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Interview Ramon Pipin sort un nouvel album, "Qu'est-ce que c'est beau" : "Je suis un ironiste"

Humoriste, auteur, musicien, arrangeur, compositeur de bandes originales de films, Ramon Pipin est tout ça à la fois. L'ancien membre fondateur des groupes "Au bonheur des dames", puis de "Odeurs", revient aujourd'hui avec un nouvel album solo, "Qu'est-ce que c'est beau". Celui qui a quelque chose d'un Zappa à la française a répondu à nos questions.
Article rédigé par Jean-François Convert
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
  (Jacques Volcouve)

Si le "journal at homique" ou les inénarrables "Excellents" affichent son penchant humoristique, Ramon Pipin nous prouve son attachement à la musique avec son dernier album "Qu'est-ce que c'est beau" (présenté en bas de page). Entretien.

Culturebox : Ce mélange d'humour et de musique, ça a toujours été une envie ?
Ramon Pipin : Oui, dèjà dans Au bonheur des dames on déconnait, même si j'ai eu un autre groupe avant [IO, groupe de rock progressif  - NDLR].Et par la suite j'ai toujours aimé mettre de l'humour dans mes textes. C'est un besoin de rire pour contrecarrer le desespoir ambiant.

D'ailleurs l'album "Qu'est-ce que c'est beau" se termine sur une note farfelue avec "Pyongyang", alors que le magnifique "Stairway to eleven" aurait pu clore de façon magistrale. C'était voulu ?
Oui parce qu'avec "Stairway to eleven" ça finissait sur une note un peu trop grave. Le texte m'a été inspiré par un film américain sur l'ascension sociale symbolisée par le fait de gravir les étages au boulot. C'était plombant. Alors j'ai rajouté ce morceau "Pyongyang", qui vient d'une pub ou d'une promo voyage à la télé, un truc comme ça, parce que j'espère que malgré le contexte actuel, on continuera toujours à se marrer.

Vous avez un côté touche-à-tout avec la chanson, le web, les sketches...
Oui mais je ne vais pas me lancer dans un one man show. Il y a des humoristes qui font aussi de la chanson, mais moi j'accorde une importance particulière à la musique.

L'album est d'ailleurs superbement arrangé avec des très belles harmonies vocales, des parties instrumentales léchées. Comment travaillez-vous ?
J'enregistre des maquettes très finalisées, très écrites. Comme je ne dispose pas d'autant de temps que Polnareff en studio, on doit faire vite avec les musiciens, et malheureusement, on n'a pas trop de place pour l'improvisation. J'ai joué un seul solo de guitare, celui sur "Viandox". En revanche je fais quasiment tous les choeurs, à part quelques exceptions. Je voulais ce son des classiques de la pop et du rock, qu'on entende des références.

C'est effectivement le cas. Chaque morceau rappelle des grands noms : on pense à XTC, Bowie, Queen, Steely Dan...
J'ai baigné là-dedans. Tu parles quand-même à quelqu'un qui a vu trois fois Hendrix sur scène ! Et aussi les Stones avec Brian Jones, Led Zep et compagnie... Dans "Anecdote", quand je cite plusieurs évenements phares de l'histoire du rock, ce ne sont pas juste des évocations, j'ai réellement vécu cette période !

Il a un côté un peu plus pop cet album, non ?
Bon, il y a quand même "Viandox" qui est bien rock. Mais effectivement les autres morceaux le sont peut-être un peu moins, je ne sais pas. Ce n'était pas conscient. L'inspiration ça vient comme ça. Mais c'est sûr que la mélodie est toujours très importante pour moi.
Est-ce que vous qualifieriez vos textes de cyniques ?
Je dirais plutôt que je suis un ironiste. La définition me correspond bien : écrire des textes pour exprimer l'inverse de ce qu'ils disent.

