Depuis la mort de Pierre Cardin, les descendants du couturier se livrent une guerre des clans et se disputent son héritage
Ses robes bulles et son histoire d'amour avec la comédienne Jeanne Moreau ont façonné la célébrité du couturier Pierre Cardin, qui a bâti un solide empire au fil de sa longue carrière. Depuis sa mort fin 2020, sa famille se déchire autour de sa succession.
Le couturier, qui n'a pas eu d'enfants, a laissé un riche patrimoine: une holding et des filiales, des licences, des marques, ainsi que des biens immobiliers notamment à Paris et dans le Vaucluse.
Bras de fer entre héritiers
D'un côté, les petites-nièces du créateur, qui ont rallié la plupart de la famille Cardin, souhaitent que le groupe Cardin soit vendu et dénoncent "une tentative de spoliation d'héritage".
De l'autre, le petit-neveu du couturier, Rodrigo Basilicati-Cardin, devenu directeur général du groupe en 2018 puis président en novembre 2020. Ce quinquagénaire, qui dit avoir travaillé près de 25 ans auprès de son grand-oncle, souhaite "respecter les volontés de Pierre Cardin, préserver son empire et défendre son image".
L'actif du groupe est estimé entre 750 et 800 millions d'euros, selon les propositions de rachat, précise à l'AFP Me Jean-Louis Rivière, avocat des petites-nièces.
Bataille judiciaire
L'enquête a été ouverte après une plainte des petites-nièces Cardin déposée en mars pour abus de faiblesse, abus de confiance aggravé, escroquerie, faux et usage de faux, a précisé cette source, confirmant une information de Challenges.
Ces dernières reprochent à leur cousin Rodrigo Basilicati-Cardin de vouloir "récupérer l'intégralité du patrimoine individuel de Pierre Cardin et du groupe selon des manœuvres douteuses voire éventuellement frauduleuses", résume leur avocat.
Les investigations, toujours en cours, ont été confiées à la brigade de répression de la délinquance astucieuse, a-t-on indiqué de même source. Ces mêmes Cardin ont déposé trois autres plaintes depuis le début de l'année.
La première, déposée le 28 janvier pour faux, a été classée sans suite le 7 juin. Une deuxième plainte, dénonçant le 16 juin des faits d'abus de confiance et de faux, est en cours d'examen par le parquet, selon la source judiciaire.
Enfin, une troisième plainte avec constitution de partie civile vise des faits d'escroquerie et d'abus de confiance. Adressée le 27 juin, elle est "actuellement chez le doyen des juges d'instruction" parisiens, a ajouté cette source. Ce même magistrat a été destinataire d'une plainte avec constitution de partie civile déposée le 21 juin par le petit-neveu du créateur, Rodrigo Basilicati-Cardin, pour diffamation.
Guerre de clans
Selon le magazine Challenges, les petites-nièces, soutenues par la plupart des descendants Cardin, reprochent à Rodrigo Basilicati-Cardin de bloquer la vente du groupe.
Rodrigo Basilicati-Cardin est devenu directeur général du groupe en octobre 2018 puis président en novembre 2020, un mois et demi avant la mort de Pierre Cardin le 29 décembre 2020 à l'âge de 98 ans.
Les petites-nièces contestent la validité d'un testament signé par Pierre Cardin en novembre 2016 produit par Rodrigo Basilicati-Cardin et le désignant comme unique héritier. Il s'agit d'"une tentative de spoliation d'héritage" par le biais de "manœuvres douteuses voire éventuellement frauduleuses", considère leur avocat Me Jean-Louis Rivière. Une découverte "opportune" au lendemain d'une offre de rachat du groupe avec laquelle "l'ensemble des héritiers, représentant 85%, étaient d'accord", souligne Me Rivière.
Ce "testament aurait dû être trouvé pendant l'inventaire" réalisé après la mort du couturier, "mais au moins il m'a permis de connaître ma famille", raille Rodrigo Basilicati-Cardin. Pierre Cardin "a exprimé de son vivant sa volonté que je lui succède et en dix ans il a fait un certain nombre d'actes conséquents jusqu'au testament", se défend Rodrigo Basilicati-Cardin.
"Certains membres de la famille, qui n'acceptent pas que Pierre Cardin m'ait désigné pour lui succéder, multiplient les procédures et essaient de mobiliser la presse, avec des allégations mensongères qui n'ont pour seul but que de me nuire et de nuire au groupe", dénonce-t-il. Des procédures civiles sont en cours notamment sur la validité de ce testament.
Un trésor à développer
"Mon but, c'est de relancer la marque, pas de la vendre, c'était la volonté de mon oncle", ajoute-t-il, rappelant avoir travaillé plusieurs années aux côtés du couturier. Sous l'impulsion de Rodrigo Basilicati-Cardin, la maison Pierre Cardin est revenue en mars dernier sur le calendrier officiel du prêt-à-porter féminin à Paris après 25 ans d'absence.
En reprenant les silhouettes phares du couturier visionnaire, la collection a été conçue en interne, Rodrigo Basilicati-Cardin ne souhaitant pas inviter un styliste extérieur pour ne pas "dénaturer" l'héritage de son grand-oncle. "À la fin, dit-il, Pierre Cardin m'a confié des conseils importants sur sa vision de la marque, c'est un trésor que je veux développer".
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