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Fashion Week : Yiqing Yin ressuscite tout en délicatesse la maison historique Poiret

C'est l'événement de la PFW : le défilé Poiret, maison légendaire du début du XXe siècle de retour 90 ans après sa fermeture, une renaissance sous pavillon coréen qui constitue une gageure. Adapter au XXIe siècle le langage de Paul Poiret, couturier de l'époque Art déco, est revenu à Yiqing Yin, créatrice française d'origine chinoise, en charge de la D.A de la marque ressuscitée.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Poiret ah 2018-19 à Paris, mars 2018
 (Bertrand GUAY / AFP)

"Il y avait tout à construire, les équipes, tout, c'était vide il y a un an encore !", raconte la jeune femme de 32 ans, qui a dû mettre entre parenthèses sa propre maison de haute couture pour se consacrer au projet.

Poiret ah 2018-19 à Paris, mars 2018
 (Bertrand GUAY / AFP)

Plongée dans les archives

Entourée d'une équipe d'une vingtaine de personnes, constituée sous la houlette de la femme d'affaires belge Anne Chapelle, PDG et propriétaire des marques Ann Demeulemeester et Haider Ackermann, Yiqing Yin s'est d'abord livrée à un travail de recherches. Une plongée dans des ouvrages, des documents iconographiques, des archives disséminées dans plusieurs musées comme le Met à New York, qui avait consacré une rétrospective au couturier en 2007 mais aussi le Musée des Arts décoratifs et le Palais Galliera à Paris. "Les fondamentaux que cette marque promouvait à l'époque sont encore d'actualité aujourd'hui", estime la créatrice: "il s'agit d'offrir un espace de liberté, à l'époque, lui avait libéré le corps du corset, c'est aussi libérer les esprits, l'imaginaire". Ce précurseur, qui avait aminci et allégé la silhouette féminine, était influencé par l'orientalisme (sarouels, tuniques, kimonos japonais) et imposait des couleurs vives qui détonnaient à l'époque.
Poiret ah 2018-19 à Paris, mars 2018
 (Bertrand GUAY / AFP)

Développer des collaborations avec des artistes

La créatrice revendique un style à la "sensualité subtile", avec des vêtements alliant une architecture "oversize" (surdimensionnée) et épurée avec "une très grande richesse d'imprimés, des innovations et expérimentations sur les tissus, les textures". Yiqing Yin entend aussi à l'avenir développer des collaborations avec différents artistes, "peintres, photographes, danseurs, cuisiniers". A l'image de Paul Poiret, qui s'intéressait à tous les arts décoratifs ainsi qu'à la bonne chère, comme en témoignait l'embonpoint de cet hédoniste mort ruiné et dans l'indifférence en 1944.
Poiret ah 2018-19 à Paris, mars 2018
 (BERTRAND GUAY / AFP)

Cette marque historique peut-elle parler aux nouvelles générations ?

"Si Poiret était encore vivant, il serait le premier à être sur Instagram, à communiquer, et surtout à faire en sorte que ses créations soient au service des femmes et de la complexité de leur vie", assure Yiqing Yin. 
Poiret automne-hiver 2018-19 à Paris, mars 2018
 (Bertrand GUAY / AFP)
"C'est un défi", souligne Serge Carreira, maître de conférences à Sciences Po sur la mode et le luxe. "C'est une maison qui a une histoire et un patrimoine assez uniques. Mais le nom n'est pas suffisant... Ce qui sera déterminant, c'est la façon dont cette maison va trouver un nouveau vocabulaire, une nouvelle expression pour correspondre à la femme de 2018, et non pas celle de 1918 ... On est déjà dans un marché saturé avec des nouveaux talents, des maisons qui se relancent, des directions artistiques qui changent..." poursuit-il.

"Il ne s'agit pas de dire +viens faire connaissance avec ma grand-mère+!", assure Anne Chapelle, décrivant sa démarche comme "plonger une vieille maison dans un bain d'eau fraîche". 
Yiqing Yin et Anne Chapelle main dans la main pour la maison Poiret
 (Courtesy of Poiret)

Une vieille maison ressuscitée

Rachetée en 2015 par le géant de la distribution sud-coréen Shinsegae à la société luxembourgeoise Luvanis, la griffe proposera un prêt-à-porter de luxe et des accessoires, des bijoux et des chaussures. 

Poiret ajoute ainsi son nom à la liste des vieilles maisons relancées ces dernières années, de Balenciaga à Carven, de Schiaparelli à Vionnet. Habituée à accompagner des créateurs dans le lancement de leur marque, elle n'a pas hésité quand les Coréens l'ont approchée. "Avec Ann Demeulemeester et Haider Ackermann, c'était complètement différent, on devait se faire connaître, créer un langage. Ici il y a déjà une philosophie, il faut juste l'interpréter d'une façon moderne, pour moi c'est très intéressant". La dirigeante, discrète sur le montant de l'investissement coréen ("beaucoup d'argent"), n'envisage pas d'ouverture de boutique avant "l'année prochaine ou l'année d'après".
   

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