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Du "Club Dorothée" au Bernard Minet Metal Band... Comment l'ancien batteur des Musclés s'est mis au hard rock

Dans son nouvel album, Bernard Minet reprend les génériques de dessins animés qui ont fait son succès avec des guitares saturées.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié
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Bernard Minet, sur scène, à Bruxelles (Belgique), le 10 février 2018. (JEAN-MARC QUINET / BELGA MAG / AFP)

"Mais il n'avait pas fait Bioman en hard rock ? C'était vachement bien !" Avec son sourire et sa moue joviale qui rayonnent à travers le téléphone, Bernard Minet raconte à franceinfo la remarque d'un responsable de la maison de disques Universal qui a permis la sortie, vendredi 14 février, de son nouvel album. L'ancien batteur des Musclés – le groupe qui accompagnait Dorothée dans les années 1990 – se prête avec plaisir au jeu de la tournée promotionnelle pour soutenir son nouvel opus et son nouveau groupe : le Bernard Minet Metal Band.

Son album est un recueil de reprises de génériques de dessins animés avec... des arrangements hard rock. Au programme, des titres emblématiques comme Bioman, Goldorak, Les Chevaliers du ZodiaqueDenver, le dernier dinosaureOlive et Tom ou encore Conan l'aventurier. Des chansons qui ont bercé toute une génération d'enfants entre 1987 et 1997. Surtout, nombre de ces dessins animés étaient diffusés dans le "Club Dorothée", émission culte de TF1. Bernard Minet, lui, s'était illustré à l'époque en interprétant les versions françaises des titres d'ouverture de plusieurs de ces dessins animés.

Artiste de variété, Bernard Minet rappelle avoir fait ses armes, dès l'adolescence, dans le rock. "A 15 ans, j'ai fait plusieurs tremplins au Golf Drouot et un jour, j'ai intégré Magpye, un groupe d'Angers de heavy rock", rappelle-t-il dans un communiqué. A franceinfo, le natif de Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) indique que le groupe américain Metallica, et plus particulièrement leur fameux Black Album, a été sa référence pour le son de son nouvel opus. "Pour moi, c'est vraiment le groupe qui a trouvé l'efficacité", raconte-t-il.

Un son proche du générique de "Saint Seiya"

Mais le rendu final du disque est loin d'être metal. Le son manque d'épaisseur, de lourdeur et de hargne. Toutes les voix sont en chant en clair, comme dans les versions initiales. Rien n'est crié ou chanté de façon gutturale. En résumé, l'ensemble sonne plus hard rock que metal, comme l'a constaté franceinfo à l'écoute du disque, et comme le montre le clip de la nouvelle mouture du générique des Chevaliers du Zodiaque. Au fond, l'esthétique générale fait inévitablement penser à Saint Seiya, la version originale des Chevaliers du Zodiaque.

"Bernard connaît les groupes de hard rock classiques... Mais le metal de 2020, je ne pense pas qu'il le connaisse. Nous, on est là pour le guider. C'est là que l'on intervient", commente Chris, l'un des guitaristes du groupe de hardcore cannois Heart Attack, qui forme le Bernard Minet Metal Band.

La différence entre hard rock et metal, je ne la vois pas.

Bernard Minet

à franceinfo

"Pour moi, elle est infime", concède volontiers Bernard Minet, qui a décroché en 1974 le premier prix de percussions du Conservatoire national. Le musicien, qui a joué une cinquantaine de fois à Bercy, reconnaît avoir volontairement tranché en faveur d'"un disque accessible à tout le monde". Il souligne au passage son incapacité à produire un chant crié et son choix de rester fidèle à son image : "J'ai la chance d'avoir une signature vocale, je n'allais pas la cacher."

Perruques et pédales de distorsion

En réalité, la formule qui mêle génériques de dessins et guitares saturées n'est pas nouvelle pour Bernard Minet : il l'a expérimentée avec un groupe qui se faisait appeler les Cowboys de l'enfer (un clin d'œil à l'album Cowboys from Hell du groupe américain Pantera). Tout est parti, en 2004, d'un collectif de musiciens (plutôt des amateurs de musiques saturées) de Colmar (Haut-Rhin) qui organisait des concerts et des festivals. "On avait une bande de potes pour faire de la musique, pour se marrer. Un soir, on délirait, on divaguait un peu et on se met à écrire sur un paperboard nos idées", raconte Jérôme, 38 ans, guitariste des Cowboys de l'enfer, qui a grandi avec les génériques chantés par Bernard Minet.

Les musiciens se mettent au travail en se disant que l'ancien des Musclés "ne se prenait pas trop au sérieux, mais faisait les choses sérieusement". Ils enregistrent une de leurs répétitions et l'envoyent à Bernard Minet, qui les rappelle quelques jours plus tard, enthousiaste. "Nous, on voulait absolument garder les perruques, les déguisements, vraiment la jouer comme dans Spinal Tap [un faux documentaire mettant en scène un groupe de hard rock parodique], se souvient Jérôme. Bernard avait une vision très claire et très cadrée de ce qu'il voulait. Il était intransigeant sur les aspects techniques : le mixage de sa voix, l'harmonisation sur les guitares."

Une tournée et puis adieu

Après de nombreux échanges et plusieurs répétitions, ils finissent par se produire ensemble une première fois sur scène, le 17 septembre 2004, à Colmar, lors d'un festival organisé par les Cowboys de l'enfer et leur entourage.

