Yves Saint Laurent, quand l'art inspire la haute couture : six musées parisiens lui rendent hommage
Le 29 janvier on célèbre les soixante ans du tout premier défilé d'Yves Saint Laurent. Pour l'occasion et jusqu'au 15 mai, six musées parisiens, dont le Louvre et le Centre Pompidou, dévoilent les toiles de Picasso, de Van Gogh ou encore de Mondrian qui ont inspiré le célèbre créateur.
Yves Saint Laurent est le premier couturier à avoir fait dialoguer l'art avec la mode. Du cubisme à la pop culture ou l'impressionnisme, des tableaux célèbres ont guidé pendant plus de soixante ans le travail de ce créateur. "Je crois que le travail du couturier approche beaucoup celui d’un artiste. J’ai d’ailleurs constamment puisé une qualité d’inspiration dans le travail des peintres contemporains : Picasso, Matisse, Mondrian", disait-il.
Comprendre son processus créatif
En 1983, les tenues de Saint Laurent sont entrées au Metropolitan Museum de New York, faisant de lui le premier couturier à être exposé de son vivant dans un musée des beaux-arts. Aujourd'hui le Centre Pompidou, le Musée d’Art Moderne de Paris, le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay, le Musée National Picasso-Paris et le Musée Yves Saint Laurent Paris mettent en exergue le dialogue entre les créations de mode d'Yves Saint Laurent et le monde de l'art.
À l'occasion du 60e anniversaire de son tout premier défilé, le 29 janvier 1962, ces six musées parisiens exposent les oeuvres qui ont inspiré les créations d'Yves Saint Laurent, du 29 janvier au 16 mai. "Ça permet de comprendre son processus créatif, la manière dont il élabore son travail, compose ses vêtements", explique Mouna Mekouar, co-commissaire de l'exposition Yves Saint Laurent aux Musées.
Pour Yves Saint Laurent, les beaux-arts constituaient une source d’inspiration inépuisable, embrassant toutes les cultures à travers l’histoire. Ce dialogue constant était un élément clef de son ingéniosité et de sa créativité sans limites. Curieux et collectionneur, il a emprunté à toutes les époques et a créé tout au long de sa carrière un véritable dialogue avec les arts du passé mais aussi avec ses contemporains.
Ses inspirations, les livres et son cabinet de curiosités
A regarder ses face-à-face fascinants entre les vêtements, robes ou vestes d'YSL et les chefs d'oeuvres exposés dans les différents musées, la première question est celle de l'inpiration. Saint Laurent allait, semble-t-il, peu au musée, mais Aurélie Samuel, Directrice des collections du Musée YSL et fine connaisseuse de l'oeuvre de Monsieur nous donne quelques clés : "Il avait plusieurs sources d’inspiration. D’abord les livres, il a une très belle bibliothèque. Ensuite, avec Pierre Bergé, ils avaient une collection exceptionnelle d’œuvres d’art". Ils vivaient dans un cabinet de curiosité. C'étaient des esthètes, et des collectionneurs raffinés. Leur appartement de la rue de Babylone était un musée.
"Saint Laurent s’inspire de ces artistes, il digère leurs œuvres, c’est une re-création, ce n’est pas une copie", commente Aurélie Samuel. "Au début de son travail, il appréhende les grands maîtres comme Picasso, en les copiant dans des carnets de croquis. Ensuite sur le vêlement, ce n’est pas une reproduction du dessin mais un élément, une couleur, un motif qu’il va se réapproprier".
Mondrian
Ainsi en 1965, il dessine la célèbre robe Mondrian, qui a popularisé le peintre néerlandais, l'un des pionniers de l'abstraction. "C'est quasiment à ce moment-là que la mode change de statut et commence à devenir un art en soi", estime Aurélie Samuel.
