Victoires de la musique classique 2024 : la consécration pour le pianiste Alexandre Kantorow et le ténor Benjamin Bernheim, et des Révélations 100% féminines
La soirée, retransmise en direct jeudi 29 février depuis l'opéra Berlioz Corum de Montpellier, s'est achevée sur le visage rayonnant de Salomé Gasselin, émue et heureuse de partager sa passion pour la viole de gambe en recevant des mains d'un autre "baroqueux", Philippe Jaroussky, sa Victoire dans la catégorie Révélation soliste instrumental.
La cérémonie, accompagnée par l'Orchestre national Montpellier Occitanie, dirigé par l'Italien Michele Spotti, avait été ouverte par la bonne humeur et le ton enlevé de La Danza de Rossini portée par le ténor que l'on s'arrache, le Samoan Pene Pati.
Le compositeur Rossini d'ailleurs auquel on a rendu hommage tout au long de la soirée, comme à son compatriote Puccini : le premier, né un 29 février (1792), et le deuxième, mort il y a cent ans, en 1924.
Une séquence très applaudie a été l'interprétation puissante et émouvante de l'air "Vissi d'arte" de Tosca de Puccini, par la soprano américaine Rachel Willis Sorensen.
Hymne de paix
La soirée a également été fortement marquée par les notes du 1er mouvement du Concerto n°2 de Rachmaninov jouées avec force symbole par la pianiste ukrainienne Anna Fedorova, signe que la guerre en Ukraine reste dans tous les esprits deux ans après le début de l'invasion russe.
Un hommage a aussi été rendu aux musiciens et chefs d'orchestre qui ont "œuvré pour la paix", tels Yehudi Menuhin, Mstislav Rostropovitch, Pablo Casals ou Daniel Barenboim, a souligné le maître de cérémonie, Stéphane Bern, avant que le Chant des oiseaux, vibrant hymne de paix de Pablo Casals, soit entonné par Sheku Kanneh-Mason. Le jeune violoncelliste star de la nouvelle génération de musiciens outre-Manche a offert avec l'orchestre un moment de grande émotion.
Un autre grand hommage a été donné, sur les notes du Requiem de Fauré, aux musiciens disparus cette année, et notamment la compositrice finlandaise Kaija Saariaho, le pianiste israélien Menahem Pressler et le chef d'orchestre japonais Seiji Ozawa, mort très récemment, figure de première importance dans la transmission de la musique française.
Le triomphe de Kantorow et Bernheim
Lauréat de la prestigieuse Victoire Soliste instrumental, Alexandre Kantorow, 26 ans, était entré dans l'histoire en devenant, en 2019, à l'âge de 22 ans, le premier lauréat français du Grand Prix de piano au Concours Tchaïkovski à Moscou, l'un des plus prestigieux au monde. Fils unique du chef d'orchestre Jean-Jacques Kantorow et de la violoniste anglaise Kathryn Dean, il joue à la fois en musique de chambre et dans d'illustres institutions telles que le Berliner Philharmoniker, au Carnegie Hall ou avec l'Orchestre de Paris, sous la direction de grands chefs d'orchestre tels que Sir John Eliot Gardiner, Jaap van Zweden ou Klaus Mäkelä. En 2020, il avait déjà été doublement sacré aux Victoires de la musique classique, dans deux catégories : Soliste instrumental et Enregistrement.
De son côté, le ténor franco-suisse Benjamin Bernheim, 38 ans, a remporté le titre d'Artiste lyrique, une récompense qu'il avait déjà obtenue en 2020, ex æquo avec Karine Deshayes. Star sur le tard, il a plusieurs fois voulu jeter l'éponge. "Je me suis longtemps battu contre ma voix", racontait-il il y a quatre ans. "Elle se fatiguait beaucoup, très vite". Pour autant, les critiques louent son timbre "étincelant" et des aigus d'une "puissance qui cloue l'auditeur au fauteuil". Certains le comparent au grand ténor Roberto Alagna, son modèle, en raison notamment de l'excellente diction du français. L'artiste est invité régulier des plus grandes maisons d'opéra européennes, où il interprète les rôles du répertoire romantique. Il vient d'incarner le rôle titre dans les Contes d'Hoffmann à l'Opéra national de Paris.
Révélations au féminin
La Victoire Révélation-artiste lyrique a été attribuée à la mezzo-soprano d'à peine 24 ans Juliette Mey, qui s'était illustrée un peu plus tôt dans l'air grâcieux "Non più mesta" de La Cenerentola de Rossini. Toujours côté révélations, le trophée Chef(fe) d'orchestre"est revenu à une musicienne déjà expérimentée, Marie Jacquot, bientôt première femme à diriger le prestigieux orchestre de la radio de Cologne.
La compositrice Florentine Mulsant reçoit des mains de l'acteur Raphaël Personnaz, qui incarne Maurice Ravel dans le film Boléro d'Anne Fontaine (en salles le 6 mars), la Victoire Compositeur pour Le Chant du soleil, sonate pour piano à quatre mains. Enfin, le trophée Enregistrement est revenu à titre posthume au pianiste Nicholas Angelich, né en 1970, pour le coffret de sept CD Hommage publié par Erato deux ans après sa mort, en 2022.
Liste complète des Victoires de la musique classique 2024
Victoire Soliste instrumental : Alexandre Kantorow, piano
Victoire Artiste lyrique : Benjamin Bernheim, ténor
Victoire Compositeur : Florentine Mulsant - Le Chant du soleil, sonate pour piano à quatre mains
Victoire Enregistrements : Nicholas Angelich : hommage - Nicholas Angelich, Quatuor Ébène, Martha Argerich, Myung-Whun Chung, Orchestre philharmonique de Radio France, Orchestre national du Capitole de Toulouse, Tugan Sokhiev - Erato
Victoire Révélation-soliste instrumental : Salomé Gasselin, viole de gambe
Victoire Révélation-artiste lyrique : Juliette Mey, mezzo-soprano
Victoire Révélation-chef d’orchestre : Marie Jacquot
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