Journées du patrimoine : Balenciaga dévoile des vidéos inédites et nostalgiques de défilés des années 60
Après avoir présenté en 2016, 27 créations haute couture issues de la période espagnole (1930-1937) et de la période parisienne (1937-1968), puis en 2017, 22 pièces représentatives de la recherche de simplicité et de sobriété de Monsieur Balenciaga, la maison diffuse, aujourd'hui, des extraits de films consacrés aux collections haute couture de l’été 1960 à l’hiver 1968. Ces vidéos inédites ont été enregistrées dans les salons parisiens de Balenciaga au 10 avenue George V.
Aujourd’hui à la Paris Fashion Week, le mannequin a à peine mis le pied sur le podium que sa prestation est relayée, grâce aux photographes et aux invités armés de smartphones, sur les réseaux sociaux et les médias. L’heure est à la démesure : les photographes rodent devant les lieux des défilés pour shooter les looks les plus extravagants et les célébrités, dans la salle les VIP, les blogueurs et les clientes squattent les premiers rangs pour un show de 10 minutes qui ressemble à une performance.
On est loin de l’atmosphère feutrée des salons Balenciaga dans les années 60 présentée dans ces 14 vidéos prises entre 1960 et 1968, date de la dernière collection signée par le couturier.
Années 60 : des présentations qui peuvent durer plusieurs heures
Dans les années 60, les caméras étaient interdites dans les salons haute couture, ce qui confère aux images proposées par Balenciaga un caractère inédit et exceptionnel. Récemment retrouvées dans ses archives, ces vidéos de Thomas et Jean Kublin ont fait l’objet d’une restauration et sont diffusées pour la première fois. Cette plongée nostalgique permet de découvrir l’esprit et le style ainsi que la légende de Cristóbal Balenciaga."A l’époque" explique Sophie Parikka qui travaille aux archives Balenciaga et nous guide dans cette visite "on ne parle pas de défilés mais on utilise le terme de présentations. Elles pouvaient durer plusieurs heures car une centaine de modèles étaient présentés. Il pouvait y avoir même jusqu’à 250 passages car la collection était dévoilée dans son intégralité. Contrairement à aujourd’hui où défilent seuls les modèles les plus forts, ceux qui feront le buzz. A l'époque les clientes privées (duchesses, comtesses...) ainsi que les acheteurs des grands magasins assistent à l’aller-retour des mannequins dans les salons du couturier. Ils notent sur leur carnet les numéros des modèles inscrits sur un carton que tenait à la main la mannequin".
La presse bannie des défilés par peur de la copie
Comme le prouve la vidéo en noir et blanc de 1960 prise par le photographe maison (c’est la première fois que la maison filmait une présentation !) où les mannequins déambulent dans un salon presque vide. "Un mois plus tard la presse pouvait voir les modèles. Cette dernière avait été bannie à la fin des années 50 car le couturier avait peur des copies et voulait protéger ces créations" explique Sophie Parikka."Dans les salons Balenciaga, le silence régnait. C’était une atmosphère monastique feutrée, contrairement aux autres maisons de couture à l’époque" indique-t-elle avant d’ajouter "ces vidéos montrent également que Monsieur Balenciaga fait toujours appel aux mêmes mannequins. Ces dernières n’étaient pas choisies pour leur beauté (contrairement à aujourd’hui) mais pour que les clientes puissent se projeter sur le modèle".
Aux premières vidéos en noir et blanc succèdent celles en couleurs. Changement de ton. Le photographe maison Thomas n’est plus aux manettes, c’est son frère Jean Kublin qui prend le relais. "Les clientes et acheteurs sont absents des salons mais les vidéos sont plus scénarisées : ainsi plusieurs mannequins défilent en même temps".
Les défilés, du salon privé à la démesure
Si Charles Frederick Worth, père de la haute couture, est à l'origine du défilé de mode dans la seconde moitié du XIXe siècle, c'est la couturière londonienne Lucy Christina Duff Gordon qui propose le premier défilé-spectacle (fashion show) en 1901. Les années 1920 apportent des allures de performances artistiques notamment avec l'intégration de la danse, de la musique et du décor. En 1923, la couturière Jeanne Paquin fait défiler ses mannequins sur un tango tea au théâtre Palace de Londres. La danseuse américaine Irène Castle crée pour Coco Chanel la démarche familière au mannequin : "hanches en avant, les épaules tombantes, une main glissée dans la poche et l'autre en mouvement". Dès les années 1930, la musique prend une part de plus en plus importante ainsi que les jeux de lumières.À partir des années 60, la musique prend le dessus sur les numéros annonçant les modèles qui défilent. André Courrèges, Paco Rabanne ou Pierre Cardin inventent des mises en scène conceptuelles. Lors de la décennie suivante, Kenzo laisse ses mannequins improviser. Dès 1980, avec les jeunes créateurs, le défilé a une scénarisation, c'est la mode-spectacle. Avec le prêt-à-porter les défilés quittent les salons des couturiers pour d’autres lieux. Dans les années 90, les supermodels sont omniprésents : sexe et luxe sont indissociables. Après les années 2000, les défilés sont de plus en plus démesurés dans les grandes maisons qui font appel à des scénographes renommés.
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