Le styliste Bruno Pieters, adepte de la consommation éthique, dissèque la mode anversoise
Après un congé sabbatique de l’industrie de la mode en 2010, le créateur Belge se demande si la transparence qu'il a observé chez les populations indigènes qui portent des vêtements fabriqués, tissés et cousus à partir de sources identifiables autour d’eux, est applicable à l’échelle internationale. Pour Bruno Pieters, l'avenir de la mode passe par un consommateur conscient des choix éthiques qui peuvent être faits.
Depuis le lancement de votre concept Honest by, avez-vous constaté une évolution chez les autres créateurs ?
"Ce que les autres designers font n’est pas mon business mais je constate qu’il y a un dialogue sur la transparence et la durabilité dans la mode partout dans le mode. Ce qui est nouveau, c'est que ce sujet n’est plus marginal. On doit s'y mettre tous ensemble et agir".
Certains créateurs ont-ils depuis adhéré à cette démarche responsable ?
"Mats Rombaut, un créateur belge de chaussures dont la marque est basée à Paris, est transparent sur sa production. Ses créations sont aussi très responsables (chaussures Vegan 100% production végétale). Amélie Pichard est une autre créatrice que j’admire pour sa façon de travailler (NDLR : elle est en lice pour le prix accessoire de mode Andam 2016). Donc, très lentement mais sûrement il y a une évolution".
Quels sont les freins ?
"Je pense que les créateurs et les entreprises attendent que le consommateur exige de la transparence et une façon plus responsable de faire la mode. Le consommateur, lui, attend que les entreprises changent. Donc, c’est un cercle vicieux. Même si de plus en plus de consommateurs réalisent que les entreprises produisent au final ce que les consommateurs demandent ! Mondialement augmente le nombre des personnes conscientes qui souhaitent un futur meilleur dans la façon de dépenser".
Quels sont les principes que vous vous êtes imposé ?
"D'être honnête, de travailler d'une façon responsable non dommageable pour le futur et d’être très transparent. En fait, ce n’est pas difficile de le faire, si on est fier de ce qu’on fait. Quand on est fier, on veut être transparent et on veut partager avec le consommateur tout ce qui concerne cette production".
La mode est quelle que chose que les gens suivent, pensez-vous que cela peut devenir une tendance ?
"Ce n'est pas créer ou suivre une tendance, c’est plutôt se réveiller face à cette réalité qui menace notre vie. Aujourd’hui, on peut faire notre mieux".
Tendance et conscience ne sont donc pas incompatibles selon vous ?
"La tendance n’est pas un problème. C'est plutôt la manière de produire les vêtements qui constitue la nouvelle tendance. La façon dont l’industrie de la mode travaille est complètement irresponsable. Alors que l'histoire derrière le vêtement dot être aussi belle que celle de son design. Je suis très heureux de constater que de plus en plus de gens reviennent sur cette idée".
Quelles ont été les incidences sur votre vie personnelle ?
"J’ai changé toute ma façon de vivre. Quand j'étais en Inde, j’ai lu la règle de Gandhi "Be the change, you want to see in the world", qui exprime tout pour moi. Si on veut changer les choses on doit commencer par soi-même et c’est ce que j'ai fait et que je fais encore aujourd’hui. Ce n'est pas facile mais quand je le fais, je me sens bien".
Quel est le message de l'exposition "(Behind) the Clothes" ?
"J’espère que cette exposition montrera au public qu’il existe un vaste réseau de gens et d'entreprises derrière les vêtements. Il est, donc, très important de se poser des questions lors d'un achat en magasin ou online et d'exiger de la transparence pour être sûr que le produit acheté soit en accord avec vos propres valeurs. Le consommateur est le moteur le plus important pour changer ce monde et le futur. Prendre conscience de cette réalité fera grandir le monde mais cela ne peut se faire qu'en agissant sur le profit et la richesse".
Que se cache-t-il derrière "Behind The Clothes" ?
Bruno Pieters présente, ici, non seulement des créations éthiques et respectueuses de l'environnement mais ouvre aussi la voie à une politique de transparence vis-à-vis du consommateur. L'exposition s’articule en deux parties : "The Clothes" et "Behind the Clothes".
"The Clothes" se décline trois volets. Dans A Tribute, le créateur présente cinq slogans et créations dédiés à Katharine Hamnett. La créatrice britannique a été la première à utiliser la mode en tant qu’engagement contre les problèmes politiques, environnementaux et philosophiques. Avec Transparency, Bruno Pieters montre la transparence via cinq créations de son label Honest By avec toutes les informations concernant les matériaux et procédés de fabrication utilisés, la fixation des prix et le bénéfice de Honest By. Pour Re-made, il redessine certains de ses plus célèbres manteaux, vestes et jupes avec des matériaux éthiques pour leur apporter un caractère durable.
Dans la deuxième partie de l’exposition, Bruno Pieters emmène -littéralement et au sens figuré- "Behind the Clothes" à travers les portraits de quarante personnalités de l'industrie de la mode anversoise. Tous jouent un rôle dans le processus productif et créatif, depuis les producteurs de matières premières jusqu’aux créateurs de campagnes : les producteurs de lin Belge Etienne Debruyne et Raymond Libeert, Rosalinde Heerkens et Aurélie Callewaert de Trois Quarts -un duo anversois de patronnières. Sous le feu des projecteurs également le photographe Alex Salinas, la make-up artist Gina Van den Bergh, la styliste Ilja de Weerdt et le modèle Anouck Lepère. La bande sonore "Applause" de l’exposition a été produite par le designer sonore anversois Senjan Jansen de SenStudio. Ce dernier collabore également avec les créateurs belges Dries Van Noten, Haider Ackermann et Christian Wijnants.
En congé sabbatique de l’industrie de la mode en 2010
Diplômé de l’Académie d’Anvers en 1999, Bruno Pieters a travaillé pour des maisons de haute couture, dont la Maison Martin Margiela, Josephus Thimister et Christian Lacroix. En juillet 2001, il présente durant la semaine de la haute couture à Paris une collection composée de 12 silhouettes inspirées par un costume new look des années 1950. Il lance sa première collection de prêt-à-porter en 2002. Il obtient le Swiss Textile Award en 2006 et l’Andam Award en 2007. Cette année-là, il est nommé directeur artistique de la ligne directrice Hugo de Hugo Boss.
De retour à Anvers, il travaille sur un concept radicalement nouveau, Honest by, la première société à partager le bénéfice de ses produits. Le mot Honest (honnête) fait référence à la manière dont la société Honest by opère, avec une politique de transparence totale. En communiquant toutes les informations relatives au processus de production des vêtements, Honest by souhaite clarifier toutes les questions relatives au lieu de fabrication et au fabricant.
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