"Dreems", l'album que le duo Cassius s'apprêtait à sortir avant le drame
Avant la mort accidentelle de Philippe Zdar mercredi soir, le duo Cassius devait sortir son cinquième album ce vendredi. Conçu comme un mix de DJ, ce disque gorgé d'hymnes solaires fait écho à la personnalité hédoniste du disparu.
(Cette chronique a été publiée originellement mercredi après-midi, avant le drame, sous le titre "Avec Dreems, Cassius signe la bande son idéale de l'été").
L’échec a parfois du bon. Trois ans après l’ambitieux et incompris Ibifornia, dans lequel il tentait de marier Ibiza et la Californie, le duo parisien Cassius a décidé de relâcher la pression et d’aborder le futur avec décontraction pour son cinquième album studio baptisé Dreems.
Philippe "Zdar" Cerbonesci et Hubert "Boombass" Blanc-Francard, sorciers du son non seulement de la "french touch" mais aussi des débuts de l’abstract hip-hop (notamment sous pseudo La Funk Mob) et du rap hexagonal (ils étaient derrière Qui sème le vent récolte le tempo et Prose Combat de Mc Solaar), ont réalisé Dreems avec un détachement total proche du j'menfoutisme, assurent-ils. Bien leur en a pris.
Pour ce clip, Cassius a retrouvé des images de ses débuts en 1999
Un album de house music construit comme un mix de DJ
Adieu le travail acharné sur plusieurs années, goodbye la pop synthétique sophistiquée remise cent fois sur l’ouvrage. Cette fois, les amis de 30 ans ont pris le parti de la spontanéité et de l’urgence. L’idée était de réaliser cet album le plus vite possible, en trois semaines. Elles se sont transformées en trois mois mais c’est une performance quand on se souvient qu’il s’était écoulé 10 ans entre leurs deux précédents albums 15 Again et Ibifornia.
Ce lâcher prise s’accompagne d’une nouvelle méthode de travail. Dreems a en effet été conçu comme un mix de DJ : "il fallait que tous les morceaux s’enchaînent", précisent-ils. Le point de départ fut Fame, une chanson publiée en 2017 sur la compilation Ed Rec du label Ed Banger. Retravaillé, ce titre de house moite se retrouve au cœur du nouvel album et lui indique en quelque sorte sa direction. Qui les mène tout droit à leur maison mère, la house music, celle avec laquelle ils continuent régulièrement de sillonner les clubs du monde entier en tant que DJ’s.
Fame, le point de départ autour duquel s'est construit l'album Dreems
50 mn de musique solaire pour accompagner l'été du lever au coucher
Nous ne sommes donc pas loin d’exulter en découvrant ce quasi DJ set de pure house music sans coutures, dans la même veine que ce qui nous avait fait aimer Cassius dès le premier jour et continue de nous faire onduler les bras en l'air sans effort. Dreems c’est 50 mn de titres solaires et soyeux gorgés de mélodies rêveuses et sensuelles, la tracklist idéale pour plonger la tête la première dans la tièdeur de l’été, et glisser en douceur de l’aube rosée au hamac, en passant par la plage, le barbecue et le dance-floor étoilé.
On y trouve des hymnes comme Fame, un hommage aux Australiens de Flash & The Pan et à leur hit Walking in the rain et l’hypnotique Chuffed, clin d’œil aux producteurs de house de Baltimore des années 80 The Basement Boys. Ou bien encore le sautillant Rock Non Stop accompagné d’un clip aux images vintage du tandem parisien, qui semble clamer en filigrane "Cassius, pourvoyeur de bonheur depuis 1999".
Profusion d'invités pour incarner ces hymnes
Plusieurs invités ajoutent leur touche, en particulier la chanteuse cannoise Owlle dont la voix éclaire les trois titres les plus pop (pas forcément nos préférés), Don’t Let Me Be, Dreams et le slow de clôture Walking in the Sunshine. On croise également la voix très garage de Vula Malinga sur W18, les rimes nasales euphoriques de Mike D des Beastie Boys (dont Zdar était aux manettes du dernier album) sur Cause Oui !, alors que John Gourley de Portugal The Man illumine Nothing about You, salut impeccable au pionnier de la house music Larry Levan.
Enregistré dans le studio montmartrois de Philippe Zdar, l’antre où il a produit une floppée d’albums ces dernières années, dont ceux de Phoenix, Hot Chip et Franz Ferdinand, Dreems marque aussi un tournant pour Cassius : Zdar et Boombass sont désormais totalement indépendants, sans véritable label derrière eux – le disque étant seulement distribué par Caroline. Une façon de voyager léger qui leur convient et nous permet d’avoir enfin une livraison de carburant sonore hédoniste avant l’été et non pas après (un mauvais timing indépendant de leur volonté qui nous avait fait rager sur les albums précédents).
"Nous sommes devenus des artisans", se félicitent les deux complices dans le mensuel Tsugi qui leur consacre sa couverture de juin. Désormais "si on a un nouveau morceau et qu’il est prêt, on le sortira sans tarder", promet Boombass. Les gars, c’est quand vous voulez.
"Dreems" de Cassius (Caroline) est sorti vendredi 21 juin 2019
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