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L'ingéniosité de "La mode en temps de guerre" se dévoile à Lyon

Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Le Centre d'histoire de la résistance et de la déportation explore une facette de la vie à Lyon pendant la guerre. « Pour vous, Mesdames ! La mode en temps de guerre » retrace l’énergie déployée par les femmes pour continuer à se vêtir avec élégance malgré les restrictions et les difficultés, dans une ville devenue « capitale de la mode » du fait du repli de maisons parisiennes.

Paul Nerson, coll. Chevillot

Le vêtement et la mode représentent un enjeu culturel et économique pendant la guerre et révèlent les stratégies mises en place par une société soumise à la pression des événements. Si la majorité des femmes, subissant les restrictions, récupère, recycle et transforme pour conserver allure et dignité, une minorité reste cliente de maisons de haute couture et s’achète les robes de créateurs réputés, dont l’activité et la main d’oeuvre qualifiée sont jalousées par les Allemands. La presse féminine se charge d’établir un lien entre les deux, offrant aux premières les informations sur les collections et aux secondes les astuces pour suivre la mode en toutes circonstances
 (Paul Nerson, coll. Chevillot)
Fin 1940, les contours des restrictions et de la pénurie atteignent l'habillement. Les restrictions concernant le vêtement sont mal perçues : elles touchent à l’intime, à la liberté même de se vêtir comme on le souhaite, selon ses moyens, et de marquer ainsi son appartenance sociale.
 
 (Cinémathèque française, Paris © Stéphane Dabrowski)
La population lyonnaise est confrontée au manque de laine, de coton, de cuir. Elle doit faire face à des difficultés quotidiennes croissantes et mettre en place des stratégies complexes pour continuer à se vêtir, surtout après l’entrée en vigueur de la carte textile en juillet 1941 : les articles à usage vestimentaire sont soumis au régime de bons d’achat. Face à la pénurie en articles textiles, causée par les réquisitions allemandes, les Français sont astreints à un quota de 30 tickets. Pour subvenir à ses besoins, il faut des prodiges d’inventivité. 
 (Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris @ Pierre Verrier)
Les artisans locaux développent des solutions de remplacement dès janvier 1941 : tailleurs, couturières, modistes, bottiers sont confrontés aux pénuries de matières premières et à la nécessité de satisfaire une clientèle de moins en mois exigeante. De nouvelles techniques apparaissent ou réapparaissent : sur les chaussures, les semelles sont faites en bois, liège, rhodoïd ou paille. Parallèlement, la baisse de la production textile traditionnelle précipite le développement des fibres artificielles comme la rayonne et la fibranne, obtenues à partir d’acétate et de cellulose.
 (Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris © Pierre Verrier)
Lorsque la guerre éclate en septembre 1939, Paris est la capitale de l’élégance. Après la défaite à l’été 1940, les couturiers doivent faire face aux pénuries et négocier l’attribution de contingents de tissus. Ils sont contraints de s’adapter, de réduire le nombre de modèles proposés lors de chaque collection ainsi que les métrages utilisés. Les nouvelles matières (fibranne, rayonne) sont employées ainsi que celles en vente libre comme la dentelle.
 
 (Pierre Verrier)
Si la mode de Paris conserve son prestige, 2 événements contribuent à asseoir Lyon comme centre de mode. Pour répondre à un voeu exprimé par les industriels lyonnais et parce qu’il a des accointances avec des soyeux, le couturier Marcel Rochas présente sa collection à Lyon, en zone non occupée, en décembre 1940. Confronté aux interdits allemands qui empêchent l’exportation des créations françaises, Lucien Lelong organise à Lyon, en mars 1942, une présentation de modèles d’une vingtaine de couturiers, espérant approcher la clientèle des pays neutres et entrer en contact avec les couturiers de zone libre.
 (Galliera, Musée de la Mode de la Ville de Paris © Pierre Verrier)
  (Musée international de la chaussure, Romans-sur-Isère © Pierre Verrier)
Face à l’humiliation de l’occupation allemande, le soin que l’on apporte à sa tenue, permet d’afficher sa dignité et sa résistance aux événements. Tandis que les vêtements sont contingentés, que les accessoires sont soumis à des normes réglementaires, les chapeaux donnent lieu à une explosion de formes et de couleurs. Leur volume augmente jusqu’à la démesure en 1944. Le turban connaît un engouement d’autant plus grand qu’il permet de dissimuler des cheveux que l’on ne peut entretenir régulièrement. Les femmes adoptent le tailleur que leur impose les longues heures dans le métro ou dans les files d’attente. En l’absence de bas de soie, les femmes se teignent les jambes au brou de noix, inspirant les parfumeurs qui proposent des lotions prêtes à l’emploi.
 (Pierre Verrier)
Exposition « La mode en temps de guerre. Pour vous, mesdames » du 28 novembre au 13 avril 2014. Centre d'histoire de la résistance et de la déportation. 14, avenue Berthelot. 69007 Lyon. www.chrd.lyon.fr
 (Yannick Bailly)

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