Tout commence par un livre sur Piet Mondrian, qui n'était pas très connu à l'époque et que sa mère offre à Saint Laurent. "Il a une sorte de révélation, va dessiner la première robe Mondrian et toute sa création de cette année sera très inspirée par cette géométrie et une forme d'abstraction", que la presse qualifiera de "totalement révolutionnaire", nous dit la directrice des collections du Musée Yves Saint Laurent de Paris.
Retrouver YSL au musée Picasso ou à Beaubourg était donc une évidence. Sa robe en Jersey de laine écrue de 1965, hommage à Piet Mondrian, est rentrée dans la culture pop. Mais retrouver le couturier au musée du Louvre est la belle surprise de ce monumental rendez-vous avec le couturier.
Le Louvre et les inspirations royales
Sous les lambris et dorures de la galerie Apollon conçue par Charles Le Brun pour Louis XIV, la veste Hommage à ma maison du printemps 1990, brodée d’or et de cristal de roche semble datée du siècle du Roi Soleil. Cette veste devait pour Saint Laurent raconter "le reflet du ciel et du soleil dans la glace". Pour atteindre ce rêve, YSL a plongé dans l’histoire de France. Là encore, c'est chez lui, dans son propre intérieur, que son regard se porte. Anne Dion, Conservatrice générale au Département des objets d’Art, revient elle aussi sur les appartements du couple YSL-Bergé.
"YSL avait un cabinet de curiosité et il était intéressé par les camées et les gemmes. Il avait une collection de pierres précieuses. Ces vestes sont comme des parures ou des bijoux. Elles sont dans la tradition du costume de cour qui étaient également brodés des diamants de la couronne, qui pouvaient être ainsi fixés sur les costumes, les justaucorps, les vestes, les robes des souverains français", rajoute-t-elle.
Bonus et merveilleux bijoux de cette exposition temporaire au Louvre : un coeur en strass rouge et blanc, perle et pâte de verre. Cette parure a été réalisée dés 1962 par la maison Scemama. Elle apparaît en 1962 avant de revenir plus systématiquement de 1979 à 2002, dans une nouvelle version.
Le jour du défilé, il était placé par Yves Saint Laurent sur son modèle ou mannequin préféré de la collection. Le passage du "Coeur" était un rituel attendu. Dans sa vitrine, le Coeur semble avoir été déposé là pour un prince ou une reine de France.
YSL et les jardins de Pierre Bonnard
Yves Saint Laurent et les lumières des jardins, ce fût une autre histoire d'amour. Un refuge aussi pour cet homme tourmenté éternellement. Au Jardin Majorelle à Marrakech, il disait : "nous fûmes séduits par cette oasis où les couleurs de Matisse se mêlent à celles de la nature".
Au Musée d'art Moderne de la ville de Paris sur les bords de Seine, ses robes et ses vestes rencontrent Matisse, justement mais aussi le peintre Pierre Bonnard.
Il était donc aussi évident que l'attirance pour les lumières naturelles de Bonnard rencontre le regard d'YSL. Le face-à-face entre le Jardin peint en 1937 par Pierre Bonnard et la robe s'en inspirant est merveilleux de délicatesse et de lumière rayonnante. Le couturier se devait de transformer ce tableau en robe, de lui donner une deuxième vie, "une suite" comme dit Aurélie Samuel, Directrice des collections du musée YSL.
"Saint Laurent s’inspire de ces artistes. Sur le vêtement, ce n’est pas une reproduction du dessin mais un élément, une couleur, un motif qu’il va se réapproprier. C’est une transposition en trois dimensions, cela prolonge la vie du tableau. Avec les broderies et avec les tissus choisis, il retrouve l’empattement de la peinture", dit-elle. Et d'ajouter : "Le choix du tissu est primordial, car une robe elle sera portée, elle va bouger elle va suivre le mouvement, le corps. Elle a une sensualité qu’un tableau n’a pas et surtout elle va capter la lumière."
"Yves Saint Laurent aux musées" (https://museeyslparis.com/), jusqu'au 15 mai 2022, au Louvre, au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, au Musée Picasso, au Musée d'Orsay, au Centre Pompidou et au Musée Yves Saint Laurent.
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