"Le monde magique du corsetier" se délace à Luneville
À l’origine, la mission du corsetier est de sculpter le corps des femmes pour que celles-ci apparaissent sublimées une fois vêtues. Dans les années 1960, le mot lingerie plus romantique et glamour s'impose car le terme de corseterie est devenu obsolète et anachronique. Dans les années 80, les dessous deviennent apparents. Ils sont tout autant un outil de séduction que de maintien.
Un outil de maintien, aujourd'hui de séduction
"Ce qui a précipité la fin de la corsetterie classique, c’est sans conteste l’invention du collant de Nylon. Il a provoqué la disparition de tout ce qui était gaine, combiné porte-jarretelle et guêpière, dont la fonction n'était pas seulement de modeler un joli corps mais également de tendre les bas sur les jambes" indique Poupie Cadolle. Avec les années “YéYé”, la mini-jupe a pris le pouvoir. La lingerie ne se cache plus, elle devient un partenaire incontournable de la mode. "J’ai commencé à m’impliquer chez Cadolle en 1972 et j’en suis devenue la dirigeante en 1978" expllque-t-elle avant d'ajouter : "Mais, le monde, les femmes, aussi ont changé. Il n’était plus hyper féminin. Et progressivement, on a commencé à être la maison rare, celle qui fait encore certaines pièces".
Ce métier lui permet de répondre à des demandes diverses touchant les costumes de théâtre, le prêt-à-porter avec des décolletés vertigineux, le maintien du dos et le gommage des disgracieux bourrelets. Poupie Cadolle adore participer à la création de silhouette ou de lingerie avec des costumières françaises, internationales. Elle est souvent la partenaire des grands couturiers qui lui confient la silhouette de leurs clientes afin de sublimer les robes haute couture. Enfin, partenaire du Crazy Horse, elle déshabille les plus belles danseuses du monde.
Un métier de niche
Eugénie Herminie Cadolle a créé cette maison en France en 1889. Six générations de femmes la suivirent au cours des siècles. A sa tête aujourd'hui, Poupie et Patricia. Les collections sont élaborées par Patricia (la 6e génération) et Poupie Cadole. "Nous n'avons pas de stylistes, tout est fait maison. Nous distribuons en France dans des boutiques sélectionnées et au 4 rue Cambon", précise Poupie Cadolle. La maison propose d'un côté Cadolle Diffusion, un prêt-à-porter de luxe, fabriqué selon les mêmes critères que Cadolle haute couture.
"Nos lignes se veulent très sexy, loin de l'image surannée qui nous était accolée pendant tant d’années. Nous avons pris le virage de la séduction grâce à la remise à la mode des corsets que j’ai réinitié dans les années 1980 ; les laçages font rêver les hommes et silhouettent les femmes de façon spectaculaire. Femmes célèbres, actrices, femmes politiques, princesses, reines, artistes... toutes viennent chez nous pour se faire faire un corps fabuleux", constate-t-elle. Patricia Cadolle dirige et initie les collections deux fois par an. Poupie l’assiste.
Un travail essentiellement manuel
Difficile, exigeant, il requiert de la technicité sous d’apparentes futilités. Le métier, c'est d'abord le rendez-vous avec la cliente avec la prise des mesures, le choix des matières… Puis les modélistes, mécaniciennes de l'atelier prennent le relais. "Il faut dessiner le patron sur les bases de nos modèles prédéfinis. Chaque pièce aura son propre patron", explique Poupie Cadolle. Suivra la coupe dans les tissus sélectionnées et le montage d'essai, que l'on appelle l'essayage, car il va être ménagé, sur chaque couture, une ressource -une marge de tissus permettant de jouer, si besoin est. Il faut ensuite procéder aux essayages et ajustements. Après quoi : "Ou je suis contente de moi, et on va monter la pièce, ou alors je redonne toutes les explications à Hélène, chargée des dessins et on recommence !", précise Poupie Cadolle. Le montage final et les finitions viennent clôturer le travail.
D'autres métiers d'exception
Outre la maison Cadolle, sont dévoilées, ici, des créations Christian Dior Couture (veste rose basque effet de corset avec jupe ballon rose), Eymeric François (robes corsetées et corsets, dont un bustier dentelle-métal) et Mugler (corsets rebrodés de strass). Le métier, c'est aussi savoir, comme l'explique cette professionnelle recréer des copies d'ancien. C'est une des spécialités des ateliers de l'Opéra National de Paris : les robes et costumes exposés sont pour la plupart des créations récentes (1990- 2000).
Le métier rare de corsetier vient compéter la liste des métiers de la mode que le Conservatoire de Lunéville a déjà mis en lumière. L'exposition 2014 était dédiée au “sculpteur pour le spectacle”, “formier” et “modiste pour le spectacle”. Ces artisans sont les témoins de formidables savoir-faire français, qui, du fond de leurs ateliers, déploient des trésors de créativité. Le visiteur peut aussi observer le travail du plisseur, ceux des ateliers de fleurs de Bruno Legeron, du formier Lorenzo Ré, du sculpteur pour le spectacle Michel Carel, de la modiste Sandrine Bourg et de l'éventailliste Anne Hoguet.
Le Conservatoire propose de manière permanente une découverte des broderies de Lunéville, avec la broderie perlée et pailletée et le Point de Lunéville au travers de robes et d'accessoires.
Exposition "Le monde magique du corsetier" jusqu'en 2016. Conservatoire des broderies de Luneville. BP 70117. Château de Lunéville. 54304 Luneville. Tous les jours sauf mardi. www.broderie-luneville.com, www.cadolle.fr/
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.