La première date a été un vrai succès. A la fin du set, Bernard nous a dit : 'On ne peut pas faire qu'une seule date.' Et on en a fait une petite dizaine.

Jérôme, des Cowboys de l'enfer

à franceinfo

La tournée des Cowboys de l'enfer passe notamment par la capitale, en 2005. "L'ambiance était tout simplement énorme : slams, pogos, fans qui montent sur scène embrasser Bernard Minet, et public qui chante à l'unisson", rapportait le site spécialisé Eklektik-Rock à l'époque.

Si Bernard Minet garde de "bons contacts" avec son groupe éphémère, l'expérience s'arrête après une dizaine de concerts. "Economiquement, ce n'était pas possible : on était trop nombreux, ça coûtait trop cher. Et je n'avais pas de tourneur", explique l'ancien batteur des Musclés.

Un retour au metal orchestré par Universal

Bernard Minet reprend alors ses "shows traditionnels", c'est-à-dire des galas lors desquels il chante les génériques des dessins animés qui ont fait son succès avec une orchestration classique pré-enregistrée. Un exercice qu'il assume pleinement et qu'il apprécie. Surtout, il se cantonne à la scène.

Pendant vingt ans, je n'ai rien enregistré. Je n'ai rien voulu faire en studio.

Bernard Minet

à franceinfo

"Mais en 2017, pour les vingt ans de la fin du 'Club Dorothée', pour les fans, je me suis dit que je pourrais enregistrer des chansons à la sauce country. Je fais quatre ou cinq chansons comme ça, et trois chansons jazzy en formation basse-batterie-piano parce que c'est que je chantonnais en voiture." Il enregistre sous cette formule les génériques de Capitaine Flam, des Chevaliers du Zodiaque et de Bioman.

Il les propose alors à Mediawan [le fonds créé par Matthieu Pigasse, Xavier Niel et Pierre-Antoine Capton] en 2018, lorsque le groupe souhaite sortir une compilation (en trois CD) de Bernard Minet. Mediawan cherche à exploiter au maximum son catalogue après avoir commercialisé une compilation de Dorothée puis de Hélène Rollès. Le groupe accepte les versions jazzy de Bernard Minet, mais Universal l'encourage à reprendre la formule expérimentée avec les Cowboys de l'enfer.

C'est ainsi que le projet de génériques avec guitares acérées et un gros son ressuscite. Bernard Minet n'abandonne pas pour autant son intention initiale. Il est question, pendant un temps, assure-t-il, de sortir un double album : l'un jazz, l'autre metal. Il finit par renoncer au premier pour ne pas "pénaliser" les deux versants.

Bonne humeur et public à l'unisson

Sous l'impulsion d'Universal, le batteur qui a accompagné, entre autres, Charles Aznavour et Nicole Croisille se retrouve sur les rails pour le Bernard Minet Metal Band. Afin de défendre les nouvelles versions en live, Bernard Minet cherche des musiciens. "Notre tourneur nous met en relation. Pour la tournée, Bernard voulait des musiciens qui ont déjà l'habitude de jouer ensemble, il voulait une cohérence musicale et scénique, un groupe qui soit établi", précise Chris, du groupe Heart Attack. Il se trouve que la formation dont il fait partie existe depuis 2007. "On a réfléchi un petit moment, pas longtemps, et on s'est dit qu'il n'y avait que du positif à en tirer", retrace le guitariste âgé de 36 ans, soulignant que son premier 45-tours était celui du générique de Bioman.

Le premier concert du Bernard Minet Metal Band, à Limoges (Haute-Vienne) le 21 décembre, a quelque peu déçu en termes de vigueur, selon Stéphane, l'un des organisateurs de l'événement. "C'était bien moins puissant que les artistes avant et après", confie-t-il à franceinfo. Mais la bonne humeur était de la partie, nuance aussitôt ce responsable de festival.

Bernard Minet était visiblement heureux d'être là. (...) C'était un moment fun avec un artiste généreux et chaleureux, sans prise de tête.

Stéphane, organisateur de festival

à franceinfo

Et de commenter : "Le public qui adhérait au concept était heureux de voir le chanteur de génériques de leur enfance et chantait les paroles à tue-tête." Pour Chris, de Heart Attack, ou encore Jérôme, des Cowboys de l'enfer, la sincérité de Bernard Minet ne fait aucun doute. "Ce qui est fou, c'est la connexion qu'il a avec le public, les gens l'adorent. On sent une affection réciproque", rapporte Chris.

Interrogé sur la sortie d'éventuels titres originaux, composés et écrits par ses soins, (et donc hors du registre metal), Bernard Minet tranche sans langue de bois : "Ça ne sert strictement à rien, tout le monde s'en fout ! On n'est pas là pour perdre son temps. Et il y a une forte demande de ces génériques-là, de cette nostalgie-là." 

Avec le succès grandissant de groupes metal dans le registre décalé et comique, comme Ultra Vomit, Bernard Minet risque de prolonger longtemps son aventure sur les scènes de rock saturé. En promotion dans les Hauts-de-France, le 4 février, il explique avoir réalisé quatre plateaux de télévision en direct dans la même journée : "Ça ne m'était jamais arrivé !", s'étonne celui qui est dans le métier depuis une cinquantaine d'années.

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