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Avec "ÆGN", Marc Buronfosse déclare sa flamme à Paros

Il y a quelques années, le contrebassiste Marc Buronfosse est tombé amoureux de Paros, splendide île des Cyclades. D'abord, il y a lancé des projets culturels. Puis, à la tête d'un quintette franco-grec, il y a enregistré un album aux climats électro, "ÆGN", sorti lundi 29 août. Il le présente samedi 3 septembre à Paris au Studio de l'Ermitage dans le cadre de Jazz à La Villette. Rencontre.
Article rédigé par Annie Yanbekian
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 9min
Marc Buronfosse, sa Fender VI et Paros
 (Stavros Niflis)

Ça devait se terminer par un disque. Au début des années 2010, le jazzman français Marc Buronfosse s'est engagé dans la vie culturelle des Cyclades et a lancé à Paros un festival de jazz et un stage musical. Quelques années plus tard, en guise d'hommage à l'île de son cœur, il sort en quintette un album hypnotique, entre électro et jazz, intitulé "ÆGN", contraction du terme "Aegean", "égéen" en anglais.

Pour Marc Buronfosse, enregistrer ce disque à Paros, au cœur de la mer Égée, était une évidence. Le jazzman y a emmené un groupe franco-grec très ouvert sur l'électro, délaissant sa contrebasse pour une Fender VI, un instrument aux sonorités graves, entre basse et guitare. Pour restituer l'intensité vibratoire de l'île, il a opté pour des climats électriques, envoûtants. L'occasion pour le musicien d'amorcer un virage artistique qu'il appelait de ses vœux depuis quelque temps. Né le 6 mai 1963 à Soissons, Marc Buronfosse, après des études de guitare, s'est mis à la contrebasse en 1982 parallèlement à des études d'ingénieur du son, avant de s'aguerrir à New York puis de s'illustrer aux côtés de Bojan Z, Stéphane Guillaume, Marc Copland, ou, récemment, à la tête de son Sounds Quartet.

Il présente "ÆGN" samedi 3 septembre au Studio de l'Ermitage dans le cadre du festival Jazz à La Villette.


- Culturebox : "ÆGN" a été enregistré à Paros, une île qui vous est chère et où vous avez développé des projets culturels. Quand a commencé votre histoire avec la Grèce ?
- Marc Buronfosse : Je connaissais la Grèce depuis l'adolescence mais je n'y étais pas retourné par la suite. Ce n'est qu'en 2009 que je m'y suis rendu en famille. J'ai visité quelques îles dont Santorin, Sifnos, la Crète, et enfin Paros. On est tous tombés amoureux de cette île. Depuis, on y retourne régulièrement. En 2011, j'y ai lancé un festival et un stage.

- Pourquoi Paros ?
- Cette île a quelque chose de très équilibré : d'un côté, c'est un lieu de vacances avec la mer, le soleil, et de l'autre, elle est chargée d'histoire et de culture. Beaucoup d'artistes, musiciens, peintres, poètes y séjournent régulièrement. Je pense qu'il y règne une atmosphère assez particulière, palpable, due à une connexion avec une histoire très ancienne. Le premier poète lyrique de l'histoire de l'humanité, Archiloque, était de Paros. C'est le premier qui se soit exprimé à la première personne et qui ait fait état de ses propres sentiments. L'idée de créer un événement culturel sur l'île est venue tout naturellement.

- Dans cette île imprégnée d'histoire, vous avez enregistré un disque aux sonorités très actuelles.
- L'idée de départ, en effet, consistait à avoir un son beaucoup plus électrique, voire électronique. Lors d'un séjour à New York, je suis tombé sur un instrument, la Fender VI. C'est une guitare conçue par Leo Fender au début des années 60. Elle compte six cordes qui sonnent une octave en dessous d'une guitare traditionnelle.

- Ça donne donc un genre de basse - qui comporte habituellement quatre cordes - avec deux cordes supplémentaires...
- Exactement. Cet instrument, qui n'est ni une basse, ni une guitare, possède un son très intéressant qu'on peut transformer avec toutes sortes de pédales d'effet. C'était quelque chose de complètement nouveau pour moi. Avant d'être contrebassiste, j'ai fait de la basse électrique, et dans mon enfance, j'avais fait de la guitare. La Fender VI m'a donné l'occasion de revenir sur mes premières sensations de musicien.


