rétro et l'autre dans la modernité électro. Nous avions rêvé tout haut d'un truc puissant et inédit, absolument irrésistible pour les hanches, qui nous vengerait de la morosité ambiante, de la crise et d'un printemps tardif sapeur d'énergie.
Forcément, on n'a pas été exaucés. On avait placé la barre trop haut. On avait cru au Père Noël. La faute aux fantasmes alimentés par une campagne de pub alléchante et une liste d'invités à faire pâlir d'envie tout authentique fan de party music. Notons que l'écoute de ce festin pantagruélique de 72 minutes en une seule fois et d'une seule traite ne nous a pas facilité la tâche. Car des surprises et des cadeaux nous attendent sans doute à la réécoute, plus tard.
Plus expérimental que révolutionnaire
En attendant, allons droit au but : durant cette séance d'écoute nous avons été éblouis par un titre ("Doin' it Right" avec Panda Bear), enthousiasmés par une poignée d'autres ("Lose yourself to dance" avec Pharrell Williams, "Giorgio by Moroder" avec Moroder, "Fragments of Time" avec Todd Edwards), émus et envoûtés par "Within", surpris et amusés par "Motherhoad", et estomaqués par le dernier titre "Contact". Mais peu convaincus, voire déçus, par presque tout le reste. Manque d'inspiration, de souffle, de mélodies, de direction.
Car il y a un autre malentendu : si Thomas Bangalter et Guy-Man de Homem Christo déplorent dans leurs rares et récentes interviews (ici et là) la stagnation de la musique électronique et disent avoir voulu faire la "musique du futur", leur disque n'est pas pour autant révolutionnaire.
En revanche il marque une révolution chez Daft Punk. Pour ces intouchables de l'électronique mondiale, il s'agit en effet du premier album réalisé en studio (c'est eux qui le disent) et avec de vrais musiciens, et pas des moindres, en lieu et place des machines. Daft Punk tente courageusement des choses sur ce disque, c'est indéniable. Plutôt que révolutionnaire, pensez donc expérimental, vous serez davantage dans le vrai. D'expérimental à expérience, il n'y a qu'un pas. De fait, écouter "Random Access Memories" est une expérience.
Un début en demi-teinte...
Selon nous, ce disque se termine beaucoup mieux qu'il ne démarre. Certes, il ouvre avec le souriant "Give Life Back", qui nous téléporte effectivement d'emblée dans le passé, à la grande époque du Palace et du Club 54, vocoder et basse slappée incluse. Mais il ne brille pas par son originalité.
Suit un étonnant slow tire-larmes, "The Game of Love", avec voix plaintive au vocoder - "You're breaking my heart/When you decided to walk away/When I wanted you to stay"- niveau La Boum. Bon. Apparemment, les robots ont aussi un petit coeur qui bat. Mais on n'imaginait pas ça.
Heureusement, "Giorgio by Moroder" arrive à temps pour nous sauver de la déprime. Il s'agit d'un morceau épique, extrêmement dense, bourré de clins d'oeil et de couches, un tourbillon de cordes, de claviers et de batterie, articulé autour de la voix de Moroder racontant son parcours. Un morceau de bravoure pas facile à digérer.
Puis déboule le piano nu de "Within", derrière lequel on reconnaît la touche Chilly Gonzales, sur lequel vient se poser un chant au vocoder, la complainte du cyborg qui ne sait plus qui il est ni comment il s'appelle. La mélodie est efficace, le titre est court, le son est chaud et le climat envoûtant. On en redemande.
"Instant Crush" avec Julian Casablancas casse l'ambiance et nous laisse de marbre. Pourquoi avoir aussi trafiqué la voix du chanteur des Strokes ? Et pourquoi lui faire donner du "hé ho" sur une chanson qui fait du surplace ?
"Lose yourself to dance", l'autre morceau avec Pharrell Wiliams (après l'efficace "Get Lucky" auquel personne n'a pu échapper depuis trois semaines), respecte totalement le postulat de départ : simple et funky avec plein de "Come on, come on, come on", réjouissant prétexte à faire la fête.
...et un final en apothéose
Puis viennent "Touch", un capharnaüm onirique dominé par la voix patinée de Paul Williams et le message "love is the answer", le menaçant "Motherboard", gros délire expérimental avec ses notes liquides et ses arpèges à la Midnight Express, et l'ensoleillé "Fragments of Time", tout droit sorti d'un disque californien des seventies, genre Steely Dan avec une pointe de Wings, dont vous refuseriez de croire aujourd'hui qu'il est signé Daft Punk.
Et là, par surprise, à l'avant dernier titre, survient le Graal. "Doin it right" avec Panda Bear de Animal Collective dont les harmonies vocales à la Beach Boys se mêlent divinement au vocoder et à la patte Daft Punk. Une cathédrale moderne, musclée, charnelle, inédite. Le morceau qu'on voudrait ne jamais voir finir. Une merveille à l'issue de laquelle on a failli crier bravo devant une dizaine d'inconnus.
Mais le final ne déçoit pas. "Contact" nous installe à bord de la cabine spatiale des deux robots. Nous voici au coeur de l'action, devant des écrans clignotants, ceinture bouclée, captant un dialogue avec Cap Canaveral. Puis c'est le départ, la centrifugeuse musicale met les gazs et nous envoie direct dans les étoiles, en orbite dans l'espace. C'est le morceau qu'il faudra envoyer dans la capsule aux confins de notre galaxie à l'attention des formes de vie extra-terrestres. Ils comprendront sans doute le langage crypté des Daft mieux que nous, pauvres humains après tout...
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