L'exposition "Bijoux de scène de la Comédie-Française" ou comment faire de l'effet avec du toc, dans le nouvel écrin de l'École des arts joailliers

Une collection de bijoux de théâtre, dont certains ont paré d'illustres interprètes – qui sommeillaient dans les réserves de la Comédie-Française – a attiré l'attention de l'École des arts joailliers. L'hôtel particulier du XVIIIe siècle Mercy-Argenteau, inscrit aux Monuments historiques et nouvel écrin de l'école, accueille ce trésor. Insolite et passionnante découverte visible jusqu'au 13 octobre.
Article rédigé par Corinne Jeammet
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 6min
L'exposition "Bijoux de scène de la Comédie-Française" : broche de Sarah Bernhardt, René Lalique. (COLL. COMEDIE FRANCAISE / ÉCOLE DES ARTS JOAILLIERS)

Des bijoux de théâtre, dont certains ont paré d'illustres interprètes, sommeillaient dans les réserves de la Comédie-Française. Intéressée, l'École des arts joailliers a confié à Sabine Mattatia, docteure en histoire de l'art et spécialiste des bronziers parisiens au XIXe siècle, un chantier de recherche.

Au cours des derniers deux siècles, ces bijoux avaient été portés maintes fois, subissant une usure naturelle. Quel type d'artisans pouvait les nettoyer, les réparer ? Où trouver les pierres d'imitation qui les composaient ? L'école a financé leur restauration et l'ouvrage, qu'elle co-publie avec Gallimard pour accompagner l'exposition Bijoux de scène de la Comédie-Française qui a ouvert ses portes le 13 juin. Cet hôtel particulier du XVIIIe siècle, inscrit aux Monuments historiques, sur les Grands Boulevards à Paris, abrite – outre ce bel espace d'exposition – une librairie et une bibliothèque, entièrement dédiée au bijou.

Quartier des théâtres oblige…, la première exposition – dans le nouveau lieu et second site parisien de L'École des arts joailliers à l'hôtel de Mercy-Argenteau, dans le 9e arrondissement de Paris traite des bijoux de scène de la Comédie-Française avec cent-vingt accessoires, œuvres d'art et documents majoritairement issus des collections de ce théâtre.

La grande illusion

L'exposition débute dans l'obscurité, comme si le visiteur se trouvait dans les coulisses. Là, des tableaux, gouaches, miniatures, estampes, manuscrits, factures de fournisseurs évoquent les premières traces de bijoux de scène et expliquent ce qu'est le bijou de scène.

"Les parures que portaient les acteurs et les actrices provenaient majoritairement de leur cassette personnelle", explique Agathe Sanjuan, commissaire de l'exposition. "À exhiber leurs parures sur les planches, ils faisaient étalage de leur réussite sociale. Au risque d'être en contradiction avec l'action ! La recherche de véracité historique ne s'impose qu'à la fin du XVIIIe siècle". Cependant, les bijoux ayant une fonction dans l'intrigue de la pièce étaient, eux, fournis par le théâtre.

L'exposition "Bijoux de scène de la Comédie-Française" : couronne de laurier de Talma. (COLL. COMEDIE-FRANCAISE / L'ECOLE DES ARTS JOAILLIERS)

À l'époque, "on fait de l'effet avec du toc. Ce sont des matériaux factices, mais dont la technique de montage et de travail est digne de la haute joaillerie", souligne la commissaire d'exposition qui ajoute encore "le théâtre en général est un art assez pauvre et l'on ne peut pas se permettre d'avoir des matières nobles sur scène. La deuxième raison est leur fragilité".

Durant le Premier Empire, les bijoux de théâtre répondent à la vogue pour l'antique. Témoin, cette incroyable couronne de lauriers en métal doré (dans son imposant coffret) qui coiffait l'acteur, le grand Talma dans Britannicus. Mythique à double titre, elle lui fut offerte par Napoléon, dont il était proche, pour le féliciter de sa prestation dans le rôle de Néron.

Les codes de la haute joaillerie

Ces accessoires étaient-ils conçus pour briller de loin ? À les regarder de près, on est ébloui par la délicatesse de leur fabrication. Du toc peut-être, mais quelle technique ! La réalisation de certains ornements fait appel aux codes de la haute joaillerie. Ainsi, ce diadème aux étoiles "tremblantes" montées sur ressorts ou cette parure de verre bleu et cristal transformable tel un joyau précieux ; elle est composée de boucles d'oreilles et d'un collier dont l'élément de corsage peut se déclipser et devenir un pendentif.

Puis le rideau de velours noir franchi, le public se trouve en pleine lumière, comme sur scène. Des silhouettes de comédiennes et comédiens sont projetées sur des parois lumineuses telles des ombres chinoises accentuant l'effet théâtral de la scénographie. Place, cette fois-ci, au romantisme avec la tragédienne Rachel qui est l'héroïne de cette période. "Issue d'une famille pauvre de marchands ambulants, la tragédienne connut une carrière fulgurante", précise Agathe Sanjuan. "Entrée au Français en 1838, elle fut invitée à se produire devant toutes les cours d'Europe et jusqu'aux États-Unis et mourut de phtisie à l'âge de 36 ans". Rachel raffolait de bijoux vrais ou faux. Dans Phèdre, elle change de parures à chaque acte. Dans Bajazet, elle apparaît couverte de pierreries, du turban jusqu'à la ceinture.

Autre thème abordé, l'orientalisme avec, par exemple, un poignard serti de strass et de pierres de couleur. Point d'orgue de l'exposition, d'impressionnants costumes ont été empruntés au Centre national du costume et de la scène comme la tunique qui habillait Mounet-Sully dans Athalie de Racine, le torse orné d'un volumineux et imposant pectoral en cabochons de verre montés sur paillons pour mieux scintiller. Ces artistes sont des "monstres sacrés", comme Jean Cocteau qualifia les interprètes qui l'émerveillèrent, jeune homme.

Enfin, l'exposition met à l'honneur ces figures de la Belle Époque : Mlle Bartet, Édouard de Max, Sarah Bernhardt. Des portraits monumentaux, photographies en noir et blanc hautes de trois mètres, sont là pour illustrer leur imposante présence scénique.

Pectoral de Mounet-Sully. (COLL. COMEDIE FRANCAISE / ÉCOLE DES ARTS JOAILLIERS / BENJAMIN CHELLY)

Exposition "Bijoux de scène de la Comédie-Française", jusqu'au 13 octobre 2024. École des arts joailliers, 16 bis boulevard Montmartre, 75009 Paris. Du mardi au dimanche de 11h à 19h. Nocturne jusqu'à 21h le jeudi. Entrée libre sur réservation sur www.lecolevancleefarpels.com.

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