Au-delà des textes décalés, on ressent dans la musique une certaine nostalgie, et même un peu de tendresse
Oui, c'est un peu ce que tout le monde me dit. Mais tu ne vas pas me dire qu'avec "L'homme du Picardie" je verse dans la tendresse ! [Rires] Je ne sais pas, peut-être que j'étais dans une passe un petit peu nostalgique.
  (Thierry Wakx)
Vous jouez au Café de la danse les 16 et 17 février. Est-ce qu'une tournée est prévue ?
C'est difficile, parce que sur scène on sera 15 musiciens : des cuivres, des claviers, des choeurs... Et partir en tournée avec une telle formation, ce n'est pas possible, ça coûterait trop cher. Pour l'instant je n'ai pas de proposition pour réarranger les morceaux avec un combo de 4-5 musiciens, mais bon tout espoir n'est pas perdu.

Il y aura les "Excellents" en première partie. Ça cartonne sur Facebook (notamment "Billie jean", avec plus de 400 000 vues). Avec votre compère Camille Saféris et parfois des invités, comment faites-vous pour ne pas vous marrer à chaque fois ? Vous faites beaucoup de prises ?
En général, on fait 3-4 prises et ça suffit parce qu'au bout d'un moment ça ne nous fait plus rire. Mais il arrive comme pour "Billie Jean", qu'on ne parvienne pas à faire ce qui était prévu, et du coup la vidéo qui a dépassé les 400 000 vues, et bien ce sont les seules prises qu'on a réussi à sortir, et ça retranscrit bien l'ambiance dans laquelle on enregistre.
Et au Café de la danse, c'est prévu que les musiciens accompagnent les Excellents en première partie ?
A ben non, surtout pas ! Ils jouent trop bien ! Il faut que ça reste comme ça, juste avec les ukulélés.

Et une tournée des Excellents ?
On nous demande de partout ! Et là pour le coup à deux ou trois musiciens, ça couterait pas trop cher ! Mais le problème est que les morceaux font à peine une minute, et puis qu'au bout d'une demi-heure c'est vite chiant ! [Rires]. Faut arriver à trouver un concept pour tenir tout un concert ! 

"Qu'est-ce que c'est beau" : un album décalé mais aussi tout simplement beau

L'humour en musique est un art d'équilibriste : ne pas faire du sketch musical ni de la chanson rigolote simpliste, compliqué. Ramon Pipin aime la musique, c'est une évidence. Il aime le rock, la pop, tous ces artistes de légende dont il s'inspire avec goût. Des harmonies vocales dignes des Beatles ou Queen sur "Les mots de passe", des ambiances new wave à faire pâlir Depeche Mode, des associations classique-pop comme dans "Anecdote" ou le morceau-titre qui évoquent XTC ou Procol Harum, un parfum west-coast à la Steely Dan sur "mon arbre génialogique", un ton plus rock sur "Viandox", des styles maitrisés sur le bout du manche.

Sarcastique, acerbe, potache 

Ces arrangements peaufinés et ces mélodies ciselées accentuent d'autant plus le décalage avec les textes : sarcastique à l'encontre des think-tanks ("Le club"), acerbe à propos d'un parc d'attraction surréaliste ("Polpot park"), carrément potache sur les petits intermèdes "Ma maison" et "La fête aux Emirats", et même un titre en albanais "pour vendre son disque sans prendre de risques", ou comment lancer des piques à l'industrie musicale.

Cet écart entre paroles et musique atteint son paroxysme sur le splendide "Stairway to eleven". Arriver à placer une phrase telle "celui qui pue sous les bras" sur une musique qu'on dirait de Bowie ou Lou Reed témoigne du génie de Ramon : prendre du recul et du détachement tout en accordant une importance capitale à la mélodie et l'harmonie.

Comment ne pas penser à Frank Zappa ?

Avec cette osmose entre bon mots et musiques, esprit critique et mélomanie, caustique et groovy, comment ne pas penser à Frank Zappa. Mais aussi les Monty Python ou Desproges. Une démarche dont s'est inspiré par exemple Vincent Malone : le politiquement incorrect aux références musicales impeccables. "Rire de tout mais pas avec n'importe qui" disait Desproges. En tout cas, avec Ramon Pipin sans hésitation.

La pochette de l'album

L'album "Qu'est-ce que c'est beau" est disponible en commande sur le site officiel de Ramon Pipin, qui sera en concert les 16 et 17 février au Café de la Danse à Paris 11e.

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