Protéger ses créations, contre la copie et la contrefaçon : les conseils de l'avocate Vanessa Bouchara
La semaine de la haute couture débute et les modèles présentés sur les podiums seront bientôt disponibles à la vente… tout comme les contrefaçons ! Du premier croquis de modèle dessiné sur papier à la présentation au public à l’occasion des défilés prêt-à-porter ou haute couture, la protection est de mise à chaque étape de la réalisation d’une création. Car la contrefaçon nuit au travail, à l'investissement et à la renommée des créateurs.
Maître Vanessa Bouchara, avocate spécialiste des questions de propriété intellectuelle et fondatrice du cabinet Bouchara Avocats, a répondu à nos questions avec grand plaisir : "J'adore les gens qui créent. C'est super d'être proche des créateurs et de pouvoir les accompagner".
Comment protéger ses créations le plus efficacement possible ?
"Le droit d'auteur qui nait de la création peut être prouvé par tous les moyens, sous réserve bien entendu que le modèle créé soit original, qu'il soit protégeable et qu'il porte l'empreinte de la personnalité de son auteur" explique-t-elle, en préambule."Lorsqu'on crée un modèle de vêtement, la question de la protection ne se pose pas tout de suite, l'œuvre est protégée dès sa création. Mais la question qui se pose, c'est comment prouver que l'œuvre a été créée à une date déterminée" insiste-t-elle avant de préciser : "L’œuvre doit également être originale, on ne peut revendiquer des droits d'auteurs que sur les modèles les plus nouveaux, les plus marquants".
Est-ce utile de déposer des dessins et modèles auprès de l’INPI ou de l’EUIPO ?
"Plusieurs moyens existent. Le plus efficace étant le dépôt par devant huissier (constat d'huissier) d'une création, qui est, donc, alors datée. Il est préférable de faire le dépôt de l'ensemble de la collection avant le lancement de la dite collection, c’est-à-dire avant que cette collection soit rendue publique" explique Vanessa Bouchara.Comment déposer, combien ça coûte ?
"Pour déposer un dessin et modèle, il faut que le modèle soit considéré comme nouveau et présente un caractère propre. C'est-à-dire qu'il produit sur l'utilisateur averti une impression visuelle différente par rapport à celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d'enregistrement" explique l'avocate."Cela ne coûte pas très cher, plusieurs centaines d'euros mais un nombre élevé de créations à protéger peut, en réalité, se révéler plus coûteux" explique Yassen Samouilov, un des membres du duo On Aura Tout Vu (avec Livia Stoianova).
"Pour une collection par exemple de bijoux, le coût peut monter rapidement. A l'époque où nous réalisions des collections de boutons, nous avons utilisé l'enveloppe Soleau que propose l'INPI pour les protéger".
Les documents à protéger sont déposés dans cette enveloppe scellée et datée. Après avoir enregistré et perforé l’enveloppe pour la dater, l’INPI retourne l’un des deux compartiments, en recommandé. Il doit être conservé précieusement, sans le décacheter. L’INPI conserve l’autre compartiment dans ses archives pendant une période de 5 ans, renouvelable une fois. Au-delà, elle est détruite.
"C'est pratique pour déposer un ensemble d'œuvres pour un coût raisonnable" rajoute Yassen Samouilov. "En cas de problèmes (contrefaçon par exemple), l'enveloppe est alors ouverte". Le créateur précise encore : "L'envoi d'un courrier recommandé à soi-même permet aussi de dater un document, tout comme la parution presse".
Cette protection est-elle sûre contre les copies et contrefaçons ?
"La protection est sûre si les critères de protection sont remplis" insiste Vanessa Bouchara.En cas de contrefaçon, que faire ?
Les atteintes portées aux droits attachés aux droits d’auteur et/ou dessins et modèles protégés peuvent faire l'objet d'une action en contrefaçon, éventuellement assortie d'une action en concurrence déloyale mais "si le produit copié n'est pas suffisamment original/nouveau, les tribunaux spécialisés ne considèrent pas alors qu'il y a une atteinte" insiste l'avocate. Dès le départ chaque créateur doit se poser la question suivante "Est-ce que mon produit est protégeable ?En cas de contrefaçon, avant d'entamer une procédure judiciaire, il faut faire une saisie des contrefaçons en envoyant un huissier. Puis entamer une action pour faire valoir ses droits. Devant les tribunaux, des juges spécialisés vont apprécier les ressemblances avec les produits contrefaits.
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