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Reportage Festival de Saint-Denis 2023 : la "Pasión Argentina" de Leonardo García Alarcón à hauteur de basilique

À l'occasion du Festival de Saint-Denis, la dernière demeure des rois de France accueille la "Pasión Argentina", première composition du chef baroque Leonardo García Alarcón. Franceinfo vous embarque dans les coulisses d'un spectacle qui fait vibrer la vieille cathédrale.
Article rédigé par Rudy Degardin
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
De gauche à droite, Valerio Contaldo (Judas) et le chœur de chambre de Namur entourent Andreas Wolf (Jesus) sous le regard du chef Leonardo García Alarcón. (Festival de Saint-Denis/Edouard Brane)

Sur scène, le Christ agonise, un technicien s'agite, et Judas, en basket, reste silencieux. Au pied de la nef de la basilique Saint-Denis, se prépare la Pasión Argentina (ou Passione di Gesù) de Leonardo García Alarcón. Pour sa première composition, le chef argentin s'inspire de Borgès et de l'Évangile de Judas, un texte apocryphe retrouvé en 1976 et présentant celui qui trahit le Christ comme l'élu chargé de libérer son maître de son enveloppe humaine. Retour sur une journée au Festival de Saint-Denis.

Le bandonéoniste Wiliam Sabatier au Festival de Saint-Denis. (Festival de Saint-Denis/Edouard Brane)

Véritable écrin, la basilique vibre déjà lors des derniers raccords au son du bandonéon (de Wiliam Sabatier), mais aussi par des sonorités plus jazz, rock et baroques. Au fond, l'ensemble Cappella Mediterranea. Non loin, le célèbre chœur de chambre de Namur, suivi du chœur composé de jeunes en résidence au Conservatoire à rayonnement régional d'Aubervilliers. On chante en italien, on s'explique en espagnol, en français, en anglais. La dernière demeure des rois de France n'a jamais été aussi vivante.

Leonardo García Alarcón explique avoir ajusté sa composition pour le monument gothique. "Il y a toute cette acoustique de l’abbatiale qu'on n'a pas l'habitude d'utiliser, et qui est absolument extraordinaire.", s'émerveille-t-il. Mais il confie néanmoins en aparté : "Il y a toujours quelqu'un qui parle, quelqu'un qui marche, quelqu'un qui travaille. Le silence est indispensable, mais il n'arrive que lorsque le public est là. Finalement, vous ne découvrez l'instrument qu'est la cathédrale seulement au moment où le concert commence".

"Pasión Argentina", première composition du chef baroque Leonardo García Alarcón, au festival de Saint-Denis 2023. (Festival de Saint-Denis/Edouard Brane)

Les derniers raccords terminés, il prodigue quelques conseils aux jeunes qui l'accompagne et précise :"S'il y a votre tante dans le public, s'il vous plaît, ne la regardez pas", avant de confier à franceinfo "C'est la première fois qu'ils sont à l'intérieur d'un grand chœur soliste. Pour moi, c'est formidable d'observer leur émotion. Il y a beaucoup de carrières de musicien qui commencent à cet âge-là."

"Un lieu qui vous purifie"

La lumière disparaît peu à peu derrière les vitraux XIXe. Le public s'installe. Alors semblant surgir de la pierre, arrivent les chœurs de tous les côtés pour rejoindre la nef dans une longue procession musicale. Avec virtuosité, la metteuse en scène Anaïs de Courson s'appuie sur tous les espaces de la basilique pour donner aux spectateurs un sentiment d'infini.

Dans ce spectacle de plus deux heures, entrecoupé d'une pause, Judas (le ténor Valerio Contaldo) restera longtemps silencieux avant de subjuguer le public aux côtés de Jésus (le baryton Andreas Wolf). Les personnages féminins occupent une grande place : une touchante Marie-Madeleine (Mariana Florès) qui chante son désespoir aux côtés des éblouissantes Sophie Junker (Marie) et Julie Roset (l'ange).

Sophie Junker (Marie) entourée des apôtres dont Victor Sicard (Pierre) dans la basilique Saint-Denis. (Festival de Saint-Denis/Edouard Brane)

L'orgue (de Quentin Guérillot) rythme aussi la dramaturgie. "La cathédrale est un instrument de musique - en somme - et les grandes orgues sont ses cordes vocales, assure l'organiste. Je suis toujours impressionné par la qualité de l'acoustique. J'entends très clairement l'orchestre qui joue en bas. Et mon rôle est de veiller sur mes collègues musiciens en leur inspirant parfois terreur, parfois paix, parfois puissance, parfois retenue ou gravité". Leonardo García Alarcón partage cette même joie de jouer dans un tel monument :"C'est un lieu qui vous purifie. C'est un des premiers édifices gothiques. Il a été comme un rêve vers le ciel. Une utopie de la terre vers le ciel, même. Et tout cela est présent au moment de cette composition. D'ailleurs, la musique, d'une certaine façon, va au-delà des pierres, au-delà de tous les arts. Elle commence au moment où nous n'avons plus de mots".

Festival de Saint-Denis - du 2 juin au 27 juin 2023 - Basilique de Saint-Denis / Maison d’éducation de la Légion d’honneur.

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