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Les sculptures audacieuses de l'artiste modiste Jacques Pinturier

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Se définissant comme artiste, Jacques Pinturier a réinventé le chapeau en façonnant des formes audacieuses, voire excentriques, pour des événements comme le prix de Diane et Ascot… Maestro du chapeau, ce créateur parisien infatigable a réalisé des parures de tête s’apparentant à des sculptures. A découvrir à l'Atelier-Musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon, à partir du 25 avril.

Atelier-Musée du Chapeau

Créateur infatigable, Jacques Pinturier va imaginer des coiffures pleines de fantaisie jusqu’à l’âge de 81 ans. En 2013, il se retire du métier et fait un don important à l’Atelier-Musée du Chapeau. De là, l’idée d’une exposition hommage pour découvrir le parcours créatif de cet artiste des années 1950 à 2013.
 (Atelier-Musée du Chapeau)
80 pièces sont présentées dans cette exposition qui permet de découvrir des pièces dont les matériaux sont inhabituels, détournés de leur destination, comme par exemple : le rhodoïd, la toile de métal rigide employée nue ou gaînée de velours. Ces matières lui ont permis de créer des formes abstraites et uniques, mais confortables et légères.
 (Atelier-Musée du Chapeau)
Créateur atypique, ses chapeaux peuvent paraître à première vue étranges, mais c’est une fois sur la tête qu’ils prennent tout leur sens. Sous la fantaisie élégante et ironique, on décèle l’influence d’Elsa Schiaparelli. C’est un imaginatif débordant. Chez lui la création est une obsession et l’humour souvent à l’honneur. Ses créations demeurant l’exemple même d’un couvre-chef constamment inventif: audace par rapport à l’héritage du passé, innovation sur les matières, liberté des formes, des couleurs, créant des parures de tête poétiques alliant beauté et rigueur. Les matériaux malléables, mais qui ont une certaine tenue, lui permettent de jouer avec la lumière et la transparence.
 (Atelier-Musée du Chapeau)
Jacques Pinturier est né en 1932 à Paris. A 4 ans, il se cache pour observer l’essayage des chapeaux par les clientes de son oncle, Gilbert Orcel. A 10 ans, il dessine des modèles. Ado, il reproduit des sculptures et achète des toiles pour peindre au musée du Louvre. Matisse, Picasso, Braque, Kandinsky sont ses maîtres. Sa famille ne souhaite pas qu’il entame une carrière de modiste car le chapeau est déjà moins en vogue en 1950 mais il n’en tient pas compte. Il montre un modèle de capeline, en dessin, à son oncle. Ce dernier, séduit, intègre Jacques dans l’atelier familial. Jacques Pinturier lance, en 1951, le principe des voilettes en demi-lune et, en 1955, celui des voilettes moulées sur une coiffe. Il prend une part active dans l’élaboration des collections jusqu’en 1963, date à laquelle il quitte la maison Orcel pour entrer, chez Antonio Canovas del Castillo. Le béret trèfle à 4 feuilles, une bombe de chasse en velours noir ou encore un chapeau en organdi blanc et velours noir lui permettent de passer de l’ombre à la lumière.
 (Atelier-Musée du Chapeau)
Il ouvre, en 1968, son atelier à Paris. Il travaille pour une clientèle privée, tout en collaborant aux collections de couturiers tels Jean-Louis Scherrer, Molyneux, Christian Dior, Balenciaga et Schiaparelli. Il se tourne vers la recherche et l’expérimentation de matériaux. Il innove avec le « quatre barres », serre-tête en rhodoïd, premier modèle d’une succession de parures de têtes où se manifeste une correspondance avec l’art moderne. La simplicité de certaines coiffures, ce qui en fait leur force, explique la fidélité d’une clientèle prestigieuse. Dans les années 1980, peu de modistes continuent à faire du sur-mesure avec des modèles exclusifs pour une riche clientèle. Durant cette période, les créateurs cherchent à diversifier leurs activités en créant des sacs, des gants… ou lancent des collections en séries diffusées dans des grands magasins parisiens. Dans l’intimité de son atelier, il crée 100 modèles par an ; quelques-uns seront réalisés en grand nombre d’exemplaires. Admis à la Chambre Syndicale Parisienne en 1968,  il restera le seul modiste inscrit
 (Atelier-Musée du Chapeau)
S’éloignant de la conception traditionnelle du chapeau, il se définit comme un artiste et non comme modiste. Il réinvente des modèles traditionnels, façonne des formes sobres mais audacieuses, voire d’une excentricité contrôlée. Ses chapeaux ont connu la gloire sur les champs de courses d’Ascot ou dans les mariages huppés. Son but est de « créer » la mode et non « l’art de la mode ». Pour lui, cliente et créateur participent ensemble à la vie de cet art de l’éphémère par une initiation réciproque indispensable. Il insiste sur le regard qui contribue au dialogue instauré entre la cliente et le modiste.
 (Atelier-Musée du Chapeau)
Ses formes audacieuses, voire d’une excentricité contrôlée, rencontreront un certain succès lors des manifestations hippiques : premier prix de l’élégance à Longchamp avec le « soleil noir » porté par Madame la Comtesse de Follin, un prix au Village Hermès avec les « poupées japonaises » (1990) et des succès à Chantilly entre 1995 et 2000. Ou encore pour de grands évènements tels les noces de diamant de la comtesse de Paris, grand chapeau bleu et or acheté ensuite par Anémone Giscard d’Estaing au bénéfice de l’oeuvre de l’enfance maltraitée, le mariage de Margarita de Roumanie avec M. Radu Duda, ou auprès de personnes publiques : Yvonne de Gaulle, Madame Kekessy, ambassadrice de Hongrie…
 (Atelier-Musée du Chapeau)
L’Atelier-Musée du Chapeau a ouvert en 2013 sur le site de la Chapellerie, ancienne usine Fléchet réhabilitée, dans cette cité de production du chapeau de feutre de luxe en France au début du XXe siècle. Tourné vers la valorisation des savoir-faire, ce lieu dédié au chapeau, à la mode et au luxe, sert d’écrin aux créations des grandes maisons du luxe français (Nina Ricci, Saint-Laurent Paris, Hermès, Jean-Paul Gaultier, Dior, Givenchy, Lanvin...) mais également des entreprises qui ont fait la renommée de Chazelles-sur-Lyon, capitale internationale du chapeau de feutre de poil.
 (Daniel Ulmer)
L’évolution de la mode après-guerre porte un coup fatal à cette industrie, dont le dernier représentant à Chazelles, et en France, a fermé ses portes en 1997. L’institution est labellisée « Musée de France ».
 (Daniel Ulmer)
Exposition "Monsieur Jacques, Jacques Pinturier, Célèbre modiste parisien" du 25 avril au 4 octobre 2015. Atelier-Musée du Chapeau. La Chapellerie. N°31 rue Martouret. 42140 Chazelles-sur-Lyon. Tous les jours de 14h à 18h. Fermé le lundi. www.museeduchapeau.com
 (Daniel Ulmer)

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