- Et l'instrument se prêtait à ce que vous aviez envie de restituer de Paros et de la mer Égée...
- Oui. Je voulais faire une musique assez simple, atmosphérique, basée sur la sensation du son. L'utilisation de la Fender VI et des pédales d'effet m'a ouvert cette porte. Et puis je ne suis pas tout seul. Dans le groupe que j'ai réuni, le trompettiste Andreas Polyzogopoulos, que j'ai connu en 2012 à l'occasion du festival, a la même approche et utilise beaucoup l'électronique. C'est un musicien fantastique, très lyrique, avec un son que j'adore. Il y a eu aussi une rencontre importante avec le guitariste Marc-Antoine Perrio qui est complètement à l'aise avec cette culture du traitement du son. Arnaud Biscay, qui est un batteur de jazz, fait également beaucoup d'électronique. Il a une approche très particulière, il était le batteur idéal pour ce projet. Enfin, le pianiste Stéphane Tsapis, qui joue plutôt en acoustique, mène en parallèle une recherche par rapport à la musique traditionnelle grecque (son père est grec, ndlr), avec l'envie de retrouver ses racines. Il m'a paru intéressant de faire appel à lui pour achever la connexion avec la Grèce.

- Vous avez enregistré votre disque à Paros, dans le village de Naoussa. J'ignorais qu'il s'y trouvait un studio d'enregistrement.
- À Naoussa, il y a Spiros Balios, un violoniste qui joue de la musique traditionnelle et qui fait office de prestataire de service en matière de sonorisation et lumière des concerts sur l'île - il participe à un morceau du disque. Il y a aussi un excellent ingénieur du son, Alexis Paschalis Antoniou, qui travaille avec lui. Il y a enfin un studio. Avec le groupe, on a décidé d'aller enregistrer ce projet là-bas durant une semaine. Ça s'est passé en avril 2015 dans des conditions exceptionnelles. On avait accès au studio en horaire libre, avec un ingénieur du son grec, il y avait la beauté de l'île, au printemps où la nature est très belle, et un sentiment de liberté car il y a beaucoup moins de monde qu'en été... On arrivait au studio vers 11h du matin, on en ressortait pour dîner vers 23h, minuit... C'était un moment très inspirant, quelque chose d'évident et d'inéluctable.

Marc Buronfosse et sa Fender VI à Paros
 (Stavros Niflis)

- Comment ce disque a-t-il été écrit ? Plusieurs morceaux sont signés collectivement par les membres du groupe...
- D'un point de vue musical, c'est un projet assez collectif en effet, il y a cette notion de groupe qui m'est chère. Le projet s'appelle ÆGN, mais j'aimerais bien que ça devienne le nom de groupe. En juillet 2014, pendant le festival à Paros, on a donné un premier concert avec ÆGN qui s'appelait alors Electric Sounds. On y a présenté alors des compositions apportées par les uns et les autres. Puis, en avril 2015, quand on s'est retrouvé dans le studio de Naoussa, on a voulu jouer ces pièces... Or quelque chose n'allait pas, certainement parce que ces musiques avaient été écrites antérieurement à la connexion que nous ressentions alors avec Paros. Par conséquent, on a composé sur le moment, dans une complète immersion. Tout a été écrit, improvisé sur place, pendant ces sessions. On a beaucoup joué. On a conservé un seul morceau prévu initialement, "Anicca", composé par le trompettiste Andreas Polyzogopoulos. Au risque de paraître ésotérique, je suis persuadé que tout ce travail est dû à une inspiration qu'on ne peut retrouver que sur cette île.

- Si le disque est le résultat d'un travail collectif d'improvisation, aviez-vous néanmoins fixé des lignes de conduite, un fil conducteur, en dehors du recours aux effets électroniques ?
- Tout s'est fait à partir de réflexions exclusivement musicales, dans le contexte de Paros qui a complètement alimenté notre imaginaire. On a décidé par exemple de placer la batterie comme élément central du disque. Les patterns (motifs, ndlr), les grooves de batterie forment le noyau de la plupart des morceaux. Dans le disque, la batterie est mixée en conséquence. Marc-Antoine Perrio, le guitariste, crée des nappes sonores. Et la trompette, mélodiquement, se place "au-dessus", si je peux dire. En ce qui me concerne, la Fender VI me permet de jouer des accords, et pas seulement une ligne de basse. En plus de son côté atmosphérique, la musique a une certaine densité. Le disque renferme beaucoup de petits événements qui se découvrent au fur et à mesure, au fil des écoutes. Ce n'est pas un album qui se dévoile immédiatement...


Marc Buronfosse "ÆGN" en concert
Samedi 3 septembre 2016, 21H, au Studio de l'Ermitage (dans le cadre de Jazz à La Villette)
Marc Buronfosse : basse Fender VI et électronique
Andreas Polyzogopoulos : trompette et électronique
Marc-Antoine Perrio : guitare et électronique
Stéphane Tsapis : claviers & électronique
Arnaud Biscay : batterie et voix

> L'agenda-concert de Marc Buronfosse

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