Mort de Maryse Condé : "Il y avait son désir d'inscrire la fiction dans l'histoire", salue l'écrivain haïtien Lyonel Trouillot
"C'était pour moi quelqu'un d'extrêmement important, il y avait chez Maryse à la fois de la force et du tremblement", a salué sur franceinfo l'écrivain haïtien Lyonel Trouillot après la mort de Maryse Condé à l'âge de 90 ans.
"La rencontrer c'était être séduit par cette force, cette affirmation de soi et aussi ce tremblement qui lui venait de sa vie, des difficultés qu'elle avait connues. Il y avait donc chez elle une assurance quelque peu tremblante et c'était assez déroutant cet aspect-là de sa personnalité", a détaillé Lyonel Trouillot.
Une certaine singularité
Maryse Condé a écrit "Le cœur à rire et à pleurer. Contes vrais de mon enfance", pour raconter cette enfance dans la Guadeloupe des années 50, la rébellion contre ses parents et surtout son père et ses manies de petit bourgeois en quête de reconnaissance. C'était un moment pour elle d'affirmation de soi-même si on ne retrouve pas d'emblée chez elle, un sentiment de fierté raciale, communautaire. Pour Lyonel Trouillot, "l'une des problématiques de la vie de Maryse [Condé], c'était la construction d'un soi-même par-delà les déterminations historiques et régionales tout en reconnaissant le poids de ces éléments sur la constitution de l'individu" c'est-à-dire, "comment dire 'je' sans être surdéterminé par toutes les conditions historiques dont on est le produit. Il y a beaucoup de ça dans le rapport de Maryse Condé dans le rapport à l'écriture et à la vie", a expliqué l'écrivain.
Maryse Condé "était une des rares voix féminines dans cette littérature de la Caraïbe qui advenait, c'était 'je' dans le 'nous', il y avait son désir d'inscrire la fiction dans l'histoire", a insisté Lyonel Trouillot. L'écrivaine guadeloupéenne "est à la fois dans le courant de la naissance de ces voix caribéennes à elles-mêmes, à l'histoire et à l'épopée de la Caraïbe, mais elle est aussi dans une singularité qui n'est pas réductible à cela et c'est peut-être cela qui a fait un certain isolement de son parcours, une certaine différence", remarque Lyonel Trouillot. Au point où Maryse Condé a toujours regretté de ne pas avoir de son vivant la reconnaissance en Guadeloupe à la hauteur de son talent et de sa renommée internationale.
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