Loi mannequins contre l'anorexie : pourquoi reste-t-elle inappliquée ?
Promulguée il y a un an, en janvier 2016, la loi Santé (appelée communément "loi mannequins") portée par la ministre de la Santé Marisol Touraine comporte deux articles qui visent à encadrer la maigreur des mannequins :
L'article 19 stipule que la mention "photo retouchée" doit être apposée sur les photos à usage commercial lorsque la silhouette du mannequin a été modifiée par un logiciel de traitement d’image.
Quant à l’article 20, il instaure une visite médicale obligatoire avec un médecin du travail qui délivre ou pas un certificat médical. Ce dernier doit attester que l"état de santé du mannequin est compatible avec l’exercice de son métier". Indice de masse corporel mais aussi morphologie, âge, absence de menstruation, habitudes alimentaires... font partie des critères pris en compte.
Des sanctions prévues mais pas d'application
Les sanctions en cas de non-respect, notamment pour les agences de mannequins et les magazines qui emploient les mannequins : 6 mois de prison, et 75.000 euros d’amende."La perspective de cette sanction aura un effet régulateur sur l'ensemble du secteur". Voilà ce que pensait Olivier Véran, neurologue et rapporteur du projet à l’Assemblée nationale. Aujourdhui, il constate avec dépit que la loi n’est toujours pas appliquée.
Et pour cause : les décrets d’application de la loi n’ont toujours pas été publiés au Journal Officiel ! Une lenteur qui arrange bien les milieux de la mode mais qui scandalise certaines mannequins. C'est le cas de Victoire Maçon-Dauxerre. En janvier dernier, elle publiait "Jamais assez maigre - journal d'un top model" (Ed. Les arênes), un livre dans lequel elle racontait comment elle était devenue anorexique pour rentrer dans les canons de la mode, en l'occurence une taille 32 !
Reportage : Reportage : D. Wolfromm / L. de La Mornais / F. Griffond / J-P. Darnaudery / S. Korwin
Où sont les textes ?!
Pour l'heure, les deux textes sont encore dans les "tuyaux" de l'administration. Le ministère de la santé a annoncé que les décrets seront publiés au printemps prochain. L'article 19 est étudié en ce moment par la Commission européenne et doit ensuite revenir au Conseil d’Etat.Quant à l’article 20, le Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) doit rendre son avis sur ce texte avant que les ministères du Travail et de la Santé ne le cosignent.
La France en retard
Pays phare dans le monde de la mode, la France est à la traîne sur ces questions. En 2013 en Israël, une législation est entrée en vigueur pour interdire la présence de mannequins dont l'IMC est inférieur à 18,5 dans les médias israéliens ou dans les défilés. Une mesure qui était souhaitée par Olivier Véran mais qui n'a pas été retenue."Imaginez qu'on décide qu'en-dessous d'un certain IMC, les mannequins ne peuvent pas travailler. Ce serait une catastrophe pour les agences françaises et l'on pourrait considérer qu'il s'agit d'une discrimination à l'embauche", estimait en 2015 Isabelle Saint-Félix, secrétaire générale du syndicat national des agences de mannequins (le Synam, qui regroupe une quarantaine d'agences).
Une discrimination qui s'applique pourtant dans les faits à toutes les jeunes femmes écartées des castings ou des podiums parce que les agences les considèrent comme trop grosses !
Une discrimination qui incite des centaines de jeunes filles à mettre leur santé et leur vie en danger : il faut rappeler qu'entre 30.000 et 40.000 personnes souffrent d’anorexie mentale en France. Dans 90% des cas, ce sont des adolescentes. Il s'agit d'une des pathologies psychiatriques ayant la plus forte mortalité.
Heureusement, certains couturiers osent sortir de ce système. C'est le cas de Jean-Paul Gaultier. A plusieurs reprises, il a fait appel à des mannequins hors des normes habituelles, tant au niveau de leur morphologie que de leur âge, à l'image de la chanteuse de Gossip, Beth Ditto, que le couturier fit défiler pour la première fois sur ses podiums en 2010.
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