La Comédie-Française présente "Art majeur" : des chansons et des tonnes de souvenirs

Elles nous rappellent des histoires d'amour, d'enfance ou de solitude. Elles, ce sont les chansons. De Christophe à Biolay, de Barbara à Manset, leurs mélodies et paroles résonnent et les souvenirs surgissent. Foin de polémique, la chanson serait donc bien un Art majeur.
Article rédigé par Christophe Airaud
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Art Majeur ou la chanson française racontée par la Comédie Française au Studio-Théâtre (VINCENT PONTET)

Sur la scène du Studio de la Comédie française, jusqu'au 5 mai, Art Majeur, durant une heure et quelques suivant les soirs, nous plonge dans le répertoire de la chanson française. Après La ballade de Souchon mise en scène par Françoise Gillard et l'évocation de Gainsbourg avec Les Serges de Stéphane Varupenne et Sébastien Pouderoux, la troupe continue avec ces cabarets à défricher ce répertoire musical et populaire.

Le spectacle débute avec cet historique face-à-face Serge Gainsbourg et Guy Béart dans l'émission Apostrophes du 26 décembre 1986. Gainsbourg martèle son affectueux dédain envers la chanson : "c'est un art mineur ! Les arts majeurs ce sont l'architecture, la littérature, la musique classique, la peinture...".  

Béart n'aura pas le dernier mot face au juge des élégances. Mais le plus poète des auteurs de chanson, Gainsbarre, sera contredit près de 40 ans plus tard par la Comédie-Française, la chanson française, parole et musique est bien un art majeur.

Brel, Barbara, Christophe, Manset, Higelin, Hardy, Bashung ou les Rita, entre autres, ils seront 20 dont les chansons, tubes ou face B de 45 tours rappelleront au public un instant de leur vie. Le propos est simple pour Guillaume Barbot, le metteur en scène : "Une chanson peut-elle changer le cours de notre vie ?".

Une playlist de souvenirs 

Guillaume Barbot résume ainsi son intention dans le programme, ce sera : "De la musique pendant une heure, un album de 60 minutes, avec des pistes musicales, chantées, parlées, et à chaque fois le swing des mots, des voix et des enregistrements." Et une seule et même question pour chaque personnage : "Quelle place tient la chanson dans vos vies ?". Le metteur en scène a commandé quatre textes autour de cette question et ainsi à chaque personnage de répondre en nous racontant sa vie bercée par des mélodies.

Pour la comédienne Véronique Vella, ce sera Barbara à Bobino et sa mère qui l'habille comme pour une grande sortie. Nous sommes en 1961, elle a cinq ans et elles partent vers ce qui est encore un cabaret. L'enfant ne comprend pas tout de cette grande dame, ce flamant noir. Elle s'endort sur le velours rouge du fauteuil et à son réveil, Barbara chante Pierre, cette chanson d'amour où jamais le mot n’est prononcé, et elle aperçoit "le rimmel qui coule sur la joue de maman".

Thierry Hancisse,Veronique Vella, Lea Lopez, Axel Auriant et Pierre-Marie Braye-Weppe au Studio Théatre de la Comédie Française dans Art Majeur (VINCENT PONTET)

Ainsi peut naître une fascination pour celle qui était présentée comme "un vivant poème de Prevert". Et jamais la petite fille de Bobino n'oubliera ces paroles : "Il pleut sur les jardins alanguis. Sur les roses de la nuit. Il pleut des larmes de pluie". Ensuite, le son de l'averse ou d'une tempête sur une véranda résonnera comme une mélodie.

20 ans plus tard, l'enfant a grandi, la femme a aimé follement, aussi été larguée par son homme, et elle retrouve Barbara, en solitaire. Pour qui a vécu les concerts de Pantin, quand Véronique Vella raconte les 20, 25, 30 minutes d'applaudissements frénétiques de fin de concert, le spectateur entend le cœur battant des admirateurs de Barbara.

"Une chanson, c'est si bête et pourtant"

Pour Thierry Hancisse, dont le jeu, la silhouette et la voix rappellent le chanteur belge Arno ou Hubert-Félix Thiéfaine, ce sera la sentence : "une chanson, c'est si bête et pourtant", cela arrache une larme à n'importe quel rockeur au cœur de pierre.  Sans scrupule, il déroule la chanson d'Higelin. "Je ne peux plus dire je t'aime" et avoue cette pensée : "le genre de tristesse qui nous fait déborder des yeux nos restes de joies". Sûrement un type abandonné.

Ainsi va la play list racontant des pans de notre vie. Pour Léa Lopez, enfant, elle qui se dandine face à la glace se révant chanteuse sur Télephone ou Trust sera punk quand elle sera grande. Ou danseuse classique. Et à la fin, c'est la mélancolie qui gagne comme toujours, autour du piano, la troupe est réunie comme les copains d'abord sur un Nino Ferrer : Le sud... Le temps dure longtemps, et la vie sûrement, plus d’un million d’années et toujours en été.

La Comédie-Française s'empare donc régulièrement de cet art populaire que sont les chansons. Une spécificité française, cette variété qui de génération en génération, de l'autoradio sur la route des vacances aux soirées karaoké en passant pas les chansons échangées entre amoureux, fabrique l'imaginaire collectif. Sur scène, ils inventent un récital qui ressemble à un juke-box de souvenirs et d'images. Prêt à remettre une pièce pour réécouter un bon vieux rock and roll en leur compagnie. 

Affiche du spectacle Art Majeur de la Comédie Francaise (DR)

ART MAJEUR
De Pauline Delabroy-Allard,
Emmanuelle Fournier-Lorentz, Simon Johannin
Et Gilles Leroy
Mise en scène
Guillaume Barbot
Du 21 mars au 5 mai 2024
Durée 1h20 au Studio de la Comédie Française

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