Cet article date de plus de cinq ans.

"Body positive" : rondes et mannequins atypiques défilent à Paris pour dénoncer le culte de la minceur

Inspirée par les militantes américaines du "body positive", Georgia Stein se bat pour ces nombreuses femmes qui "font de grosses dépressions et sont malheureuses pendant toute leur vie, parce qu'elles pensent qu'elles ne sont pas normales".

Article rédigé par franceinfo Culture avec AFP
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des mannequins lors du défilé Body positive organisé par Georgia Stein à Paris, le 15 septembre 2019 (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Minces ou rondes, grandes ou petites, une centaine de mannequins âgées de 18 à 65 ans ont défilé au côté de mannequins du sexe opposé, dimanche 15 septembre à Paris, près du centre Pompidou pour promouvoir le mouvement "body positive".

Devant la fontaine Stravinsky, des robes noires identiques ont défilé, symbolisant l'uniformisation imposée par l'industrie de la mode, jusqu'au moment où les mannequins les ont laissé tomber révélant des corps vétus de lingeries sexy. Elles ont été acclamées et applaudies par plusieurs centaines de badauds, touristes ou proches venus les soutenir. Des hommes en sous-vêtements, loin eux aussi des canons habituels, ont clos le défilé.

La mannequin Georgia Stein le 15 septembre 2019 à Paris lors du défilé body positive  (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Dénoncer le culte de la minceur

"Tout le monde a besoin de ce mouvement!", a déclaré à l'AFP Georgia Stein, mannequin "grande taille" de 33 ans initiatrice des défilés "body positive" à Paris. C'était le troisième organisé depuis 2018 pour dénoncer le culte de la minceur qui, selon cette hôtesse de l'air franco-allemande, fait souffrir énormément de femmes qui ne se trouvent pas "normales" dans une France plutôt mince réticente aux rondeurs. 

Des mannequins de toutes les couleurs de peau et toutes les morphologies, mesurant de 1,45 mètre à 1,85 mètre, ont défilé. La plus âgée avait 65 ans. "Nous avons une diversité de dingue", a déclaré la mannequin. 

Georgia Stein, passée de la taille 36 à la taille 44, reconnaît qu'elle "aurait pu maigrir en faisant du sport" mais refuse de le faire. Elle se dit en "parfaite santé" et "très à l'aise dans son corps" qui l'a amenée au mannequinat. "Au début, c'était compliqué d'assumer un nouveau corps, le ventre, les cuisses, les fesses, la poitrine. J'ai dû changer mon style vestimentaire et, en quelque sorte, mon identité. Mais je suis une personne assez forte, exubérante, je m'y suis faite très vite", raconte-t-elle avant de s'envoler vers Francfort, Toulouse et Copenhague.

La mannequin Georgia Stein le 15 septembre 2019 à Paris lors du défilé body positive  (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Un mouvement inspiré par les militantes américaines

Inspirée par les militantes américaines du "body positive", Georgia Stein se bat pour ces nombreuses femmes qui "font de grosses dépressions et sont malheureuses pendant toute leur vie, parce qu'elles pensent qu'elles ne sont pas normales". "En France, étant donné que la population est plus mince qu'aux États-Unis, la mentalité et la tolérance face au surpoids sont totalement différentes. Aux États-Unis, il est courant de voir une femme de taille 50 porter une robe moulante avec des talons, un décolleté. Ici vous ne verrez jamais cela", souligne-t-elle.

Par conséquent, il y a peu de mannequins professionnelles de grande taille dans l'Hexagone et les rares marques françaises qui collaborent avec les rondes font appel aux étrangères, souligne Georgia Stein. Cependant les lignes commencent à bouger: des femmes à courbes avec des imperfections vous sourient en France dans les publicités de lingerie. "Il y a plusieurs marques qui ont changé leur stratégie marketing et ont plus de diversité (...) Certaines ont fait de la récupération par rapport à ce mouvement, qui est tendance en ce moment (...), elles disent vouloir habiller toutes les femmes, mais en fait leur lingerie s'arrête" à une taille relativement petite, souligne Georgia Stein. "Néanmoins je trouve cela important, il y a une évolution. Tout ne peut se faire du jour au lendemain, il faut attendre, c'est comme dans tous les combats qui ont été menés", ajoute-t-elle.

Si au début le "body positive" était "pour les gens en surpoids", de plus en plus de personnes s'y retrouvent, assure Georgia Stein. "Dans les réseaux sociaux, on nous critique, on dit qu'on motive l'obésité, entraîne la fainéantise, la malbouffe... Ces gens-là restent concentrés sur un cas de figure parmi mille : il y a aussi des maladies, des hormones, des grossesses, des dépressions, des traitements qui peuvent agir sur le poids". Pour les hôtesses de l'air, "les standards, c'est fini", se félicite Georgia Stein mais ceux-ci pèsent dans d'autres domaines. "Une comédienne taille 44 me disait qu'elle a beaucoup moins de chance d'avoir des rôles. Chez les hommes, il y a toutes les morphologies, des calvities, des ventres, des barbes, alors que les femmes sont toutes identiques et minces. Même dans les films américains, il n'y a pas beaucoup d'actrices en surpoids", déplore Georgia Stein. "Cette définition de la beauté a été cultivée pendant des générations entières, cela a fait énormément de mal, on le ressent, surtout chez les adolescentes. Il est important d'en parler. C'est comme les féminicides - cela existe depuis toujours mais on en parle maintenant, parce que cela suffit", conclut-elle. 

"Si elles le font, c'est qu'il y a besoin de le faire"

"Cela fait du bien de voir des gens sans complexes. Elles sont un peu grosses, mais très sympathiques. Bravo ! Il faut avoir du courage pour faire ceci", a commenté Dousan Cvetanovic, un retraité de 67 ans qui s'est attardé pour prendre des photos de ce défilé inhabituel. 

Giovanni Maggioni, un Italien de 36 ans, a salué l'évènement estimant lui aussi qu'il faut "sensibiliser contre l'esthétique standardisée qu'on voit dans la publicité. C'est bien qu'on change cette vision du corps humain".

Cédric, un trader de 42 ans, s'est montré plus sceptique sur la nécessité d'organiser de tels défilés. A Paris, il y a de la diversité et les clichés sur la beauté sont révolus, a-t-il expliqué. Mais d'ajouter : "si elles le font, c'est qu'il y a besoin de le faire".

"C'est super de voir tous les poids et toutes les morphologies. La France a besoin de ça. Elles ont beaucoup de courage, moi, je n'aurais pas osé défiler", a lancé Alix Meunier, 30 ans, mère au foyer venue voir le défilé en famille.

"C'est très positif pour les femmes qui ne sont pas en confiance, c'est une très bonne initiative. Aujourd'hui on regarde trop les apparences physiques, il est temps de voir les choses différemment", a renchéri Ahammama Bey, 30 ans.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.