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A Milan, des résidents heureux à la Casa Verdi, maison de retraite réservée aux musiciens

Verdi l'appelait "l'oeuvre la plus belle" de sa vie. Près de 120 ans plus tard, sa "maison de retraite pour musiciens" accueille toujours, dans un espace majestueux de Milan, une soixantaine de pensionnaires ayant dédié leur vie à la musique.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Des résidents de la Casa Verdi, maison de retraite pour musiciens, à Milan (13 février 2019)
 (Miguel Medina / AFP)

Le son d'un piano s'échappe dans les couloirs, tandis qu'une chanteuse fait revivre des airs anciens dans la salle principale, entourée de dizaines de pensionnaires. Dans l'élégante Casa Verdi, la musique est à chaque étage.
 
"Ici c'est le paradis. La musique est tout pour moi, et je ne m'attendais pas à trouver un endroit aussi formidable", confie à l'AFP Marisa Terzi, 79 ans, arrivée il y a quatre mois.
 
"C'est tout sauf une maison de retraite ! C'est une maison de villégiature !", rit-elle. "Le temps vole... Le matin, il y a un pianiste, et tout le monde, y compris ceux en fauteuil roulant, viennent écouter. Nous chantons tous ensemble, c'est très beau, et puis il y a des concerts tous les après-midis."

Raimondo Campisi, pianiste à la retraite, à la Casa Verdi, maison de retraite pour musiciens à Milan (13 février 2019)
 (Miguel Medina / AFP)

Permettre aux musiciens indigents de finir leur vie décemment

Marisa, à la longue carrière de chanteuse et de compositrice, est arrivée à la Casa Verdi alors qu'elle n'avait "plus de famille". "Je suis chanceuse car je m'y sens vraiment chez moi."
 
Cette reconnaissance, Bissy Roman, 94 ans, la partage elle aussi : "A un moment, j'ai eu le sentiment d'être seule au monde, je n'avais plus personne, et la Casa Verdi s'est présentée comme la dernière solution : mourir avec la musique dans le coeur et mes compagnons musiciens", souligne cette musicologue d'origine roumaine qui a vécu en Russie, aux Etats-Unis et en France.
 
Déjà très âgé, Giuseppe Verdi décide à la fin du XIXe siècle de créer cette "maison de retraite", dans ce qui est alors encore la campagne milanaise, dans le nord de l'Italie. Objectif : permettre aux musiciens indigents de finir leur vie décemment. Le bâtiment de style néo-classique est dessiné par l'architecte Camillo Boito, frère d'un de ses principaux librettistes.
 
Mais la Casa Verdi n'ouvrira qu'en 1902, après la mort du musicien à 87 ans, ce dernier refusant qu'on puisse le remercier.
Renato Perversi, un violoniste à la retraite, à la Casa Verdi à Milan (13 février 2019)
 (Miguel Medina / AFP)


Ni dette ni soutien public, "un vrai miracle"

Et 117 ans plus tard, elle fonctionne comme au premier jour, sans dette ni soutien public, un "vrai miracle", selon son président Roberto Ruozi.
 
Les pensionnaires versent une contribution mensuelle, calculée en fonction de leurs revenus, mais qui représente moins d'un cinquième du coût réel de leur séjour, "grâce à l'argent généré par le patrimoine que nous possédons", explique Roberto Ruozi.
 
"Verdi a laissé à la Casa Verdi tous ses droits d'auteur, ce qui pendant 60 ans a représenté des sommes non négligeables, qui ont été en partie investies" dans 120 appartements, aujourd'hui loués, rappelle-t-il.
 
La Casa Verdi a aussi bénéficié de donations, comme celle de 6 millions d'euros faite par la fille du chef d'orchestre Arturo Toscanini, qui génère elle aussi des revenus grâce aux placements effectués.
 
"On est logés, nourris, il y a une assistance médicale. On s'occupe de nous merveilleusement et il y a tout : des salles pour travailler le piano, la salle de concert....", souligne Raimondo Campisi, un pianiste de 71 ans arrivé il y a quatre ans à la Casa Verdi, après avoir vécu pendant vingt ans sur un bateau à Beaulieu-sur-Mer, dans le sud de la France, et fait des tournées dans le monde entier.

La Casa Verdi héberge aussi quelques étudiants

L'institution héberge aussi une quinzaine d'étudiants du conservatoire ou de l'académie de la Scala, le célèbre opéra milanais. Une initiative lancée en 1999 afin de permettre un échange entre générations.
 
A l'image des autres étudiants, venus d'Italie, du Japon ou de Corée, Marika Spadafino, une soprano de 30 ans, apprécie ce mélange.
 
"Je parle beaucoup avec les pensionnaires, ils m'écoutent chanter, me donnent des conseils. Ils savent transmettre leur expérience. Pour moi qui viens d'une famille où personne n'est musicien, c'est très important. Et quand les choses ne se passent pas bien, ils savent te consoler et te donner la force pour continuer", souligne la jeune femme originaire des Pouilles (sud de l'Italie).

Des forts caractères

Bien sûr, les affres de la vieillesse peuvent parfois rendre le quotidien difficile. Bissy, la musicologue nonagénaire, souffre de ne plus être aussi libre qu'avant, elle qui a tant voyagé et chéri sa liberté. Mais "c'est la seule chose qui ne me plaît pas". Car "ici, on est vraiment très bien. Je suis très occupée. J'enseigne la musique, le chant, l'opéra et aussi un peu les langues", dit celle qui en parle sept, avant de pousser la chansonnette avec Raimondo.
 
Quand on l'interroge sur d'éventuelles tensions, alors que les musiciens sont réputés pour leur fort caractère, l'élégant pianiste pouffe : "Vous mettez ensemble 60 artistes... oh là là, vous pouvez imaginer !"
 
La maison a une liste d'attente d'une dizaine de personnes, qui attendent qu'un musicien s'éteigne pour prendre sa place. "J'espère y être encore un peu, souligne Marisa, qui savoure chaque journée passée ici. Mais nous savons que nous mourrons tous ici, alors nous sommes prêts."
 

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